Faidherbia Albida, arbre refuge de l'agriculture sahélienne
Publié le - par le blob avec l'AFP
Il optimise le rendement des cultures, nourrit de ses feuilles les troupeaux du Sahel et s’érige en rempart à la désertification : Faidherbia Albida, cousin majestueux des acacias, porte sur ses branches une partie du salut des paysans africains. « C’est vraiment le parc agroforestier le plus emblématique d’Afrique subsahélienne », explique Christian Dupraz, directeur de recherche à l’INRA et président du comité scientifique du Congrès mondial d’agroforesterie organisé cette semaine à Montpellier.
Coton, sorgho, mil, arachide, entre autres, sont des cultures qui poussent sous ses branches, selon M. Dupraz. Il peut atteindre une trentaine de mètres de haut pour un tronc dont le diamètre peut faire 1,30 mètre, voire davantage. Mais ce qui impressionne le plus Régis Peltier, ingénieur de recherche et développement au centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), c’est l’amplitude de son couvre-chef aux rameaux épineux. « Il a un tronc unique, à la base, qui s’écarte en formant une vaste couronne », explique M. Peltier, basé à Montpellier mais qui a piloté des essais dans le nord du Cameroun dès les années 1980 pour le Cirad. « Il y a pas mal d’endroits où on voit des petits marchés hebdomadaires qui se font sous un vieux Faidherbia. Ça peut faire l’équivalent d’un demi-terrain de foot. »
Une couronne singulière
Sa Majesté ne serait rien sans une particularité qui le distingue des autres arbres de la région : « Il a un effet bénéfique sur le rendement de la plupart des cultures, même sous sa couronne, ce qui en fait un cas d’école », explique à l’AFP Olivier Roupsard, chercheur du Cirad, installé depuis 2017 au Sénégal. Cet effet tient notamment à une caractéristique surprenante : « Il est feuillé en saison sèche (on parle de “phénologie inversée”) , quand il n’y a plus de cultures dans les champs, et permet de nourrir les animaux grâce à son fourrage très riche, justement au bon moment, quand la nourriture n’est plus disponible dans les pâturages », explique M. Roupsard. «Les troupeaux qui profitaient des pâturages en saison des pluies peuvent migrer vers les zones à Faidherbia en saison sèche et y survivre durant cette saison très difficile. Au passage, ils défèquent sous ces arbres en enrichissant le sol, ce dont les cultures profiteront au cycle suivant », poursuit le chercheur. Il est ainsi fréquent, lors de la saison sèche, de voir sous ces arbres une chèvre attendre patiemment la chute des gousses oranges qu’ils produisent.
À l’inverse, lorsque revient la saison des pluies et des cultures, « il se défeuille entièrement » et n’exerce donc « pas ou peu de compétition pour la lumière » avec les cultures, explique M. Roupsard. Parmi les vertus du Faiherbia figure également son aptitude à capter l’azote de l’air et à le transmettre à la terre pour accroître sa fertilité. « Le rendement de mil sous les Faidherbia, mesuré l’année dernière, était trois fois supérieur sous les couronnes qu’en plein soleil », affirme ainsi M. Roupsard.
Un arbre en régression
Problème, dans les années 1990, des chercheurs ont constaté que l’arbre, victime de la sécheresse et de la surexploitation des fourrages et des bois, était en régression. « Malheureusement, c’est toujours d’actualité », soupire Régis Peltier, pour qui il n’y a qu’une solution, subventionner : « Les gens ne réalisent pas l’état de pauvreté dans lequel sont la plupart des paysans et la nécessité de vivre au jour le jour », alors qu’il faut bien compter 20 ans, selon lui, pour obtenir des résultats après replantation des arbres. D’où les travaux menés par le Cirad pour tenter de redynamiser la culture de cet arbre, avec un enjeu crucial : la survie de l’agriculture sur les territoires du Sahel.
« L’érosion du sol par les vents et par l’eau prive les sols de leur fertilité naturelle, ce qui conduit à la désertification. Face au constat dramatique de la disparition des forêts, notamment des forêts sèches, l’arbre en agroforesterie semble être le dernier rempart », explique M. Roupsard. Une inconnue subsiste toutefois, souligne-t-il : « Cette espèce ne peut se développer que si une nappe phréatique est accessible. Si Faidherbia est une pompe, la question se pose de la durabilité des nappes, dans le cas où on augmenterait sa densité. Nous travaillons donc aussi sur ce compromis important ».