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Des marins de la station biologique de Roscoff, dans le Finistère, collectent en mer du plancton, le 23 juin 2022 © AFP Fred Tanneau

Une mission scientifique du CNRS et menée avec la Marine nationale vise à répertorier le « microbiome océanique » largement méconnu. Ces 10 à 100 milliards d’organismes vivants peuplent les océans et rendent la planète habitable. « La biodiversité est avant tout microbienne. Pendant trois milliards d’années, il n’y avait que des microbes », pointe Colomban de Vargas, directeur de recherche au CNRS à la station biologique de Roscoff dans le Finistère. Cependant, « on ne sait pas avec qui on habite, ni combien il y a de microbes sur la Terre ».

Le chercheur et ses collègues veulent mettre en œuvre une « mesure coopérative, frugale, planétaire et pérenne » de cette vie invisible de l’océan. Dix étudiants en Master à Sorbonne Université embarqueront pour cette mission Bougainville à bord des navires de la marine nationale en tant qu’« officiers biodiversité ». Les étudiants sillonneront ainsi les 11 millions de km2 de la France océanique, 20 fois la France terrestre, dans les océans Indien et Pacifique, à bord de trois Bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer (BSAOM). Les premiers jeunes embarqueront en septembre 2023, puis récolteront des milliers de données biologiques, images et ADN, jusqu’en 2025. « C’est rassurant de commencer avec la Marine parce qu’on sait que ça va être carré », se réjouit Colomban de Vargas.

Mesurer l’océan

Les données récoltées, « des centaines de milliards d’images de plancton et de séquences ADN », seront conservées dans des bases de données, ouvertes aux chercheurs du monde entier. Elles permettront de contrôler la santé des écosystèmes marins et leur évolution en fonction des pollutions ou du réchauffement climatique. Les scientifiques veulent en outre étudier la migration du zooplancton à plusieurs centaines de mètres de profondeur durant la nuit, qualifié de « plus grand mouvement de biomasse » sur la planète et qui serait l’un des moteurs de la « pompe à carbone » participant à la séquestration du CO2 dans l’océan.

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Du plancton observé au microscope à la station biologique de Roscoff, dans le Finistère, le 23 juin 2022 © AFP Fred Tanneau

À terme, il s’agit, par le projet Plankton Planet, de confier des instruments de mesures et capteurs peu coûteux aux dizaines de milliers de voiliers, bateaux de commerce ou de transport de marchandises qui sillonnent la planète. Pour comprendre « l’adaptation du vivant face aux changements brutaux » imposés par les activités humaines. « Ce n’est pas évident parce qu’il faut que la mesure soit homogène. Tout va se jouer sur la qualité de cette mesure », souligne Colomban de Vargas. C’est là qu’intervient la mission Bougainville, menée en coopération avec la Marine nationale, afin de consolider la fiabilité des « capteurs frugaux » du plancton.

Vivre l’océan

Ancien chef d’état-major de la Marine et directeur de l’Institut de l’Océan de Sorbonne Université, Christophe Prazuck voit également dans cette mission un intérêt opérationnel pour les équipages : « Quand on observe son environnement, on devient meilleur marin ». 

« Dans la Marine, on a une tradition assez importante de recherche scientifique », ajoute le capitaine de vaisseau Éric Lavault, porte-parole de la Marine nationale, « Les officiers de marine ont cette double casquette de guerriers et de scientifiques ». Le coût de la mission, qui doit être financé par des mécènes, est évalué à 900 000 euros pour les trois premières années.