Giec : chaque fraction de réchauffement rend notre avenir (encore plus) imprévisible
Publié le , mis à jour le - par Marie Briere de la Hosseraye
« L’influence humaine a réchauffé le climat à un niveau sans précédent depuis au moins 2 000 ans ». Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a publié lundi 9 août le premier de trois rapports sur les nouvelles évaluations et prévisions climatiques. Parmi les nouveautés de ce dernier rapport, un atlas en ligne pour savoir à quoi doivent s’attendre les habitants de régions à travers le monde. Pour le consulter, c’est par ici.
Les principales conclusions du rapport ?
– Les activités humaines causent le réchauffement climatique. La conclusion est sans équivoque. « De nouveaux modèles, de nouvelles analyses et méthodes (…) permettent de mieux comprendre l’influence humaine sur un éventail plus large de variables climatiques », décrit le rapport. « C’est indiscutable, c’est un fait établi, les activités humaines sont à l’origine du changement climatique », a commenté la climatologue et coprésidente du Giec, Valérie Masson-Delmotte.
– Tous les scientifiques s’accordent sur la nécessité de lutter contre les gaz à effet de serre à court terme, mais pas seulement le CO2. Les émissions de méthane – un puissant gaz à effet de serre – sont particulièrement préoccupantes. « Depuis 2011, la concentration [de gaz à effet de serre] a continué d’augmenter dans l’atmosphère. » En 2019, le CO2 a atteint son plus haut niveau depuis au moins 2 millions d’années.
– Des objectifs ambitieux de neutralité carbone doivent être mis en œuvre urgemment pour enrayer le réchauffement climatique. La captation et l’élimination du dioxyde de carbone sont cruciales, mais elles n’auront d’intérêt que si elles sont utilisées en complément de réductions rapides et considérables des émissions.
– Plus nous dépassons 1,5 °C, plus notre avenir sera imprévisible et les dangers importants. Le réchauffement à venir va détériorer la nature. Les écosystèmes terrestres et océaniques auront donc une capacité limitée pour nous aider à répondre au défi climatique. Et certains changements sont irrémédiables, « pour des siècles, voire des millénaires. »
– Les évènements climatiques extrêmes vont se multiplier. Le pourtour méditerranéen notamment devrait être sévèrement touché, mais aucune région du monde ne va être épargnée. « Chaque 0,5 °C additionnel cause, de manière bien visible, une intensification et une augmentation de la fréquence des extrêmes chaleurs (…), de fortes précipitations tout comme des sécheresses », conclut le rapport.
« Notre message à chaque pays, gouvernement, entreprise et communauté est simple : la prochaine décennie sera décisive, alors écoutez la science », a déclaré Alok Sharma, président de la COP26 qui aura lieu en novembre à Glasgow. « Nous pouvons y arriver si nous couplons objectifs ambitieux et vraies stratégies de long terme pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Nous devons également arrêter le charbon, accélérer le déploiement des véhicules électriques, lutter contre la déforestation et réduire les émissions de méthane. »
Que dit le rapport sur notre trajectoire actuelle ?
La conclusion est sans appel. Sans réduction considérable des émissions de CO2, et des autres gaz à effet de serre, avec un objectif de zéro émission nette atteint vers 2050 ou après, les seuils de réchauffement de 1,5 °C et 2 °C seront franchis au cours du 21e siècle. La trajectoire des émissions que nous suivons actuellement nous amène 2,7 degrés de réchauffement en 2100. Dans ce scénario, le CO2 va continuer d’augmenter avant de se stabiliser vers le milieu du siècle, avant de commencer à diminuer. Le méthane et le dioxyde de soufre continuent d’augmenter, commençant à baisser vers le milieu du siècle. Quant au protoxyde d’azote, on estime que ce gaz a le plus tendance à augmenter et ne commencera pas à diminuer avant la seconde moitié du siècle.
Qu’est-ce que le Giec ?
Le Giec, c’est le Groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique. Soit 195 états à travers le monde. Les rapports publiés donnent un état des lieux régulier des connaissances les plus avancées sur le climat. Outil d’alerte pour les décideurs, comme pour la société civile, ses productions se trouvent au cœur des négociations internationales.
Ce qui va suivre
Il s’agit ici du sixième rapport d’évaluation produit. Le dernier datait de 2014. Mais attention, ce n’est pas le rapport complet qui vient d’être publié. Il s’agit uniquement de la première partie du rapport. En effet, le groupe est séparé en trois groupes de travail, se concentrant sur trois volets différents.
Quels sont les trois rapports du Giec ?
- Le premier correspond à une analyse des connaissances scientifiques les plus récentes sur les bases physiques du changement climatique passé, présent, et futur. Il repose sur un examen complet du corps de littérature scientifique pour comprendre le fonctionnement du climat et ses dérèglements. L’étude combine des observations de terrain, des modélisations, et des études scientifiques de tous les domaines pour obtenir le portrait le plus détaillé possible du changement climatique et de ses causes. C’est une base indispensable pour les rapports qui vont suivre.
- Le deuxième rapport, attendu en février 2022, évalue l’impact du changement climatique à l’échelle nationale et régionale, à la fois sur la biodiversité, l’écosystème, l’industrie, les sociétés et les humains. Il s’intéresse aux capacités d’adaptation des humains et des écosystèmes, leurs limites et vulnérabilités. Les auteurs cherchent à établir le niveau de la vulnérabilité des niveaux de vie et l’équilibre socio-économique face à ces bouleversements, et les options possibles d’adaptation.
- Le troisième rapport, portant sur l’atténuation du changement climatique et les méthodes possibles pour y arriver, devrait sortir en mars 2022. On parle ici des solutions à apporter pour réduire l’intensité du changement climatique et ses effets. Les actions à entreprendre concernent aussi bien les domaines de l’énergie, du transport et de l’agriculture que des déchets. Ce dossier se veut le plus concret possible pour être applicable politiquement par les dirigeants. Interdisciplinaire, il propose notamment des politiques publiques, des modèles de gouvernances et des instruments législatifs tout en prenant en compte l’acceptabilité de la population.
Comment travaille le Giec ?
Un fonctionnement unique reposant sur le consensus. C’est lors de la dernière étape qu’un résumé pour les décideurs est validé, par une méthode unique en son genre. Pendant une semaine, parfois nuit et jour, le document proposé est discuté et analysé ligne par ligne, jusqu’à aboutir à un consensus. Il s’agit donc d’un accord voté à l’unanimité par les scientifiques et les décideurs politiques.