Ces petits bâtonnets sont les éléments de base qui composent les batteries de nos voitures électriques. Que contiennent-ils ? Comment les laboratoires améliorent leurs performances ? Et quelles sont les futures générations de batteries qui embarqueront à bord des véhicules électriques ? Pour le savoir, petit détour du côté d'Amiens dans les coulisses du Laboratoire de Réactivité et Chimie des Solides, un des plus importants centres de recherche en France dédiés au stockage de l'énergie. Tous les jours, 140 personnes (étudiants enseignants-chercheurs) imaginent et testent de nouvelles recettes de batteries. La recette la plus connue et la plus vendue dans le monde à ce jour est à base de lithium-ion. Une batterie lithium-ion est un dispositif pour stocker de l'énergie Il est constitué de trois couches. Donc ça ressemble un peu à un sandwich jambon-beurre. Il y a deux couches qu'on appelle les électrodes. C'est un peu comme les tranches de pain. Et il y a une couche au milieu qu'on appelle le séparateur, qui est comme le jambon et le beurre. Lorsque cette batterie est déchargée, il y a des atomes chargés positivement qui vont migrer d'un électron à l'autre. Et lorsqu'on va recharger cette batterie, ces même atomes chargés positivement vont faire le chemin inverse. Fabriquer une batterie lithium-ion est extrêmement complexe et nécessite de nombreuses étapes. Chaque électrode est fabriquée séparément, l'une à base de graphite et la seconde à base de nickel-manganèse-cobalt. L'électrode positive et la négative sont ensuite réunies mais séparées l'une de l'autre par ce papier blanc, le séparateur, qui évite le court-circuit. L'ensemble est enroulé et glissé dans un cylindre. Pour faire circuler les ions lithium à l'intérieur de la batterie, on ajoute un liquide, l'électrolyte. Nos piles sont quasiment prêtes à l'emploi. Alessandro et son équipe cherchent à améliorer les performances de ces batteries lithium-ion en agissant sur les nombreuses étapes de fabrication. Pour éviter des essais longs et coûteux, il utilise des modèles mathématiques et de l'intelligence artificielle. De quoi trouver plus rapidement la bonne recette de cuisine. L'intelligence artificielle reçoit comme paramètres d'entrée les paramètres des procédés de fabrication. Donc par exemple, la formulation de l'encre : la proportion des différents matériaux que vous mettez au niveau de l'encre pour fabriquer l'électrode. Un autre exemple de paramètre d'entrée, c'est la température qu'on utilise dans les fours pour sécher cette encre-là. C'est ce type de paramètres que l'intelligence artificielle reçoit comme input. Et comme output, il sort les propriétés des électrodes : la porosité, la conductivité et la performance électrochimique. La modification d'un paramètre de fabrication influence grandement l'architecture interne d'une électrode. Pour observer ces changements et choisir la bonne recette, l'équipe utilise ce casque de réalité virtuelle pour voyager à l'intérieur de l'électrode nouvellement créée. Ce qui nous intéresse avec ces électrodes fabriquées, c'est d'avoir une bonne morphologie, une bonne texture, une bonne porosité, qui déterminent les volumes des ports qui sont présents dans l'électrode. Il faut aussi des bonnes percolations de tous ces ports-là. Il ne faut donc pas que les ports soient trop intriqués. Sinon ça va être très difficile pour les ions lithium de migrer au sein des électrodes. Et on aura des temps de recharge plus lents. Aujourd'hui, les batteries lithium-ion les plus performantes se rechargent à 80% en 20 minutes et permettent de rouler entre 400 et 500 km d'une seule traite. Pour dépasser ces valeurs, les laboratoires travaillent déjà sur une nouvelle génération de batterie dite "tout solide". L'ambition du développement des batteries tout solide, c'est d'arriver à des batteries qui contiendront plus d'énergie par kilo ou par mètre cube que les batteries lithium-ion actuelles. Donc si on a plus d'énergie par masse ou par volume, on pourra aller plus loin pour une même quantité de batterie à l'intérieur d'un véhicule. Ces batteries sont dites tout solide car l'électrolyte qui transporte les ions lithium n'est plus liquide mais solide. Et l'électrode à base de graphite est remplacée par ce bout de métal qui est du lithium métallique. Si ces batteries seront plus puissantes que les lithium-ions, il reste encore de nombreux aspects à régler et notamment les problèmes d'interface entre les constituants de la batterie. Voici un exemple où vous avez un électrolyte solide. Et ici, vous avez une électrode négative qui est une électrode de lithium. Pendant que l'on fait des charges et des décharges du matériau, On se rend compte que l'on a une progressive perte de contact entre cette électrolyte solide et cette électrode. Si on va voir de plus près pour essayer de comprendre la perte de contact entre les deux, on se rend compte que l'on a des structures, comme celle-ci, qui ont tendance, après chaque charge et décharge, à grandir et à augmenter la perte de contact. Ça va poser un problème pour le transfert des ions entre les électrodes et l'électrolyte. Et si ces structures arrivent à intégrer et à rentrer à l'intérieur de l'électrolyte solide, et qu'elles traversent cette électrolyte solide, elles ont la possibilité d'aller jusqu'à l'autre électrode. Et on avoir un court-circuit au niveau de la batterie. Résoudre les problèmes d'interface et de sécurité sont les enjeux majeurs des recherches menées dans le monde sur les batteries tout solide. Des experts estiment que d'ici 5 à 6 ans, ces batteries de nouvelle génération pourraient débarquer à bord de nos véhicules. Mais ces technologies à base de lithium impliquent l'utilisation d'énormes quantités de minerais, un métal dont les gisements sont limités et les coûts d'extraction, de plus en plus élevés. Pour s'affranchir de cette ressource, les laboratoires cherchent des alternatives au lithium. Le laboratoire d'Amiens a fait le pari des batteries au sodium, un élément chimique beaucoup plus abondant et disponible sur terre que le lithium. Et il a aussi certains avantages. Le sodium diffuse vite, il a cette capacité à pouvoir se charger en quelques minutes. Ça dépend de la taille... Mais il se recharge beaucoup plus rapidement que le lithium-ion, sans avoir de problématique de durabilité suite à des recharges rapides. Si on prend un cas concret, on peut imaginer un bus. Il va se charger à chaque bout de ligne. Donc il y a 12 km d'autonomie par exemple. Et il va se recharger en quelques minutes à chaque bout de ligne. On peut aussi imaginer dans un véhicule autopartagé qu'il n' y est pas le temps de latence entre deux utilisateurs pour pouvoir utiliser sa voiture avec le maximum d'énergie à l'intérieur. Après 15 années de recherche sur les batteries sodium-ion, le laboratoire a créé en 2017 la start-up Tiamat dans le but de développer et commercialiser ses propres batteries. Et aujourd'hui, les clients s'intéressent de plus en plus à cette technologie. Avec le coût de la matière première, le sodium-ion a explosé en termes d'intérêt pour les constructeurs automobiles. Aujourd'hui, on a un contrat avec un constructeur automobile pour développer des technologies sodium limitées en termes de densité d'énergie mais suffisamment intéressantes pour qu'ils envisagent de pouvoir mettre ça dans des véhicules électriques. Sodium-ion, lithium-ion, lithium-métal, les technologies des batteries sont en pleine effervescence. Pour s'imposer, les futures batteries devront être performantes, sûres et maîtriser leurs coûts. Elles devront aussi avoir le plus faible impact sur l'environnement, prouver leur capacité à être recyclées et incorporer des matériaux issus du recyclage. Autant de défis à relever pour garantir le succès du véhicule électrique.