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Image composite de la galaxie NGC 4303, située à environ 55 millions d’années-lumière, prise avec l’instrument Muse du Très Grand Télescope de l’Eso, diffusée le 16 juillet 2021, avec des nuages dorés marquant la présence de nouvelles étoiles, et des zones bleutées où se trouvent de plus anciennes © Eso/AFP Handout

Des nuages de gaz jusqu’aux étoiles, une équipe internationale d’astronomes livre vendredi avec le catalogue Phangs-Muse de 19 galaxies proches de la nôtre un tableau d’une précision inégalée des pouponnières stellaires. C’est le résultat d’une campagne, entamée en 2017, d’observation de galaxies situées, pour la plus lointaine, à quelque 60 millions d’années-lumières, et pour la plus proche à seulement 5, autant dire la grande banlieue de notre Voie lactée.

« Elle nous donne pour la première fois une vision des galaxies qui forment des étoiles dans l’Univers proche, à un niveau de détail permettant de regarder les entités où se forment ces étoiles, des nuages de gaz », explique à l’AFP Eric Emsellem, astronome à l’Observatoire européen austral (Eso), qui co-pilote la campagne. Comme NGC 4303, aussi appelée M61, qui étend ses longs bras de galaxie spirale, dans une symphonie de couleurs brune-orangée pour les nuages de gaz, virant au doré là ou naissent les étoiles, par milliards, et bleutées là où elles vieillissent. 

L’instrument Muse, un spectrographe installé sur le Très Grand Télescope de l’Eso au Chili, a joué un rôle capital dans la campagne d’observation. Ses données, incluant plus de trente mille images de nébuleuses de gaz chaud et 15 millions de spectres, vont être mises à disposition de la communauté scientifique dans les jours qui viennent. L’objectif est d’essayer de comprendre « ce qui déclenche ou inhibe la formation d’étoiles à un endroit de la galaxie », poursuit Eric Emsellem, qui est en détachement du Centre de recherche astrophysique de Lyon. 

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Image de la galaxie NGC 4303, diffusée par l’Eso le 16 juillet 2021, montrant grâce au radiotélescope Alma les zones, en brun-orangé, de gaz moléculaire, et grâce à l’instrument Muse celles, en doré et en bleu, où se trouvent les jeunes et les plus vieilles étoiles © Eso/AFP Handout

Muse est un programme de la collaboration internationale Phangs qui regroupe des scientifiques de plusieurs continents et a pour ambition l’étude des différentes phases du cycle baryonique, celui qui donne naissance à la matière des étoiles. Le programme bénéficie de l’apport de deux instruments essentiels, le radiotélescope Alma de l’Eso, et le télescope spatial Hubble. Le tout permet de « reconstituer le film » de la création stellaire, selon Eric Emsellem, grâce aux nombre de galaxies observées. 

Avec Alma, les astronomes voient le gaz froid qui se condense et forme du gaz moléculaire, le « fuel » de la formation stellaire. Avec Muse, « on voit les phases d’après, quand les nuages de gaz vont créer un gros amas d’étoiles », dont les plus grosses vont évoluer très vite, « sur quelques millions d’années », et exploser pour certaines, en expulsant du gaz. « On voit ces bulles de gaz qui s’ouvrent et redistribuent le matériel », dans l’espace environnant. 

Muse voit donc le gaz chaud, les étoiles jeunes et les étoiles vieilles. Et avec Hubble, qui a un plus grand pouvoir de résolution, on commence à identifier les amas d’étoiles, et à voir des bulles de gaz et la poussière, avec une résolution de moins de 30 années-lumière. 

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Image de la galaxie spirale NGC 4254 située à environ 45 millions d’années-lumière de la Terre, prise en combinant les données du radiotélescope Alma et de l’instrument Muse, diffusée par l’Eso le 16 juillet 2021 © Eso/AFP Handout

La masse de données fournies, incluant la température, la densité, la composition chimique des étoiles et du gaz, va alimenter un flux d’articles scientifiques pour les années à venir… en attendant de nouveaux instruments qui aideront à mieux comprendre comment naissent les étoiles. Car « la résolution de la carte que nous produisons (avec Phangs) est juste suffisante pour identifier et distinguer les nuages formant des étoiles, mais pas assez pour voir ce qui se passe en détail à l’intérieur », remarque l’astronome Eva Schinnerer, de l’Institut pour l’astronomie Max Planck, dans un communiqué de l’Eso.

Le voile continuera à se lever avec l’arrivée cette année du télescope spatial James Webb, pour lequel Phangs a déjà réservé un créneau d’observation, et qui permettra de mieux voir dans les nuages de gaz et de poussière. Ensuite viendra le temps, plus tard dans la décennie, du Télescope géant européen (ELT) de l’Eso. Avec sa « résolution énorme », il permettra peut-être de percer les secrets des pouponnières d’étoiles.