Image légendée
Décollage de la fusée Ariane 5 emportant le télescope spatial James Webb (JWST) depuis le Centre spatial de Kourou, en Guyane, le 25 décembre 2021 © AFP Jody Amiet

Le télescope spatial James Webb (JWST), attendu depuis trente ans par les astronomes du monde entier pour examiner l’Univers avec des moyens inégalés, a décollé avec une fusée Ariane 5 samedi pour rejoindre son poste d’observation, à 1,5 million de km de la Terre. La phase propulsée du vol s’est bien déroulée. Il lui faudra désormais un mois pour atteindre sa position finale. Avec l’ambition d’éclairer plus avant l’humanité sur deux questions : « d’où venons-nous ? » et « sommes-nous seuls dans l’Univers ? » et d’apercevoir les lueurs de « l’aube cosmique », quand les premières galaxies ont commencé à éclairer l’Univers depuis le Big bang, il y a 13,8 milliards d’années.

Il permettra de mieux comprendre la formation des étoiles et des galaxies et d’observer les exoplanètes dont les astronomes découvrent toujours plus de spécimens, pour y identifier peut-être un jour d’autres Terres. 

Image légendée
Télescope spatial James Webb se séparant de la fusée Ariane 5 après le décollage du Centre spatial de Kourou, en Guyane © Nasa TV/AFP

Le James Webb va marcher dans les pas du télescope Hubble, qui a révolutionné l’observation de l’Univers : c’est grâce à lui que les scientifiques ont découvert l’existence d’un trou noir galactique au centre de toutes les galaxies, ou de vapeur d’eau autour d’exoplanètes. Imaginé par la Nasa dès le lancement de Hubble en 1990, et construit à partir de 2004, avec la collaboration des agences spatiale européenne (ESA) et canadienne (CSA), le JWST s’en distingue à plus d’un titre. La taille de son miroir, de 6,5 mètres d’envergure, lui procure une surface et donc une sensibilité sept fois plus grande, suffisante pour détecter la signature thermique d’un bourdon sur la Lune. 

Autre différence : son mode d’observation. Là où Hubble observe l’espace essentiellement dans le domaine de la lumière visible, James Webb s’aventure dans une longueur d’onde échappant à l’œil : l’infra-rouge proche et moyen. Un rayonnement que tout corps, astre, humain ou fleur, émet naturellement. Cette lumière sera étudiée par quatre instruments, munis d’imageurs et de spectrographes pour mieux la disséquer. Leur développement a mobilisé une pléthore d’ingénieurs et scientifiques, sous la houlette de laboratoires et industriels américains et européens.

Grâce à cela, « en regardant les mêmes objets (qu’avec Hubble), on verra de nouvelles choses », expliquait à Paris l’astronome Pierre Ferruit, co-responsable scientifique du télescope pour l’ESA. Par exemple les premières galaxies, des objets dont l’éloignement a fait virer leurs lumières vers le rouge. Ou les jeunes colonies d’étoiles, qui grandissent masquées dans les nuages de poussière de leurs pouponnières. Ou encore l’atmosphère des exoplanètes.

Image légendée
Le miroir principal du télescope James Webb au centre de la Nasa à Houston (Texas), le 16 mai 2017 © Nasa/AFP/Archives Chris Gunn

La condition impérative au bon fonctionnement du JWST est une température ambiante si basse qu’elle ne trouble pas l’examen de la lumière. Hubble est en orbite à quelque 600 km au-dessus de la Terre. A cette distance, le JWST serait inutilisable, chauffé par le soleil et sa réflexion sur la Terre et la Lune. 

Il va être placé à l’issue d’un voyage d’un mois à 1,5 million de km de là. Et sera protégé du rayonnement solaire par un bouclier thermique de cinq voiles souples qui dissipera la chaleur, abaissant la température (qui est de 80°) à -233 degrés côté télescope. Mais avant d’en arriver là, la machine et ses concepteurs vont devoir réaliser un véritable exploit : son déploiement sans failles, avec une série d’opérations impliquant par exemple pour le seul bouclier 140 mécanismes d’ouverture, 400 poulies et presque 400 mètres de câbles. 

Car l’observatoire, avec ses 12 mètres de haut et un bouclier équivalant à un court de tennis, a dû être plié pour se glisser dans la coiffe d’Ariane 5. « L’encapsulage » s’est effectué avec guidage laser pour éviter tout dommage à l’instrument, dont le développement a coûté quelque dix milliards de dollars. Pour ces manœuvres, la Nasa a aussi imposé des mesures draconiennes de propreté pour éviter toute contamination du miroir du télescope, par des particules ou même une haleine chargée… 

Enfin, un système de dépressurisation sur mesure de la coiffe a été installé par Arianespace pour qu’à la séparation d’avec le lanceur, à 120 km d’altitude, aucun changement brutal de pression n’endommage la bête. « A "client" exceptionnel, mesures exceptionnelles », a expliqué jeudi un responsable de l’ESA à Kourou. 

Il faudra plusieurs semaines pour savoir si le télescope est prêt à fonctionner. Avec une entrée officielle en service prévue en juin.