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Recherches sur des aedes aegypti, le moustique vecteur de la dengue, le 02 septembre 2010 à l'insectarium du centre de démoustication de Martinique à Fort-de-France. © AFP/Archives PATRICE COPPEE

Chikungunya en Italie, dengue sur la Côte d’Azur... Et un jour en Scandinavie ? L’Europe doit se préparer à des épidémies jusqu’ici réservées aux régions tropicales, préviennent des chercheurs, même si le rythme et l’ampleur de cette expansion restent difficiles à prévoir.

« Encouragées par le changement climatique, les voyages et le commerce international, les épidémies de maladies vectorielles (transmises par des insectes tels que les moustiques ou les tiques, NDLR) vont se développer pour toucher une grande partie de l’Europe dans les décennies à venir », soulignent-ils, à l’occasion d’un Congrès à Amsterdam.

Tous les pays du pourtour méditerranéen sont déjà concernés, note Giovanni Rezza, directeur du département Maladies infectieuses à l’Institut supérieur de la santé à Rome, interrogé par l’AFP.

L’événement récent le plus préoccupant est l’épidémie de chikungunya qui a frappé l’Italie à l’été 2017, avec « plus de 400 cas », et « une défaillance dans le diagnostic précoce », puisque la maladie n’a été identifiée par les pouvoirs publics qu’au bout de plusieurs semaines, favorisant l’infection de nouvelles personnes, souligne le chercheur.

Cette tâche de repérage précoce est d’autant plus dure en Italie que le moustique tigre, qui transmet la dengue et le chikungunya, est désormais endémique dans une grande partie du pays.

D’où la nécessité de renforcer la vigilance là où le phénomène est encore limité, comme la France avec la Côté d’Azur, où plusieurs cas autochtones de dengue ont été signalés depuis 2014, insiste le Dr Rezza, qui présentait ses conclusions sur ces récents épisodes au Congrès européen de microbiologie clinique et des maladies infectieuses, qui se tient à Amsterdam jusqu’à mardi.

« Heureusement », l’Italie, l’Espagne, le sud de la France, la côte croate et la Grèce sont pour le moment « une zone tropicale seulement à temps partiel » : les hivers sont suffisamment froids pour que la transmission s’interrompe.

Systèmes d’alerte précoce

Mais à mesure que les périodes de haute température s’allongent, cette « fenêtre » pendant laquelle ces maladies peuvent se transmettre va devenir plus large, favorisant des épidémies de plus grande importance, avertit Giovanni Rezza, tout en soulignant qu’il s’agit de « changement à moyen et non à court terme ».

Les travaux présentés par Jan Semenza, du Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies (CEPCM), agence européenne basée à Stockholm, montrent également une extension du territoire des tiques, responsables de certaines encéphalites virales et de la maladie de Lyme.

« Nous observons une expansion des tiques causée par les températures plus élevées, elles se développent vers le Nord et à des altitudes plus élevées », a-t-il déclaré à l’AFP.

De même, la mouche des sables ou phlébotome, principal vecteur de la maladie parasitaire leishmaniose, pourrait trouver des conditions climatiques favorables à son installation en France, en Allemagne et dans le sud du Royaume-Uni d’ici 2060.

Face à ce phénomène, « les agences de santé publique doivent améliorer la surveillance, par exemple à travers des systèmes d’alerte précoce, sensibiliser davantage les professionnels de santé et le grand public sur les risques, ainsi qu’adopter des stratégies de contrôle innovantes telles que les actions communautaires » contre la prolifération des moustiques, souligne le Pr Semenza.

Le CEPCM aide les pouvoirs publics en « modélisant en temps réel les endroits où les conditions climatiques sont favorables à la transmission, afin de pouvoir accroître notre attention et notre système de surveillance dans ces zones », explique-t-il.

Le centre européen a ainsi développé un outil qui surveille la température et la teneur en sel de l’eau de mer, illustré par une carte (https://e3geoportal.ecdc.europa.eu/SitePages/Vibrio%20Map%20Viewer.aspx). Ce dernier permet d’identifier les plages ayant le plus de risque de présence de bactéries de la famille vibrio, responsable d’affections intestinales parfois graves chez l’homme.