Pesticides et leucémies chez l'enfant : une étude précise les risques liés à la proximité de vignes
Publié le - par Le Blob avec l'AFP
Les enfants risquent-ils plus de leucémies quand ils vivent à proximité de vignes ? Une étude française apporte des réponses nuancées, en fournissant un nouvel éclairage sur les liens entre santé et pesticides.
D’un côté, selon cette étude réalisée par des chercheurs de l’Inserm et publiée mercredi dans la revue Environmental Health Perspectives, un enfant n’a pas plus de risque de développer une leucémie quand il habite près de vignes, à moins d’un kilomètre à la ronde.
De l’autre, ce risque de leucémie augmente « légèrement » si l’on tient compte de la surface totale des vignes et non de leur seule présence. « En moyenne, pour chaque augmentation de 10 % de la part couverte par les vignes dans le périmètre de 1 000 mètres, le risque de leucémie lymphoblastique », la plus fréquente, « augmente de près de 10 % », détaille l’Inserm dans un communiqué.
Ces résultats viennent préciser les liens entre pesticides et santé, un sujet sensible et d’actualité alors que les Etats membres de l’UE sont en plein débat sur une nouvelle autorisation du glyphosate – produit qui n’est pas l’objet de ce travail.
Le terme « pesticides » regroupe l’ensemble des produits de lutte contre les espèces végétales jugées indésirables (herbicides) et les nuisibles (insecticides et fongicides). Ils sont majoritairement utilisés en agriculture mais se retrouvent aussi dans l’environnement.
L’étude de l’Inserm, menée en collaboration avec Santé publique France et avec le soutien financier de l’Anses et de l’INCa, est l’une des premières à se pencher sur les risques directement encourus par les enfants vivant près de parcelles traitées avec ces produits et non, par exemple, via une exposition domestique ou professionnelle de leur mère durant la grossesse.
L’exposition aux pesticides est, en effet, suspectée d’être un facteur de risque de cancers pédiatriques. Or la leucémie, maladie rare chez l’enfant avec environ 500 cas chaque année en France, représente environ 30 % de ces cancers.
Deux groupes de moins de 15 ans ont été considérés pour l’étude : 3 711 enfants atteints de leucémie, à partir du registre national des cancers de l’enfant sur 2006-2013, et 40 196 non malades du même âge (témoins), sélectionnés sur la même période – à partir de données fiscales – pour être représentatifs de la population métropolitaine, a expliqué à la presse l’une des chercheuses, Stéphanie Goujon.
Pour tous, les scientifiques ont disposé des adresses d’habitation, les ont géolocalisées, puis combinées à une cartographie des cultures agricoles pour estimer la présence et la surface de vignes autour.
Premier enseignement : la présence de vignes à moins de 1 000 mètres du lieu de résidence n’était « pas plus fréquente » chez les enfants atteints de leucémie (9,3 %) que chez les témoins (10 %).
Mais une association a été observée entre le risque de leucémies lymphoblastiques et la surface de vignes dans ce périmètre. Les chercheurs ont fait l’hypothèse d’une variation continue du risque selon la densité de vigne.
L’augmentation du risque est toutefois moindre (4 %) si l’on prend en compte l’ensemble des leucémies aigües.
Et, selon les régions, les résultats se révèlent hétérogènes, avec des associations plus nettes entre le risque de leucémie pédiatrique et l’habitation près de vignes en Pays de la Loire, Grand-Est, Occitanie, ou Provence-Alpes-Côte d’Azur–Corse.
Nouvelle-Aquitaine n’apparaît pas dans ce cas. « Ce résultat nous surprend un petit peu » pour une région « très viticole, avec beaucoup d’enfants à proximité de vignes », a reconnu Stéphanie Goujon, pour laquelle « peut-être que l’indicateur n’est pas optimal pour cette région ».
Elle appelle plus globalement à la prudence sur « l’interprétation des résultats régionaux ».
Pour l’heure, le choix a été fait de se focaliser d’abord sur la viticulture, culture « pérenne, plus clairement identifiable que des cultures soumises à des rotations, par exemple », et associée à de « nombreux traitements phytosanitaires ».
Les travaux vont continuer pour analyser d’autres cultures, avec notamment « un travail très long pour prendre en compte la variabilité annuelle », d’autres types de cancers, mais aussi évaluer les expositions aux différents pesticides utilisés sur les cultures.