Image légendée
Vue d'artiste d'une planète orpheline dans la région de l'étoile multiple Rho Ophiuchi, fournie par l'Observatoire européen austral le 22 décembre 2021 © European Southern Observatory/AFP

Le télescope spatial européen Euclid a découvert sept nouvelles planètes orphelines, des mondes solitaires errant dans l’espace interstellaire, sans lien avec une étoile.

À la différence de la Terre, ces astres ne connaissent ni jour ou nuit, ni mois ou années. Pourtant des scientifiques pensent que certains pourraient abriter une forme de vie, et se compter en milliards de milliards dans la galaxie.

La découverte des nouvelles planètes orphelines a été faite vendredi dernier, dans une étude scientifique en prépublication sur arXiv.org, au lendemain de l’annonce d’une nouvelle moisson d’images et de données d’Euclid.

Ces planètes errantes, des géantes gazeuses ayant chacune une masse d’au moins quatre fois celle de Jupiter, ont été découvertes dans la nébuleuse d’Orion, une pouponnière d’étoiles située à environ 1 500 années-lumière de la Terre.

Elles sont juste « la pointe de l’iceberg », a dit à l’AFP l’astronome espagnol Eduardo Martin, premier auteur de l’étude. Mais les trouver équivaut à « chercher une aiguille dans une meule de foin », selon lui, car elles ne reflètent pas la lumière d’une étoile proche. 

Les sept planètes observées par Euclid avaient l’avantage d’être plutôt chaudes et donc de produire un rayonnement facilitant leur découverte.

Pas si seules 

Euclid, lancé dans l’espace l’an dernier, a aussi confirmé l’existence de dizaines d’autres planètes orphelines, détectées antérieurement.  

Des recherches ont suggéré que pour chaque étoile on compterait environ 20 planètes errantes, n’appartenant à aucun système stellaire. Ce qui en ferait des milliards de milliards dans la Voie lactée, et un nombre incalculable à l’échelle de l’Univers.

Le lancement en 2027 de Roman, le télescope spatial de la Nasa, pourrait aider à en préciser le nombre.

Ces mondes étranges évoquent pour Gavin Coleman, astronome à l’Université Queen Mary de Londres, un « sentiment d’émerveillement de mystère ».

« Nous avons tous grandi avec la vision du Soleil dans le ciel, ce qui rend fascinant de penser à une planète dérivant dans l’espace sans étoile à l’horizon », a-t-il dit à l’AFP.

Certaines ne sont pourtant pas si seules. Sur les plus de 20 planètes orphelines confirmées par Euclid, au moins quatre seraient des planètes binaires, c’est-à-dire en orbite l’une avec l’autre.

Selon Eduardo Martin, « certains de nos voisins les plus proches sont sans doute des planètes orphelines »

Sans le bénéfice des rayons d’un soleil proche, ces astres sont réputés extrêmement froids, avec une surface sans doute glacée.

Des formes de vie ? 

La chaleur indispensable au soutien d’une forme de vie devrait donc venir de leurs entrailles. Un bon exemple en est Neptune, une géante de glace dont la température de surface provient essentiellement de l’énergie de son noyau.

Mais même dans les meilleures conditions, cet isolement extrême ne pourrait autoriser que des formes de vie bactérienne ou microbienne, selon Gavin Coleman.

Comme celles florissant au fond des océans terrestres, près des évents géothermiques, dans l’obscurité la plus complète.

Cette existence solitaire n’est peut-être pas si nocive. Car « la proximité d’une étoile a ses inconvénients », a remarqué le cosignataire de l’étude Christopher Conselice, professeur d’astronomie extragalactique à l’Université britannique de Manchester.

Comme ce qui attend la Terre, quand elle sera calcinée ou absorbée d’ici 7,6 milliards d’années par un Soleil ayant mué en géante rouge.

Les planètes orphelines n’ont pas ce souci. « Ces objets vivront pour toujours », a dit le Pr. Conselice à l’AFP : « Si les températures glacées ne vous dérangent pas, vous pourriez y survivre éternellement ».

L’étude réalisée grâce aux données d’Euclid a suggéré des pistes sur la formation des planètes orphelines.

Certaines pourraient se former aux frontières d’un système stellaire avant de s’en détacher pour flotter en solitaire. Mais l’étude prévoit que bon nombre apparaitraient comme des « sous-produits naturels » de la formation d’étoiles, selon M. Conselice.

Il pourrait exister « une connexion très forte entre étoiles et planètes à travers le processus de leur formation », selon lui.