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Ptérosaure géant Hatzegopteryx se lançant dans les airs, juste après que ses membres antérieurs aient quitté le sol © Mark Witton

Habituellement, lorsqu’ils s’inspirent de la nature pour concevoir des drones ou des avions, les ingénieurs observent les oiseaux ou les insectes. Cependant, des chercheurs anglais et américains leur proposent d’adopter un point de vue plutôt original : celui de l’étude de fossiles, et notamment ceux des ptérosaures, reptiles volants aujourd'hui disparus.

Les ptérosaures sont les plus gros animaux à avoir volé. Ils ont plané dans le ciel pendant 160 millions d’années – beaucoup plus longtemps que n’importe quelle espèce d’oiseau moderne. Malgré leur excellente capacité de vol, ils n’ont jamais fait l’objet d’étude de la part de chercheurs spécialisés dans les technologies de vol bio-inspiré. Pour une bonne raison, selon Elisabeth Martin-Silverstone, paléontologiste à l’université de Bristol (Grande-Bretagne) et coauteure de l’étude : la paléontologie est loin d’être un domaine vers lequel se tourne spontanément les ingénieurs pour améliorer la conception de leur projet, surtout quand les fossiles sont incomplets.

Cependant, quelques fossiles de ptérosaures offrent un aperçu précis de l’anatomie de leurs ailes, point essentiel pour comprendre leurs capacités de vol. Et il serait dommage de s’en priver, selon les chercheurs... « Il y a deux ou trois fossiles de ptérosaures incroyablement préservés qui vous permettent de voir les différentes couches de la membrane de l’aile, donnant ainsi un aperçu de ses composants fibreux. Certains fossiles peuvent même montrer les attaches de l’aile sous la hanche », et « même si on ne connait pas exactement sa forme, en connaissant les attaches de la membrane, il serait possible de modéliser différentes formes d’ailes et déterminer celle qui aurait le mieux fonctionné dans des conditions naturelles », explique Elisabeth Martin-Silverstone.

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Fossiles de vertébrés capables de voler. De gauche à droite : Archaeopteryx (envergure ~ 60 cm), Palaeochiropteryx (envergure ~ 30 cm) et le petit ptérosaure Aerodactylus (envergure ~ 50 cm). Abréviations : f, plumes ; lw, aile gauche ; m, membrane ; rw, aile droite ; sk, crâne © Mark Witton

De surcroît, l’analyse de la morphologie et de la mécanique de vol de ces créatures a révélé des façons de voler inconnues jusqu’alors, et inexistantes chez nos animaux contemporains.

Les plus gros oiseaux, comme l’albatros, prennent leur envol après une course plutôt longue pour prendre de l’élan puis décoller. Le ptérosaure, qui pouvait peser près de 300 kilogrammes, a probablement développé une façon de se lancer à partir d’une position stationnaire. C’est l’hypothèse étonnante de Mike Habib, co-auteur et chercheur au Dinosaur Institute du Museum d’histoire naturelle de Los Angeles (États-Unis). Il suggère que la membrane de l’aile et ses attaches musculaires robustes ont permis aux ptérosaures de générer une puissance telle qu’ils pouvaient sauter tout en s’appuyant sur leurs « coudes » et leurs « poignets », leur donnant ainsi suffisamment de hauteur pour décoller.

Autre piste intéressante, les ptérosaures ont développé des stratégies pour résister à la forte pression de l’air lors du battement de leurs larges ailes. Ce qui pourrait ouvrir la porte à de nouvelles solutions concernant l’instabilité d’un vol une fois dans l’air. « Si nous pouvons comprendre comment les ptérosaures l’ont fait, en analysant par exemple la façon dont leur membrane d’aile était réellement structurée, alors ce sont des connaissances que nous pouvons utiliser pour répondre à des problèmes d’ingénierie moderne », explique Elisabeth Martin-Silverstone.

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Dinosaure ailé Yi qi (image d’artiste), avec une aile formée à la fois d'une membrane en forme de chauve-souris et de plumes © Emily Willoughby

Ces éléments physiologiques uniques ne se limitent pas aux ptérosaures. D’autres stratégies de vol restent à explorer comme ceux des dinosaures volants tel que le microraptor. Ce dernier avait des plumes sur leurs membres avant et arrières, tandis qu’un autre dinosaure récemment découvert, Yi qi, avait des ailes combinant des plumes à une membrane semblable à celles d’une chauve-souris.

Conclusion, les auteurs de cette synthèse suggèrent que les ingénieurs spécialistes du vol artificiel ont tout intérêt à s’inspirer des vertébrés disparus et de leur diversité pour élargir leur point de vue et ainsi surmonter de nombreux obstacles techniques en aéronautique.