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La masturbation est courante dans tout le règne animal, mais elle est particulièrement répandue chez les primates, et bien entendu chez les humains. Historiquement, ce comportement était considéré comme pathologique ou comme un « sous-produit » sexuel. Mais les données scientifiques restaient trop fragmentaires pour comprendre la distribution de cette pratique, son histoire évolutive ou sa signification adaptative.

Une recherche, publiée le 6 juin 2023 dans Proceedings of The Royal Society B, atteste que ce comportement semble servir un objectif évolutif. Les résultats indiquent en effet que, du moins chez les mâles, elle augmente le succès reproducteur et aide à éviter de contracter des infections sexuellement transmissibles (IST).

L’étude s’appuie sur des données provenant de près de 400 sources : 246 articles universitaires, et 150 questionnaires et échanges avec des primatologues et des gardiens de zoo. À partir de ces données, les auteurs avancent que la masturbation a une longue histoire évolutive chez les primates et qu’elle était très probablement présente chez l’ancêtre commun des singes et grands singes (dont les humains). Faute de données, il est plus difficile de l’affirmer pour l’ancêtre des autres primates (lémuriens, lorisidés et tarsiers).

La masturbation sans éjaculation serait une tactique particulièrement utile pour les mâles de rang inférieur susceptibles d’être interrompus par d’autres mâles pendant la copulation, en les aidant à éjaculer plus rapidement. La masturbation avec éjaculation permettrait quant à elle d’évacuer du sperme de qualité médiocre, avant de féconder la femelle avec du sperme « frais », éventuellement plus « compétitifs » que celui des autres mâles. À l’appui de leur hypothèse, les chercheurs montrent que la masturbation masculine a évolué en lien avec les systèmes d’accouplement où la femelle s’accouple successivement avec différents mâles au cours d’une saison de reproduction.

La masturbation masculine réduirait par ailleurs le risque de contracter une IST en nettoyant l’urètre, site principal d’infection pour de nombreuses IST, avec l’éjaculat obtenu par la masturbation. L’équipe a également trouvé des preuves à l’appui de cette hypothèse, en montrant que la masturbation masculine a co-évolué avec la charge en IST : en l’absence de pathogène, la masturbation avant tendance à disparaître tandis qu’en présence de pathogène, la masturbation restait bien présente chez les primates.

La signification de la masturbation féminine reste moins claire. Bien qu’elle soit fréquente, il existe beaucoup moins de données à son sujet.

Selon l’auteur de l’étude, Matilda Brindle, du département d’anthropologie de l’University College de Londres : « Nos découvertes aident à faire la lumière sur un comportement sexuel très courant, mais peu compris, et représentent une avancée significative dans notre compréhension des fonctions de la masturbation.Le fait que le comportement autosexuel puisse remplir une fonction adaptative [...] dans l’ordre des primates et qu'il soit pratiqué par des populations captives et sauvages des deux sexes démontre que la masturbation fait partie d’un répertoire de comportements sexuels sains. »