Proba-3 : un ballet de satellites réglé au millimètre pour mieux comprendre la couronne solaire
Publié le - par Le Blob avec l'AFP
La mission Proba-3, qui a quitté la Terre jeudi avec une fusée indienne, va observer la couronne du Soleil en expérimentant un vol de deux satellites en formation, avec une précision millimétrique, à 60.000 km de la Terre.
La couronne, cette "atmosphère" du Soleil, défie encore largement la compréhension. Invisible à l’œil nu comme avec de simples télescopes, aveuglés par la brillance de l'astre, elle a une épaisseur de plusieurs millions de kilomètres.
Seule une éclipse totale de Soleil par la Lune a révélé l'existence de ce halo de lumière aux premiers astronomes. Qui ont trouvé dans les années 1930 la parade à l'éblouissement de l'astre avec l'invention du Français Bernard Lyot et son coronographe, qui a placé l'équivalent d'un disque lunaire dans un télescope.
Mais comme rien ne vaut la clarté du vide spatial et l'absence de gravité pour une telle observation, la mission de l'Agence spatiale européenne (ESA) utilise le principe du coronographe dans l'espace. En le doublant d'un défi technologique, avec deux satellites travaillant en tandem et en mode automatique pendant deux ans.
Ils boucleront en 18 heures une orbite hautement elliptique autour de la Terre, les amenant jusqu'à 60.000 km d'altitude. "Nous espérons en moyenne 10 à 12 heures d'observation par semaine" de la couronne, a expliqué récemment dans un point de presse Joe Zender, scientifique du projet à l'ESA.
Équipé d'un large bouclier d'1,40 mètre de diamètre, le premier satellite jouera le rôle de la Lune en occultant l'astre solaire. Il sera suivi par le deuxième satellite, portant le coronographe ASPIICS, qui pourra ainsi observer la couronne solaire dans la pénombre créée par l'occulteur.
L'opération exigera une précision encore jamais atteinte dans un tel exercice de vol en formation, effectué à 144 mètres de distance. "Nous visons une précision de l'ordre du millimètre", a expliqué Damien Galano, chef du projet Proba-3 à l'ESA. Là où celle d'une mission expérimentale précédente, PRISMA, il y a plus de dix ans, atteignait le décimètre.
La mission, opérationnelle à partir du printemps après la séparation des deux satellites attendue au début de l'année, complémentera les observations des deux sondes Solar Orbiter et Parker Solar Probe.
Elle doit aider à percer l'énigme de la couronne, un milieu très peu dense dont la température se mesure en million de degrés, alors qu'en dessous, à la surface du Soleil, elle atteint seulement 6.000 degrés.
Autre question à éclairer, celle de la physique voulant que la couronne soit la source des vents solaires et des éjections de masse coronale, de gigantesques vagues de particules chargées et porteuses de champs magnétiques, qui peuvent endommager satellites et installations terrestres.
"En comprenant mieux la physique on peut améliorer nos modèles et à la suite améliorer nos prévisions pour les satellites et l'impact sur Terre" de ces tempêtes solaires, a dit Joe Zender.
Pour remplir leur mission les deux satellites auront recours à trois dispositifs.
Quand ils se dirigeront vers le Soleil, le satellite occulteur utilisera un capteur optique à reconnaissance d'image pour localiser le satellite coronographe qui le suit. Ensuite, un capteur laser va permettre d'affiner la mesure de distance et la trajectoire des deux engins, qui sera corrigée avec un système de micropropulsion. Enfin, en mode d'observation, des "capteurs d'ombre" disposés sur le satellite coronographe perfectionneront la manœuvre.
De telles technologies permettront d'installer des systèmes de satellites travaillant en formation comme un seul instrument, pour observer l'espace mais aussi la Terre.
Un autre champ d'application serait la maintenance de satellites commerciaux. Une activité "nécessitant une approche précise et un nombre de manœuvres délicates", selon Dietmar Pilz, directeur de la technologie à l'ESA.
La mission Proba-3 est le fruit, pour le compte de l'ESA, d'une collaboration de 14 pays, menée par le groupe de technologie espagnol Sener et du belge Spacebel, avec l'implication d'Airbus qui a construit les plateforme-satellites et de l'entreprise américaine Redwire qui a intégré tous les éléments.
L'utilisation d'une fusée indienne répond à des impératifs de coût et d'adéquation du site de lancement à l'injection des satellites sur une orbite spécifique.