La mouche drosophile est une mouche bien connue des chercheurs en tant qu'espèce modèle dans le domaine de la génétique. Cette star des laboratoires a d'autre particularités, comme la substance dont s'enduisent ses larves qui possède des capacités d'adhérence hors norme. - On connaît 1600 espèces de drosophiles dans la nature. On la trouve partout sur la planète, que ce soit dans des zones désertiques, dans des zones tropicales ou dans des zones tempérées comme chez nous. Et ensuite dans nos intérieurs, on en trouve aussi, par exemple sur les fruits mûrs. On pense souvent que ce sont des moucherons, mais, en fait, ce sont des drosophiles qui se nourrissent de ces fruits mûrs. Le cycle de vie de la drosophile dure une dizaine de jours, donc ça commence avec un œuf qui se développe ensuite en larve, pour devenir une pupe. La pupe, c'est un peu l'équivalent de la chrysalide pour le papillon. C'est un cocon dans lequel la larve va se développer pour devenir ensuite un adulte. Donc la métamorphose est une étape très critique parce que l'animal est immobile dans la nature. Il est voué aux aléas climatiques et aux prédateurs. Pour pouvoir rester immobile et faire sa métamorphose de façon sereine, la pupe est accrochée à ce substrat. Pour elle, c'est vraiment très important d'être fermement attachée et de pouvoir réaliser sa métamorphose. Pour ça, elle sécrète une glue qui lui permet d'être attachée pendant plusieurs jours sur plusieurs types de substrat. Dans la nature, ce sera du bois, des feuilles, des fruits mûrs ou frais. Cette glue est sécrétée par les glandes salivaires. Ce sont deux poches qui se trouvent dans la partie antérieure de la larve et qui sont reliées à la bouche. Cette sécrétion de la glue dure quelques secondes. C'est très rapide et c'est à ce moment-là, dès que la glue est sécrétée et séchée, que la larve deviendra une pupe et sera attachée en tant que pupe. La substance adhésive produite par la mouche drosophile est très puissante et capable de s'adapter pour mieux coller. L'étude de ses caractéristiques et de sa composition ouvre la voie à la réalisation de colles naturelles. - En voyant que les drosophiles peuvent s'accrocher au plastique, ma directrice de recherche a eu l'idée de développer ce programme de recherche sur la glue des drosophiles, de vraiment étudier la force d'adhésion de cette glue. Au laboratoire, on a une machine d'adhésion qui est d'habitude utilisée en industrie pour calculer la résistance de matériaux. Mais nous, on a adapté cette machine à nos expériences. Le but est de mesurer la force qui est nécessaire pour décrocher une pupe, pour voir à quel point une pupe est bien collée sur un substrat. Pour ça, on a un capteur de force sur lequel on place un scotch double face. On appuie avec ce capteur sur la pupe et ensuite on remonte le capteur, la pupe est décrochée, et là on mesure la force qui a été nécessaire pour la détacher. La force qui est nécessaire pour détacher la pupe varie en fonction des espèces. Sur l'espèce modèle Drosophila melanogaster, c'est environ de 220 milliNewton. Si on compare ça, par exemple, si on met un mètre carré de cette glue de drosophile modèle qu'on utilise, ça pourrait soutenir deux éléphants, donc 20 tonnes. Donc cette glue a plusieurs avantages, elle est très résistante puisqu'elle peut tenir pendant plusieurs jours. Elle est sécrétée en quelques secondes. Elle est composée majoritairement de protéines et d'eau. Elle est biocompatible avec le corps humain et elle est biodégradable. On est encore dans une phase de recherche fondamentale. On essaie d'identifier les espèces de drosophiles qui sont le plus adhésives, pour ensuite voir quelles sont les protéines qui sont vraiment responsables de cette adhésion. Tout ce projet de recherche sur la glue des drosophiles se fait en collaboration avec d'autres chercheurs, des physiciens, des chimistes, que ce soit en France ou à l'étranger. Et plus tard, une fois qu'on aura identifié ces protéines responsables de l'adhésion, on imagine être en collaboration peut-être avec des industriels ou avec d'autres personnes qui sont capables de synthétiser ces protéines. Le but serait de remplacer des colles qui sont toxiques pour la santé humaine et l'environnement. On peut imaginer des colles à bois pour l'ameublement par exemple, ou des colles pour des emballages alimentaires puisque la glue des drosophiles est biocompatible et biodégradable. Dire de la mouche drosophile qu'elle est très collante n'est donc pas du tout péjoratif. Cette colle révolutionnaire montre que l'évolution et la grande diversité du vivant sont une source d'innovations sans fin.
Réalisation :
Thomas Marie
Production :
Universcience, La Belle Société Production, CNRS Images, MNHN, Ademe, Cerema, Région Normandie, Région Nouvelle-Aquitaine, Institut des Futurs souhaitables, Ceebios, avec la participation du Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires
Année de production :
2023
Durée :
4min55
Accessibilité :
sous-titres français