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Une expérience sur les interfaces cerveau-machine dans un laboratoire français en 2017 © AFP/Archives JEAN-PIERRE CLATOT

Une équipe de chercheurs américains financée par Facebook est parvenue à traduire en mots l’activité du cerveau, via des algorithmes, une étape de plus vers l’ambition partagée par d’autres entreprises, comme celle d’Elon Musk, de créer un lien direct entre le cerveau humain et les machines.

Les scientifiques de l’université californienne UCSF ont publié cette semaine une étude montrant leurs progrès dans la création d’une interface cerveau-ordinateur : l’activité des neurones est transmise à la machine grâce à des implants, et décodée par des algorithmes, dans un contexte déterminé (un choix limité de questions-réponses).

À terme, l’ambition serait d’utiliser une méthode moins contraignante que les implants, comme une paire de lunettes à réalité augmentée, équipée de capteurs et contrôlée par la pensée. « D’ici une dizaine d’années, la capacité à taper directement depuis notre cerveau sera peut-être considérée comme normale », a expliqué Facebook mardi dans un article en ligne faisant le point sur le projet lancé il y a deux ans. « Il n’y a pas si longtemps, cela relevait de la science-fiction. Maintenant, cette perspective semble atteignable ».

Elon Musk, le fantasque patron de Tesla et de Space X, avait frappé les esprits il y a dix jours en affirmant que sa start-up Neuralink avait réussi une expérience dans laquelle un singe contrôlait un ordinateur directement depuis son cerveau. L’entreprise est censée commencer ses tests sur des humains dès 2020, dans le but de combattre certaines maladies affectant le cerveau ou la moelle épinière. Un objectif de santé qui guide aussi la recherche de l’équipe de l’UCSF : rendre la parole aux personnes rendues muettes à cause de paralysies, de lésions à la moelle épinière ou de maladies neurodégénératives.

« À ce stade, les patients paralysés souffrant de perte de la parole ne peuvent recourir qu’à des technologies basées sur les mouvements des yeux ou les contractions musculaires pour épeler très lentement les mots sur un écran », explique Eddie Chang, neuroscientifique à l’université californienne. « Pourtant, dans de nombreux cas, la capacité à s’exprimer est toujours présente dans leur cerveau. Nous avons juste besoin de la technologie pour leur permettre de s’en servir de manière fluide ». -

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Sera-t-il un jour possible de taper un texte sans passer par un clavier, mais en imaginant simplement parler dans sa tête ? © AFP/Archives Tobias SCHWARZ

Symbiose

L’étude publiée dans la revue Nature Communications détaille comment les scientifiques ont réussi à entraîner la machine pour lui faire traduire les signaux reçus via les implants, pendant que les volontaires parlaient à voix haute. Le système d’intelligence artificielle était guidé par un contexte de questions à choix multiple posées aux personnes.

Le « projet Steno » étudie la possibilité de fabriquer un accessoire connecté permettant de taper sur un écran simplement en imaginant parler dans sa tête. Il est financé par un laboratoire du géant des technologies (Facebook Reality Labs) faisant de la recherche sur les technologies de réalités augmentée et virtuelle. « Nos progrès montrent à quoi pourraient un jour ressembler des interactions avec des lunettes connectées », a tweeté Andrew Bosworth, vice-président de la division « équipements de consommation » de Facebook. Les chercheurs espèrent concevoir une interface capable de décoder 100 mots par minute en temps réel, avec un vocabulaire de 1 000 mots et un taux d’erreur inférieur à 17 %, d’après Facebook.

De son côté, Neuralink a dévoilé une puce dotée de fils ultra-fins pouvant être implantés dans le cerveau par un robot, qui ressemble à une sorte de machine à coudre ultra-précise. « Le but est de créer une interface totale entre le cerveau et la machine (...) Arriver à une symbiose avec l’intelligence artificielle », a expliqué Elon Musk, qui ambitionne aussi de sauver l’humanité en colonisant Mars.

Plusieurs experts en neurologie ont cependant exprimé des doutes sur les possibilités réelles de ces technologies, même à moyen terme, étant donné la façon dont nous mobilisons plusieurs parties du cerveau, même pour accomplir des tâches simples. Cette relation intime dont parle Elon Musk relève « plutôt d’une vision d’un avenir très lointain », estime ainsi Andrew Hires, maître assistant de neurobiologie à l’université de Southern California, interrogé par l’AFP. « Il n’est pas certain que nous arrivions un jour à ce stade ».