Amnesty dénonce la répression ciblée des militants écologistes en France
Publié le - par Le Blob avec l'AFP

Répression, intimidation, censure, harcèlement judiciaire, restrictions de financements... : Amnesty International accuse jeudi les autorités françaises de mener une "stratégie délibérée" de répression à l'encontre des défenseurs de l'environnement, dénonçant une tendance inquiétante d'entrave à l'action climatique.
L'organisation de défense des droits humains Amnesty décrit dans un rapport une série de restrictions juridiques, physiques et financières visant les militants écologistes dans le monde et notamment en France.
"Il est inquiétant de voir que la France, qui avait été moteur il y a dix ans dans la lutte pour le climat, est aujourd'hui un exemple probant de la répression des défenseurs de l'environnement", alerte lors d'une conférence de presse Margot Jaymond, chargée de plaidoyer justice climatique chez Amnesty International France.
L'ONG dénonce "une judiciarisation du maintien de l'ordre" destiné à paralyser l'action des militants pro-climat en s'attaquant de "manière ciblée et intentionnelle" à la liberté de manifester, d'expression et d'association.
Amnesty pointe notamment la répression des mobilisations contre les méga-bassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), en 2022 et 2023, lors desquelles les forces de l'ordre ont utilisé des armes à létalité réduite (lanceurs de balles de défense) de façon jugée "disproportionnée".
L'ONG dénonce aussi des centaines de gardes à vue et une soixantaine de procès à la suite des mobilisations contre le projet d'autoroute A69 dans le Tarn.
"Aujourd'hui, on a un peu les mains liées dans les actions que l'on a envie de faire, car la répression en parallèle augmente énormément", abonde Léa Geindreau, porte-parole de l'ONG Action Justice Climat précisant que cette année l'association fait face à 17 procès.
Ces violences s'accompagnent d'"un arsenal législatif" qui "criminalise" les manifestants, affirme le rapport, citant notamment la loi dite "anti-casseurs" de 2019, ou encore la loi de 2021 dite "loi séparatisme", qui facilite la dissolution d'associations ou le retrait de financements.
Parmi les cas mentionnés figurent le mouvement Alternatiba, privé de subventions publiques, et le collectif Les Soulèvements de la Terre, visé en 2023 par une tentative de dissolution jugée contraire au droit international.
Amnesty alerte également sur une "rhétorique stigmatisante" à l'égard des militants écologistes, qualifiés parfois d'"écoterroristes" par certains responsables politiques.
"Ce glissement sémantique va permettre une utilisation de méthodes répressives beaucoup plus fortes", estime Action Justice Climat évoquant le "recours quasiment systématique" à des perquisitions.
Le rapport cite également Michel Forst, rapporteur spécial sur les défenseurs de l'environnement, pour qui "la France est le pire pays d'Europe concernant la répression policière des militants environnementaux".
Selon Amnesty, cette stratégie de "délégitimation" de la lutte pour le climat se fait notamment "au service de reculs politiques, environnementaux et climatiques".
Margot Jaymond cite notamment la proposition de loi Duplomb sur l'agriculture, censée être votée mardi à l'Assemblée et qui acte de nombreux reculs écologiques, la réouverture du chantier de l'A69 malgré l'annulation de l'autorisation environnementale ou encore le recul sur le devoir de vigilance des entreprises poussée par la France dans le cadre du Pacte vert européen.
Amnesty s'alarme également d'un affaiblissement du traitement médiatique.
"On constate une carence quantitative persistante en matière environnementale" dans les médias français, analyse Eva Morel, secrétaire générale de QuotaClimat, une association qui travaille depuis 2022 sur le traitement médiatique des enjeux environnementaux.
"En l'espace de trois mois, entre janvier et mars 2025, on a quantifié 128 cas de désinformation scientifique pure sur les 18 chaînes que l'on monitore", précise-t-elle.
Amnesty international appelle les autorités françaises à "prendre urgemment" des mesures pour protéger les droits des défenseurs de l'environnement et à "reconnaître publiquement" leur travail comme "légitime et essentiel". Elle les enjoint également à garantir l'accès à l'information.