« L’arbre sauveur » Voix off : Parmi les différentes stratégies naturelles pour piéger le dioxyde de carbone, une étude européenne, en s’appuyant sur les travaux du professeur Eric Verrecchia, a mis en avant les capacités de certains arbres, dits oxalogènes, comme l’Iroko que l’on trouve au Cameroun et en Côte d’Ivoire. Ces arbres transforment, en effet, le C02 en une dalle de calcaire sous le sol. En utilisant cette propriété, qui améliore également la qualité des sols, on peut aussi imaginer et mettre en place des projets novateurs d’agroforesterie. Chercheur 1 : Dans le cadre des arbres oxalogènes, la photosynthèse aboutit notamment à la formation d’acide oxalique ou oxalate qui vont ensuite être mobilisés au niveau des racines de l’arbre. Donc cet acide oxalite va être ensuite utilisé par différents micro-organismes du sol, à la fois des bactéries et des champignons, de telle sorte que cet oxalate soit décomposé en ions carbonate. Et ce sont ces ions carbonates qui vont se complexer avec des ions calcium pour former du carbonate de calcium. C’est le nom savant du calcaire en fait. Donc, ce carbonate de calcium précipite et se retrouve sous forme solide dans le sol et s’accumule au fil du temps. C’est un processus intéressant en terme de séquestration de carbone puisque un arbre, tel que l’arbre Iroko par exemple, peut séquestrer ou stocker 21 kilos de CO2, de dioxyde de carbone, par an. Cette dalle de calcaire peut rester dans le sol jusqu’à des milliers voir des centaines de milliers d’années. Donc, c’est vraiment un stockage du carbone à très très long terme. Cette technologie de séquestration du carbone est très intéressante puisqu’elle est très simple à mettre en œuvre, donc c’est une technologie à bas coût. Enfin, cette voie oxalate carbonate améliore la qualité des sols en terme de fertilité. Donc, ca signifie qu’un tel procédé, en plus de séquestrer du carbone, permet de mettre en place tout un système d’agroforesterie autour de l’arbre oxalogène. Voix off : En s’appuyant sur ce principe, l’association Biomimicry Europa et le cabinet Greenloop ont créé le projet Arbre Sauveur en Haïti. Le but de ce projet est de mettre en place un programme de reforestation et d’agriculture autour du noyer maya, un arbre que l’on trouve en Amérique centrale. Chercheur 2 : Donc, nous, étant une association, on s’est dit : ben tiens, oui, c’est vraiment intéressant. C’est s’inspirer du vivant, s’aider du vivant, carrément faire de la bio assistance avec les arbres pour faire une agriculture qui marche mieux, sans apport extérieur chimique. Et, en plus, ça fait planter des arbres et des arbres dont on sait qu’ils ont un effet sur le climat. On voulait travailler avec des associations qui plantaient déjà des arbres dans le pays. Donc, on a eu la chance d’en trouver deux en Haïti qui étaient branchées là-dessus, dont une, toute petite association fondée par un Haïtien et une américaine, qui en fait avait déjà introduit quelques noyers Maya sans savoir qu’il était oxalogène. C’est à priori celui qui a le plus gros potentiel oxalogène pour l’Amérique latine. Mais, le principal intérêt pour Haïti en ce moment, c’est l’aspect nourricier. Et donc il produit des petites noix, mais qui ne sont pas ce que nous on appelle des noix. L’intérêt, c’est la graine dedans qui peut être séchée. Elle peut être séchée comme du café par exemple sur des bâches. Donc, c’est des choses que les haïtiens, les cubains, connaissent par cœur. Et une fois qu’elle est séchée, elle peut être réduit en farine. Et une fois qu’elle est réduite en farine, elle peut être utilisée dans tous les plats que les gens du coin connaissent. On incite plutôt à ce que ce soit les femmes qui prennent les arbres, qui suivent la formation, et qui s’en occupent autour de la maison parce que c’est là qu’on peut, par exemple, donner un tout petit peu d’eau à un jeune arbre qui en aurait besoin. On les incite à avoir maximum cinq à dix arbres dans leur jardin, en disant, de toute façon si vous arrivez à les élever ca suffira pour vous. Alors les bénéfices pour les Haïtiens, au niveau des arbres, Haïti, c’est une des contrées les plus touchées par le déboisement. Le premier résultat, puisque c’est un programme de reforestation, c’est donc 100 000 arbres à peu près plantés en plusieurs vagues. Et là, en début 2015, donc un peu plus que trois ans après les premières graines plantées, qui ont été plantées fin 2011, on a eu les premières graines, en fait. Donc, il y a un arbre qui a été planté fin 2011 et qui donne déjà des graines. Et ça, c’est complètement incroyable, c’est un coup de cœur de l’arbre qui c’est vraiment très bien adapté au terrain Haïtien et donc maintenant on commence à avoir des graines Haïtiennes. Et les Haïtiens peuvent voir que l’arbre donne des graines et les manger. Voix off : Cette approche biomimétique, basée sur la connaissance des écosystèmes et adossée localement à des principes de l’économie circulaire, permet à la fois de stocker du CO2, de nourrir des populations et de lutter contre la déforestation.