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Un exocet au-dessus de l’eau près du navire français Marion Dufresne entre l’île Amsterdam et l’île de la Réunion, dans l’océan indien, le 9 janvier 2023 © AFP Patrick Hertzog

Le texte du traité de protection de la haute mer, finalisé par les États membres de l’ONU ce week-end après de très longues négociations, a été rendu public lundi. Il prévoit des outils pour « la conservation et la gestion durable de la diversité biologique marine au-delà des juridictions nationales », soit plus de la moitié des océans.

Haute mer et fonds marins

Selon le mandat donné par l’Assemblée générale de l’ONU en 2017 après plus de dix ans de discussions, le traité vise la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine, « pour le présent et le long terme » des zones ne relevant pas d’une juridiction nationale. Une étendue gigantesque qui représente près de la moitié de la planète et plus de 60 % des océans. Le texte s’appliquera d’une part à la haute mer, c’est-à-dire la partie des océans au-delà des zones économiques exclusives (ZEE) des États, qui s’étendent à maximum 200 milles nautiques (370 km) des côtes. Il couvrira aussi les fonds marins et leur sous-sol situés en dehors des juridictions nationales, appelés « la Zone » dans le traité. Cela doit en principe permettre que les mesures s’appliquent aux activités de pêche et d’extraction minière.

Océan morcelé

Mais la future Conférence des parties (COP, organe de décision qui rassemblera les États signataires) devra composer, pour faire appliquer ses décisions, avec d’autres organisations mondiales et régionales qui ont autorité aujourd’hui sur des morceaux de l’océan. En particulier les organisations régionales de pêche et l’Autorité internationale des fonds marins qui délivre pour l’instant des contrats d’exploration minière dans certaines zones précises et pourrait prochainement passer au stade de l’exploitation, craignent les ONG. Les activités militaires sont elles exclues du champ du traité.

Aires marines protégées

Outil emblématique du futur traité : les aires marines protégées, qui aujourd’hui existent principalement dans les eaux territoriales. La COP, sur proposition d’un ou plusieurs États, pourra créer ces sanctuaires dans des zones à caractère unique, particulièrement fragiles ou importantes pour des espèces en danger. La question cruciale du processus de décision a été un des points chauds des négociations. Finalement, comme dans d’autres COP, notamment celles sur le climat, les décisions seront en général prises par consensus. Si celui-ci ne peut être atteint, le projet de texte introduit la possibilité de prendre une décision à la majorité des 3/4 pour contourner le blocage d’un pays ou d’un petit groupe. Cette décision serait ensuite soumise à un vote de la COP, cette fois à la majorité des 2/3, attestant que « tous les efforts pour parvenir à un accord par consensus ont été épuisés ».

Le traité ne détaille pas comment assurer concrètement la mise en œuvre de mesures de protection dans ces vastes étendues éloignées des terres. Certains experts comptent sur les satellites pour surveiller et identifier les infractions. Chaque État est responsable des activités sur lesquelles il a de toute façon juridiction même en haute mer, par exemple sur un navire battant pavillon de son pays.

Ressources génétiques marines

Chaque État, maritime ou non, et toute entité sous sa juridiction, pourra organiser en haute mer des collectes de végétaux, animaux ou microbes, dont le matériel génétique pourra ensuite être utilisé, y compris commercialement, par exemple par des entreprises pharmaceutiques qui espèrent découvrir des molécules miraculeuses. Pour que les pays en développement, qui n’ont pas les moyens de financer ces coûteuses recherches, ne soient pas privés de leur part d’un gâteau qui n’appartient à personne, le traité pose le principe d’un partage « juste et équitable » des bénéfices.

La répartition de ces futurs profits a cristallisé les tensions. Au bout du compte, le texte prévoit un partage des ressources scientifiques (échantillons, données génétiques sur une « plateforme en libre accès », transferts de technologies aux pays en développement, etc.) et des bénéfices financiers. Les modalités du mécanisme financier, qui pourra inclure contribution des États et redevances commerciales, restent à établir à la première COP. Celle-ci pourra déroger à la règle du consensus sur ce sujet en adoptant des décisions à la majorité des 3/4.

Études d’impact

Avant d’autoriser une activité en haute mer menée sous leur juridiction ou leur contrôle, les pays devront préalablement étudier ses impacts potentiels sur le milieu marin, selon le traité. Le texte prévoit aussi de telles études d’impact pour les activités ayant lieu dans les eaux nationales, si celles-ci sont susceptibles d’affecter de manière substantielle la haute mer, à l’initiative des États. Ceux-ci devront ensuite publier ces études et un Conseil consultatif scientifique et technique, composé d’experts choisis par les États, pourra faire des observations. Mais finalement, ce n’est pas la COP, mais l’État ayant autorité sur l’entité voulant mener cette activité qui donnera son feu vert. Le traité prévoit toutefois un mécanisme de transparence sur ces études d’impact et exige que l’État concerné s’assure d’avoir fait « tous les efforts raisonnables » pour prévenir les atteintes au milieu marin. Universel ? Les défenseurs des océans soulignent que pour être efficace, le traité doit être « universel » en recueillant l’adhésion du plus grand nombre de pays. Il pourra toutefois entrer en vigueur 120 jours après la 60e adhésion ou ratification du traité par des États.