Image légendée
Décollage de la fusée Vega-C pour son vol inaugural, le 13 juillet 2022 à Kourou, en Guyane © ESA-CNES-Arianespace/Optique/AFP/Archives S Martin

C’est un revers cuisant. Comme la fusée Ariane 6 a du retard, et que le soutien européen à l’Ukraine rend impossible d’utilisation des lanceurs russes Soyouz, l’Union européenne comptait développer le sien — Vega-C — pour continuer à envoyer ses satellites dans l’espace… mais l’échec de son lancement la met dans une impasse.

Deux minutes et 24 secondes après son décollage mardi 20 décembre à 22 h 47 locales (1 h 47 GMT), la trajectoire de Vega-C a dévié de celle programmée. Les télémesures ont cessé d’arriver à la salle de contrôle du Centre spatial de Kourou, en Guyane française. Lancée au-dessus de l’océan Atlantique, Vega-C venait de dépasser les 100 kilomètres d’altitude et se trouvait alors à un peu plus de 750 kilomètres au nord de Kourou.

L’ordre de destruction de la fusée a alors été donné par le CNES, l’agence spatiale française, en tant qu’autorité de lancement à Kourou. Les débris sont retombés en mer. « Aucun dommage aux personnes ou aux biens n’a été constaté », assure Arianespace, chargé de l’exploitation des lanceurs européens.

Image légendée
Fiche descriptive du lanceur européen Vega-C © AFP Aude Genet

Échecs à répétition

Les autres exemplaires de la fusée sont interdits de vol le temps qu’une commission d’enquête « indépendante » rende son rapport. Stéphane Israël, président d’Arianespace, a annoncé qu’elle devait établir « la cause de la défaillance et propose des actions correctives solides et durables pour garantir un retour en vol sûr et fiable ».

Selon Pierre-Yves Tissier, directeur technique d’Arianespace, « la défaillance semble limitée au Zefiro 40 », le deuxième étage de la fusée construit par l’italien Avio. Les données du vol ont pu être récupérées à des fins d’analyses. Un coup rude pour l’industriel italien, dont trois des derniers lancements de Vega et Vega-C se sont soldés par des échecs. Initialement prévu le 24 novembre, ce vol avait été repoussé d’un mois en raison d’un élément défectueux « lié à la coiffe », a précisé à l’AFP Stéphane Israël. Sans rapport a priori avec la déroute de cette nuit.

Présentée comme la petite sœur d’Ariane 6, la fusée Vega utilise certains composants communs (l’étage principal P120C). Vega-C est une version améliorée du lanceur léger Vega, dont c’est le troisième échec sur les neuf derniers tirs. Ariane 5 en a connu deux en 115 lancements depuis 1996. Et Falcon 9 de Space X aucun en 59 tirs depuis le début de l’année.

Image légendée
Le lanceur Ariane 6 exposé au 73e Congrès international d'astronautique, le 18 septembre 2022 à Paris © AFP/Archives Emmanuel Dunand

Enjeux de souveraineté

Face à cette impasse, l’Agence spatiale européenne (ESA), responsable des programmes de lanceurs européens, a été contrainte de se tourner vers SpaceX pour lancer deux missions scientifiques. La raison ? Le vide laissé après de la fin d’utilisation des lanceurs russes Soyouz. Son remplaçant européen, Ariane 6, devrait effectuer son premier vol qu’au quatrième trimestre 2023. Durant cette année d’attente, l’Union européenne comptait sur ses deux derniers tirs d’Ariane 5 et ses trois fusées Vega-C pour poursuivre son programme spatial. Mais la débâcle de la nuit de mardi à mercredi la prive de la moitié de ses lanceurs.

Cet échec a des répercussions directes sur son client Airbus. La Vega-C détruite devait placer en orbite deux satellites d’observation de la Terre  : Pléiades Neo 5 et 6. Ils devaient permettre d’imager n’importe quel point du globe plusieurs fois par jour avec une résolution de 30 cm. Un programme développé sur fonds propre pour ses clients, notamment militaires. L’armée française en particulier est consommatrice des images de haute définition fournies par cette constellation de satellites d’Airbus pour surveiller entre autres la situation en Ukraine.

Ce type de satellite est généralement sous garantie. Selon un connaisseur du secteur, Pléiades Neo 5 et 6 étaient couverts à hauteur de 220 millions d’euros par un consortium d’assureurs, permettant, si Airbus le décide, de les fabriquer à nouveau.