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Un feu de circulation orné du portrait de Beethoven à Bonn, sa ville natale, le 13 décembre 2019 © AFP Ina Fassbender

Ludwig van Beethoven n’avait couché que quelques notes sur un carnet lorsqu’il est mort en 1827. Une équipe de musicologues et informaticiens tentent de prolonger sa 10e Symphonie grâce à l’intelligence artificielle. Le résultat final sera présenté le 28 avril 2020 à Bonn et doit constituer un des temps forts des nombreuses festivités, qui démarrent vendredi 13 décembre, du 250e anniversaire de la naissance du compositeur.

Beethoven avait commencé à travailler sur cette symphonie en parallèle de la célébrissime 9e et son Hymne à la Joie mondialement connu. Mais il a rapidement délaissé la dixième qui se limitait, à sa mort à 57 ans, à quelques notes, schémas et esquisses manuscrites.

Une équipe d’informaticiens et musicologues tente de la prolonger en se servant d’un logiciel d’apprentissage automatique. Le logiciel a d’abord ingurgité et analysé toutes les œuvres du compositeur. Il génère ensuite, grâce à des algorithmes de traitement de la parole, des tentatives de prolongements de la partition.

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Le dernier piano de Beethoven, du fabricant viennois Conrad Graf, conservé dans la demeure du compositeur à Bonn, le 13 décembre 2019 © AFP Ina Fassbender

« Visionnaire »

Le projet a été initié par Deutsche Telekom, basé à Bonn, la ville natale du compositeur. Outre une opération de communication en pleine « année Beethoven », le groupe entend se servir de ce travail pour développer ses propres technologies, en particulier de reconnaissance vocale.

« Tout comme le langage, la musique se compose de petites unités – lettres ou notes – qui, une fois réunies, ont un sens », explique une porte-parole du groupe. Quand elle se réunit, l’équipe joue les notes écrites par Beethoven pour cette 10e Symphonie et l’intelligence artificielle prend le relais.

Des premiers résultats ont été jugés il y a quelques mois trop mécaniques et répétitifs, mais les dernières tentatives seraient plus probantes. « Les responsables nous ont joué les premiers essais. (...) Le développement (par rapport à de précédents essais) est impressionnant, même si l’ordinateur a encore beaucoup à apprendre », estime Christine Siegert, directrice du fonds d’archives et du département de recherches de la Maison-Beethoven, à Bonn.

Selon cette spécialiste du compositeur, son œuvre ne « peut être dénaturée par une telle initiative, dans la mesure où ce qui est créé ne fait évidemment pas partie de l’œuvre et que les fragments de la 10e Symphonie ne sont eux-mêmes que des pistes de travail limitées ».

Mme Siegert se dit « convaincue » que le compositeur n’aurait pas renié ce type d’initiatives étant lui-même un « visionnaire » à son époque. Il avait ainsi composé, rappelle-t-elle, pour le panharmonicon, une sorte d’orgue créé au début du XIXe siècle et reproduisant les sons d’une quarantaine d’instruments à vent et percussions.

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Une fresque murale représentant Beethoven, à Bonn, le 13 décembre 2019 © AFP Ina Fassbender

 « Risque »

Le compositeur et musicologue britannique Barry Cooper, auteur lui aussi d’une tentative d’achèvement du premier mouvement de la 10e Symphonie, est plus dubitatif. « J’ai écouté un court extrait, ça ne ressemblait pas du tout à une reconstruction convaincante de ce que Beethoven voulait faire, même en tenant compte du son informatisé et de l’absence de tout contraste entre les sons fort et doux », explique-t-il, jugeant toutefois qu’il y a « de la place pour l’amélioration » du résultat.

Pour ce professeur à l’université de Manchester, auteur de plusieurs ouvrages sur le compositeur, « dans toute interprétation de la musique de Beethoven, il existe un risque de déformer ses intentions ». Dans le cas présent, le « risque » de dénaturer l’œuvre est encore plus grand, la 10e Symphonie n’existant qu’à l’état de timides ébauches. D’autres initiatives similaires ont déjà été menées, sur Mahler, Bach ou Schubert. Avec des résultats mitigés.

Début 2019, un projet, initié par le géant chinois Huawei, s’était emparé de la Symphonie inachevée de Franz Schubert. Le London Session Orchestra avait interprété des partitions composées par un logiciel d’apprentissage automatique. Les passages inédits, selon la presse européenne, avaient évoqué une bande originale de film américain plutôt que le style du compositeur autrichien.