C'est un jeu qui est très collectif qui demande une mise en place tactique extrêmement complexe avec 15 joueurs de chaque côté. Tout est un petit peu à son paroxysme côté analyse de mouvements, IA et data. Par exemple, un lancer en touche. Il y a très clairement une façon de lancer en touche qui peut être optimale dans le déploiement du corps, des bras et de la balle. Les aspects qui montent énormément aussi, sont les aspects neurocognitifs. À la fois pour la performance et la prévention des risques lésionnels, ou les problèmes de commotions, avec des nouveaux outils qui sont en train d'arriver pour faire une analyse plus fine et mieux comprendre les difficultés que certains joueurs rencontrent lors de ce genre de choc. Aujourd'hui, on s'est rendu compte, ça a d'ailleurs été utilisé lors de la dernière coupe du monde de football, que la FIFA a mis en place un programme de reconnaissance par intelligence artificielle de la cinématique des joueurs. Il est utilisé pour détecter les hors-jeux. On pense que très rapidement, avec l'évolution des ordinateurs et des algorithmes d'IA, on sera en capacité d'être extrêmement précis. Quasiment aussi précis qu'en laboratoire. L'idée maintenant, c'est de pouvoir analyser le jeu en 3D uniquement à partir des caméras, des sorties vidéos, du diffuseur quel qu'il soit. Ça pose des problèmes car dans un laboratoire, quand on filme avec caméras, en général, on fait des plans fixes et le joueur passe devant les caméras. Quand on suit un match, il y a des zooms, des contre-plongées, des mouvements de caméra que l'algorithme de l'IA doit aussi apprendre. Mais pour moi, ce qui va être une révolution sera l'utilisation de l'IA pour l'analyse de mouvements. Ce qu'on achète pour des systèmes en laboratoire va maintenant marcher avec les caméras que vous utilisez pour les diffusions de tous les matchs. Sur l'aspect rugby, la France est vraiment en pointe des recherches. De façon assez précoce, les clubs ont tout de suite compris l'intérêt d'investir dans la recherche. Un certain nombre de clubs ont aujourd'hui des chairs ou des actions de recherche, avec un grand nombre de laboratoires en biomécanique, en neuroscience, ou dans d'autres thématiques. La France est leader là-dessus. C'est vraiment assez exceptionnel. On a eu deux thèses avec le "Racing 92". On en aura deux avec le stade français. Et on a des études avec d'autres clubs. Il y a une effervescence de l'aspect sport, performance, minimisation des risques lésionnels au niveau du rugby avec un corps médical extrêmement conscient de l'intérêt que ça peut avoir et des présidents de clubs vraiment à notre écoute. Aujourd'hui, jouer au rugby se fait sur plusieurs types de surfaces. Tous les terrains ont des caractéristiques différentes. Il faut adapter en particulier le chaussage aux types de terrain sur lesquels on joue. Un exemple très concret : nous essayons d'enlever et proscrire les chaussures à lamelles sur les terrains synthétiques. Ces terrains ont énormément de grippes et la lamelle est un élément qui a tendance à verrouiller le pied dans la pelouse et peut amener un plus grand risque de blessure, en particulier d'entorse ou de rupture du ligament croisé. Pour évaluer les chaussures, on s'est servi d'enregistrements de mouvements de vrais rugbymans. Des courts, des cadrages débordements, des réceptions de sauts. Ce mouvement-là a été donné, comme donnée d'entrée à un bras robotisé qui reproduit à la même vitesse et avec les mêmes niveaux d'efforts, le vrai mouvement de ces joueurs. On est capable d'avoir un dispositif extrêmement reproductible. Il nous permet de comparer les chaussures entre elles, différentes technologies de terrains et proposer une chaussure la mieux adaptée à un joueur compte tenu de son profil. Les records du "100 mètres" ne sont plus battus ou mettent énormément de temps à évoluer. Les grandes révolutions qui pourront amener à faire de nouveaux records sont des changements radicaux de techniques. Quand Fosbury a inventé son fameux saut que tout le monde connaît, ça a permis d'avoir une nouvelle technique de saut que personne n'avait imaginé. Il y a l'invention humaine pure. Après, il y a toute la partie technologique, où l'on peut modifier les tartans (ndlr : matériau utilisé sur les pistes) pour que leur restitution d'énergie soit plus efficace. On peut modifier par exemple la façon dont l'eau est fabriquée pour les piscines pour faire en sorte qu'elle soit plus efficace. Il y a plein de choses qui peuvent être améliorées : la glisse et la pénétration dans l'air. Ça va même jusqu'au jersey que vous portez quand vous courrez. Tout ça, ce sont différents volets de la science, où vous allez retrouver de la mécanique des fluides, de la physique, de la chimie. Dans les modèles et les technologies que nous développons, il y en a un très grand nombre qui vont trouver des applications pour le grand public. Aujourd'hui quand vous faites du running, vous utilisez votre smartphone qui est capable de vous donner la symétrie, la longueur de pas et la vitesse à laquelle vous allez. Tous ces petits objets-là viennent de la recherche et ont d'abord été utilisés pour de l'optimisation de la performance en athlétisme, et sont aujourd'hui déclinés pour le grand public, que tout le monde utilise. Cela vous permet de mieux comprendre comment fonctionnent vos chaussures, mettre en place votre programme d'entraînement et de savoir quand est-ce qu'il faut arrêter. Pour le grand public, c'est quelque chose d'extrêmement intéressant pour mieux comprendre comment fonctionne notre corps, Afin d'adapter les exercices que l'on fait de manière à avoir une aide sur la façon qu'on a de pratiquer une activité physique.