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Une partie du complexe de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, le 20 août 2023 © AFP Philip Fong

Le rejet dans l’océan Pacifique de l’eau de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima doit commencer jeudi, a déclaré mardi le Premier ministre japonais, déclenchant des restrictions à Hong Kong sur les produits de la mer nippons et la condamnation de la Chine.

Ce processus a été validé début juillet par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et Tokyo assure qu’il sera sans danger pour l’environnement et la santé humaine. Mais l’opération, qui doit durer des décennies, suscite aussi de vives inquiétudes et critiques, notamment de la Chine. « L’océan est la propriété de toute l’humanité, ce n’est pas un lieu où le Japon peut arbitrairement rejeter de l’eau contaminée » a fustigé mardi devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin.

Pékin a déjà interdit dès le mois dernier les importations de produits alimentaires de dix départements japonais, dont celui de Fukushima, et procède à des tests de radiations sur les denrées provenant du reste du pays. Hong Kong a aussi décidé mardi d’interdire « immédiatement » les importations de produits de la mer provenant de dix départements japonais. Tokyo prévoit de rejeter en mer plus de 1,3 million de tonnes d’eau de la centrale de Fukushima Daiichi provenant d’eau de pluie, de nappes souterraines et des injections nécessaires pour refroidir les cœurs des réacteurs entrés en fusion après le tsunami de mars 2011 qui a dévasté la côte nord-est du pays.

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Vue aérienne des réservoirs utilisés pour le stockage de l'eau traitée à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, le 14 février 2021 © JIJI Press/AFP/Archives STR

Ces eaux ont été traitées au préalable pour les débarrasser de leurs substances radioactives, à l’exception toutefois du tritium, qui n’a pas pu être retiré avec les technologies existantes. Seules des doses hautement concentrées de tritium sont nocives pour la santé, selon les experts. Aussi Tepco, l’opérateur de la centrale de Fukushima, prévoit un rejet dans l’océan étalé jusqu’au début des années 2050, à raison de 500 000 litres par jour maximum, et avec une dilution pour réduire le niveau de radioactivité de l’eau tritiée bien en deçà des normes nationales pour cette catégorie.

Les pêcheurs japonais inquiets

Le Japon affirme par conséquent que cette opération ne présente aucune menace pour l’environnement marin et la santé humaine. L’AIEA, qui contrôle le projet, est du même avis et a donné en juillet son feu vert. L’opération commencera jeudi « si les conditions météo le permettent », selon le Premier ministre japonais Fumio Kishida. Du personnel de l’AIEA travaille sur place pour s’assurer que le projet « reste conforme aux normes de sécurité », et mettra aussi à disposition de la communauté internationale des données de suivi « en temps réel et quasi-réel », a précisé mardi l’agence dans un communiqué.

Tepco et l’agence japonaise de la pêche mettront aussi des données de contrôle en ligne. « Le gouvernement japonais a opté pour une fausse solution — des décennies de pollution radioactive délibérée dans l’environnement marin — à un moment où les océans du monde sont déjà sous haute tension », a dénoncé mardi Greenpeace dans un communiqué.

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Manifestation contre le projet du gouvernement japonais de rejeter dans l'océan les eaux traitées de la centrale de Fukushima Daiichi, le 22 août 2023 à Tokyo © AFP Jung Yeon-je

L’industrie japonaise de la pêche redoute quant à elle des conséquences néfastes pour l’image de ses produits, auprès des consommateurs nippons comme à l’étranger. « Nous sommes toujours opposés au rejet de l’eau » car « la sécurité scientifique n’équivaut pas nécessairement à un sentiment de sécurité dans la société », a déclaré lundi son représentant, Masanobu Sakamoto, à l’issue d’une rencontre avec M. Kishida.

Situation « exploitée » par Pékin

Le Japon va demander la fin des restrictions commerciales chinoises en mettant en avant des « preuves scientifiques », a assuré mardi M. Kishida. Il a aussi promis des mesures pour soutenir la filière japonaise de la pêche en encourageant sa production et la consommation intérieure de ses produits, ainsi qu’en ouvrant de nouveaux marchés à l’export. Un fonds de 30 milliards de yens (190 millions d’euros) est aussi prévu pour faire face au risque d’une perte d’image. Les craintes de la Chine sont peut-être sincères, mais son ton véhément s’explique probablement aussi par les tensions géopolitiques et économiques entre Pékin et Tokyo, selon James Brady, analyste du cabinet d’études Teneo.

Pékin peut ainsi « exploiter » la problématique de l’eau de Fukushima en essayant d’« exacerber » les divisions internes au Japon sur le sujet, exercer une « certaine pression » sur le commerce extérieur nippon et tenter de perturber le récent réchauffement des liens entre Tokyo et Séoul, estime M. Brady. Séoul n’a pas formulé d’objection au projet japonais, même si la population sud-coréenne s’inquiète également.