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Représentation en 3D de Discokeryx xiezhi, transmise le 2 juin 2022 par l’Académie chinoise des sciences © Institute of Vertebrate Paleontology and Paleoanthropology, Chinese Academy of Sciences/AFP Yu Wang

La girafe n’a pas toujours eu un long cou, mais elle a toujours favorisé le coup de tête pour défendre sa position, comme en témoigne la découverte d’un spécimen fossile de giraffoïde doté d’un véritable bouclier crânien. Cette découverte renforce la thèse voulant que le moteur initial de l’allongement du cou de la girafe a été la sélection sexuelle.

Mis au jour dans le nord de la Chine, Discokeryx xiezhi, est le premier représentant d’une nouvelle espèce, dont le fossile vivait il y environ 17 millions d’années, rapporte une étude publiée dans la revue Science cette semaine. Ce ruminant de la taille d’un grand cervidé disposait d’un épais disque osseux au sommet du crâne et d’un cou doté de formidables vertèbres cervicales lui permettant d’encaisser de violents chocs frontaux, selon le paléontologue Shi-Qi Wang, de l’Académie chinoise des sciences, premier auteur de l’article.

Cette morphologie « particulière était le plus probablement adaptée à des comportements de lutte à coups de tête entre mâles », supposent les chercheurs, qui comparent ce comportement « aux combats des girafes mâles avec leur cou ». Ces dernières --l’espèce actuelle -- se livrent à des luttes de domination en balançant à toute force leur tête, dotée de petites cornes, contre l’adversaire.

La découverte des paléontologues chinois verse une pièce décisive à un débat aussi ancien que celui de la paléontologie : pourquoi la girafe a-t-elle un si long cou ? Les paléontologues ont longtemps défendu la thèse de l’avantage écologique, d’après laquelle ce long cou procurait à son détenteur un avantage décisif pour atteindre des feuillages en hauteur. Plus récente et très disputée, l’autre théorie postule qu’un cou long et puissant influe sur l’issue des combats que se livrent les mâles, et a donc favorisé sa croissance.

 

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Représentation de la communauté fossile du bassin de Junggar, il y a environ 1700 millions d’années. Des Discokeryx xiezhi combattants sont au milieu © Guo Xiaocong

 Compétition sexuelle 

L’étude de Shi-Qi Wang et de ses collègues se range à cette dernière thèse : ce genre de combat est « probablement la première raison pour laquelle les girafes ont développé un long cou », qui leur a ensuite fourni un avantage pour brouter des feuillages en hauteur. « C’est un exemple parfait d’+exaptation+, c’est-à-dire d’un avantage fourni par un organe qui va se révéler utile ultérieurement pour un autre usage », explique  le paléontologue Grégoire Metais, du Muséum national d’histoire naturelle, qui salue une « très belle étude ».

Les giraffidés se sont lancés selon lui dans une « course en avant » pour un cou long et renforcé. Cela « montre une fois de plus que la compétition sexuelle est un des moteurs de l’évolution, qui amène des innovations morphologiques pouvant être utilisées à d’autres fins ». Dans le cas de Discokeryx xiezhi, sa morphologie représentait « l’adaptation la plus optimale pour la lutte à coups de tête, quand on la compare avec les espèces actuelles » se livrant à cette pratique, selon l’étude. A preuve, une modélisation informatique de l’impact des coups de tête, appliquée à d’autres ruminants combatifs, comme le bœuf musqué, suggère que la « morphologie très spéciale de la tête et du cou de Discokeryx xiezhi était liée à une pratique intense du coup de tête ». Et que cette morphologie lui procurait une capacité incomparable à « encaisser l’énergie du choc et à protéger son encéphale ».

L’étude établit par ailleurs clairement que ce fossile était un giraffoïde, apparu il y a environ 20 millions d’années, dont les deux seules espèces encore existantes sont la girafe et l’okapi. Mais alors, pourquoi Discokeryx xiezhi n’a-t-il pas lui aussi développé un long cou ? D’abord parce qu’il n’en avait pas besoin : il a vécu un épisode remarquable du Miocène, qui a vu un réchauffement net du climat, lui permettant de brouter tout son saoul. Ensuite, parce que ce n’était que « le début de l’histoire des girafidés », rappelle M. Metais. Et celle de la croissance de leur long cou.