Le sommeil paradoxal désigne une activité cérébrale intense avec de nombreux rêves en l'absence de tonus musculaire. Il arrive que la paralysie disparaisse et que des individus exécutent les gestes dont ils rêvent. On appelle cela les troubles du comportement en sommeil paradoxal qui affectent environ 1 % de la population, surtout des hommes de plus de 55 ans. Chercheuse à l'université de Montpellier et clinicienne, la neurologue Valérie Cochen De Cock a été confrontée à ce trouble durant ses consultations. Elle explique. En général, c'est un problème de couple. Le plus souvent, un homme plutôt placide se met à être un démon dans le lit la nuit. Il hurle, il insulte, il utilise des propos qui ne sont pas les mots qu'il emploie dans la journée. Ces hommes se mettent à s'agiter et souvent à être violents. Ils ont des gestes violents, ils essaient d'étrangler leur femme, de la pousser hors du lit. Ils se jettent sur elle, lui tirent les cheveux. Ce sont des comportements vraiment violents et inhabituels. Lorsqu'on réveille ces hommes à ce moment-là, souvent leur femme les réveille, ils disent rêver qu'ils les défendent. C'est extraordinaire car ils leur font mal, mais ils rêvent qu'ils les défendent contre un ennemi imaginaire, un agresseur ou un animal qui vient parasiter leurs cauchemars. Comment dresse-t-on le diagnostic des troubles du comportement en sommeil paradoxal ? Chez un homme de 60-65 ans qui se plaint d'avoir violenté son épouse, le diagnostic est quasiment posé. Ce diagnostic se confirme sur des enregistrements polysomnographiques. C'est l'enregistrement du sommeil. Il permet d'enregistrer l'activité du cerveau et de démontrer que c'est bien en sommeil paradoxal que les activités se font. Et puis, on filme le patient. Avec un peu de chance, la nuit de l'enregistrement, l'homme s'agite et le diagnostic est évident. L'autre signe indirect est l'absence d'atonie musculaire, normale en sommeil paradoxal. Ce stade de sommeil doit se caractériser par une paralysie du patient, il n'y a donc aucun tonus musculaire sur les enregistrements. Chez ces patients, même s'ils ne bougent pas, on voit à ce stade de sommeil réapparaître le tonus musculaire. Ils ont donc les moyens d'exprimer le contenu de leur rêve une autre nuit. Cela signifie-t-il que toute agitation durant le sommeil équivaut à un trouble du comportement en sommeil paradoxal ? Bouger dans son sommeil n'est pas synonyme de trouble du comportement en sommeil paradoxal. Par exemple, chez l'enfant, il peut y avoir du somnambulisme. C'est quelque chose de complètement différent qui n'a rien à voir. Mais ce somnambulisme peut persister à l'âge adulte, il faut bien faire la différence et poser un diagnostic précis. L'autre situation qui entraîne quelque chose de similaire, ce sont les apnées du sommeil. C'est un phénomène très fréquent. Pendant l'apnée, les personnes peuvent avoir un comportement bref mais complexe, qui peut mimer un trouble en sommeil paradoxal. Pourquoi le diagnostic de ce trouble est-il important pour les patients concernés ? Les patients développent dans les années qui suivent des maladies, en particulier la maladie de Parkinson. Cela est dû au fait que les lésions de la maladie s'étendent, se propagent dans le cerveau en tâches d'huile. Chez certains patients, cette propagation est ascendante, touchant d'abord la partie moyenne du tronc cérébral là où le système de l'atonie musculaire pendant le sommeil paradoxal, est régulé. Voilà pourquoi ce phénomène apparaît en premier. Dans les années suivantes, la maladie s'étend aux parois ascendantes, et touche la substance noire, partie responsable de la maladie de Parkinson. Un groupe international réunissant une vingtaine de centre de recherches travaille sur le sujet. Avec quels résultats ? Cette année, grâce à cette association de chercheurs, nous avons étudié un groupe de plus d'un millier de patients et déterminé à partir du diagnostic chez un patient précis, les risques qu'il a de développer une maladie de Parkinson dans le futur. On a déterminé que ce taux était de 6 % par an, ce qui est un taux important mais aussi rassurant pour les patients. L'intérêt d'avoir déterminé ce taux, c'est que si un jour, on dispose d'un médicament qui empêche l'apparition de Parkinson, on pourra le tester chez cette population-là et voir si ce taux est modifié et si l'on arrive à empêcher la maladie de survenir chez ces patients. Les troubles du comportement en sommeil paradoxal précèdent-ils toujours la maladie de Parkinson ? Ce phénomène peut précéder la maladie de Parkinson, arriver au même moment ou dans le cours évolutif de la maladie. Finalement, tous les patients atteints de Parkinson ne présentent pas forcément dans les années précédentes un trouble du comportement en sommeil paradoxal. C'est un indicateur chez ceux qui l'ont de manière isolée. Ça ne permet pas de diagnostiquer tous ceux qui auront Parkinson. Par contre, cet outil nous permet de détecter d'autres marqueurs précoces d'une future maladie de Parkinson. On est en train d'étudier ces populations pour voir si elles sont différentes de personnes du même âge qui n'ont pas ce trouble du comportement en sommeil paradoxal. Les Canadiens mènent des études génétiques pour voir s'il y a des gènes qui seraient impliqués. Dans les comportements, il y a des différences. Les personnes qui développent la maladie de Parkinson ont des troubles de l'olfaction ou de la vision. Nous travaillons sur leur capacité à détecter le rythme car elle semble être différente d'un sujet sain. Le fait d'avoir cette population cible nous permet d'identifier d'autres marqueurs précoces qui pourront être utilisés à beaucoup plus large échelle et permettre peut-être, si on dispose un jour de médicaments pour bloquer l'évolution de la maladie, de traiter les gens avant qu'ils ne soient malades.