Écrans : un appel à la vigilance
Publié le - par le blob, avec l'AFP
L’usage des écrans par les enfants et les adolescents doit faire l’objet d’une « vigilance raisonnée », avertissent mardi des scientifiques, invitant aussi les parents à s’interroger sur l’impact de leur propre relation aux nouvelles technologies. Comportements addictifs, sommeil perturbé, troubles du développement, éventuelle toxicité pour la rétine... Les académies des sciences, de médecine et des technologies ont passé en revue les principaux sujets d’inquiétude.
Dans leur appel, les auteurs prennent soin de souligner qu’on a encore peu de certitudes scientifiques sur d’éventuels effets délétères. Ils refusent également de tomber dans la diabolisation des nouvelles technologies, qui « constituent des outils de connaissance et d’ouverture sur le monde » si elles sont bien utilisées. Mais les trois académies, qui ont auditionné 12 médecins, sociologues, chercheurs en sciences de l’éducation et spécialistes des jeux vidéo, mettent en garde contre l’excès inverse, qui serait un « fétichisme » d’une société 100 % numérique forcément meilleure.
La « surexposition » aux écrans et le « mésusage » qu’en font certains enfants et adolescents – et leurs parents – sont une claire source de préoccupation. Chez les moins de trois ans, les auteurs s’alarment du développement d’un « usage à visée exclusivement calmante » des tablettes, télévisions et autres smartphones. « Fasciné par les bruits et les lumières vives, totalement passif, le très jeune enfant peut apparaître comme déjà victime d’un trouble comportemental » : il semble « scotché » à l’écran et se met en colère si on le lui retire, expliquent-ils. « Il est difficile de départager (...) la possible nocivité intrinsèque des écrans pour les jeunes enfants (...) des pratiques parentales inadaptées dont la gestion des écrans ne serait qu’un aspect parmi d’autres », reconnaissent-ils cependant.
« Pas de tweet en donnant le biberon »
Les parents doivent aussi faire attention à leur propre rapport aux technologies, qui peut modifier leurs réactions et leur degré d’attention vis-à-vis de leurs enfants. « L’usage – très répandu – d’un téléphone mobile par un adulte parallèlement à ses interactions avec un jeune enfant s’accompagne de mimiques moins nombreuses et d’échanges verbaux plus limités », alors que ces interactions sont nécessaires au bon développement de l’enfant, par imitation, expliquent les scientifiques.
« Aujourd’hui on n’a pas de preuve scientifique que le comportement des parents avec les écrans entraîne des problèmes de développement social des enfants », reconnaît Bruno Falissard, co-auteur de cet appel. « Mais il y a des signaux » inquiétants, qui invitent à « se pencher sur le problème », souligne le pédopsychiatre à l’Inserm au cours d’une conférence de presse.
« La solution, elle est simple et plutôt agréable : quand vous êtes avec vos enfants, soyez vraiment avec eux. Quand vous donnez le biberon à votre enfant, vous n’envoyez pas de tweet », résume Bruno Falissard. Pour les adolescents, « le problème est tout autant celui du contenu que celui de la quantité » de temps passé, notent les académies.
A côté de la question du harcèlement et des images violentes ou à caractère pornographique, Serge Tisseron juge qu’il faut mieux informer les jeunes des stratégies « qui ont fait leurs preuves dans les jeux d’argent » mises en œuvre par les réseaux sociaux et les jeux vidéo en ligne pour « retenir l’attention des utilisateurs ». En cause notamment, le principe des « loot boxes » (coffres à butin), qui proposent un contenu aléatoire contre une petite somme d’argent, incitant les joueurs à en racheter jusqu’à obtenir les objets virtuels qu’ils convoitent, détaille le pédopsychiatre.
Si la notion d’« addiction aux écrans », répandue dans le langage commun, n’est pas reconnue médicalement, il y a d’ailleurs une exception pour l’addiction aux jeux vidéo, reconnue comme une maladie mentale par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) il y a un an, au même titre que les jeux d’argent. Sur le plan médical, les auteurs rappellent l’impact délétère des écrans sur la qualité du sommeil, essentielle pour les enfants et leurs apprentissages. Les auteurs de l’appel recommandent que la distribution de tablettes ou d’ordinateurs aux élèves s’accompagne systématiquement d’une formation des enseignants et d’une meilleure réflexion sur l’usage pédagogique qui en sera fait.