La permaculture marine au secours des huîtres
Publié le - par le blob l’extra-média, avec l’AFP
En proie à une forte mortalité depuis dix ans, les huîtres pourraient tirer profit d’une cohabitation avec d’autres espèces marines sur le modèle de la permaculture, ont révélé cette semaine des chercheurs réunis autour d’un programme européen dédié à la santé des mollusques.
Dans le cadre de ce programme de recherche qui réunit dix pays depuis 2016, des scientifiques de l’Institut français de la recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) se sont intéressés au rôle de la biodiversité sur la sensibilité des huîtres aux maladies.
Depuis une dizaine d’années, le secteur, qui emploie plus de 40 000 personnes selon l’Union européenne, dont 10 000 en France selon le Comité national de la conchyliculture (CNC), est confronté à une forte mortalité des coquillages.
Parmi les causes de ces épisodes de mortalité récurrents, le virus OsHV-1 qui affecte les jeunes huîtres creuses dans plusieurs pays d’Europe ou la bactérie Vibrio aestuarianus qui touche les huîtres creuses adultes, notamment en France et en Irlande.
Les chercheurs du Laboratoire de physiologie des invertébrés de l’Ifremer se sont notamment penchés sur la question de savoir si un écosystème diversifié, sain et riche, pouvait être à même de protéger les huîtres des maladies. Des huîtres de la rade de Brest ont ainsi été élevées en laboratoire, dans un milieu semi-naturel, avec d’autres espèces marines, dont des moules et des ascidies, des sortes d’éponges marines.
Animaux filtreurs
« Nos travaux ont montré que quand on associe l’huître à d’autres animaux filtreurs, elle résiste mieux aux maladies », assure Fabrice Pernet, chercheur à l’Ifremer. Non pas que les virus et bactéries aient été dilués entre plusieurs organismes, mais avec une nourriture moins abondante, car partagée, le métabolisme des huîtres s’est trouvé ralenti, conduisant à une moindre capacité de diffusion des maladies.
« En mangeant moins, les huîtres ont grandi un peu moins vite ce qui a fait que les maladies se sont moins propagées », explique Fabrice Pernet.
« C’est le phénomène de la permaculture version marine », assure-t-il. Dans la population d’huîtres élevées avec d’autres animaux marins, le taux de survie a atteint 97 % contre 75 % dans la population témoin élevée seule.
À titre de comparaison, dans la rade de Brest le taux de survie des huîtres est de 50 % en moyenne. Les recherches menées dans la rade de Brest ont en revanche montré une augmentation de la mortalité dans le cas d’une association des huîtres avec des algues vertes. Le taux de survie des huîtres élevées en présence d’algues vertes a été de 50 % contre 75 % pour la population témoin. Les algues vertes ont en effet contribué à déstabiliser la flore microbienne des huîtres, les rendant plus sensibles aux maladies.
« Les professionnels pourraient mettre des petits bigorneaux sur leurs poches ostréicoles afin qu’ils broutent les algues vertes », recommande le chercheur, empruntant là aussi à la technique de la permaculture dont l’une des clefs est l’intégration plutôt que l’exclusion. De telles recommandations, le programme Vivaldi, qui s’achève cette semaine à Brest avec un bilan en présence de quelque 200 chercheurs, en regorge.
« On a obtenu énormément de résultats », se félicite Isabelle Arzul, coordinatrice du programme qui réunit des scientifiques français, espagnols, italiens, irlandais, norvégiens, britanniques, allemands ou encore danois. Un manuel rassemblant ces bonnes pratiques est ainsi en cours de préparation, en concertation avec les producteurs et les autorités compétentes dans les pays participant au programme.
Certaines de ces recommandations, parmi lesquelles également le non déplacement des coquillages en cas de mortalité ou le choix de dates spécifiques et de températures idéales pour immerger les naissains, ont d’ailleurs déjà été mises en pratique dans certains pays, comme en Espagne. « Des producteurs d’huîtres du delta de l’Ebre sont passés d’un taux de mortalité de 80 % à un taux de 4 % après avoir suivi nos recommandations », souligne Dolors Furones, chercheuse à l’Institute of Agrifood Research and technology (Irta) de Barcelone.