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Une participante à l’essai clinique du vaccin développé par Moderna, à base d’ARN messager comme Pfizer, le 5 août 2020 à Detroit (Michigan) © Henry Ford Health System/AFP

Parmi les quatre grandes catégories de vaccins développés contre la Covid-19, celle utilisée par Pfizer, qui a annoncé lundi que son vaccin était efficace à 90 %, n’avait encore jamais fait ses preuves. Elle se fonde sur une technologie nouvelle, dite de l’ARN messager.

Tous les vaccins ont le même but : entraîner notre système immunitaire à reconnaître le coronavirus, relever ses défenses de manière préventive, afin de neutraliser le virus s’il venait à nous infecter. Des vaccins conventionnels peuvent être faits de virus inactivés (polio, grippe), atténués (rougeole, fièvre jaune), ou tout simplement de protéines appelées antigènes (hépatite B).

Mais dans le cas de Pfizer et de son partenaire allemand BioNTech, ou de Moderna, qui utilise la même technique mais n’a pas encore annoncé de résultats, on injecte dans l’organisme des brins d’instructions génétiques appelées ARN messager, c’est-à-dire la molécule dictant à nos cellules ce qu’elles doivent fabriquer. Toute cellule est une mini-usine de protéines, obéissant aux instructions génétiques contenues dans son noyau.

L’ARN messager du vaccin s’insère et prend le contrôle de cette machinerie pour faire fabriquer un antigène spécifique du coronavirus : la « spicule » du coronavirus, sa pointe si reconnaissable qui se trouve à sa surface et lui permet de s’attacher aux cellules humaines pour les pénétrer. Cette pointe, inoffensive en elle-même, sera ensuite détectée par le système immunitaire qui va produire des anticorps, et ces anticorps vont rester, montant la garde pendant – on l’espère – une longue durée.

Une fois le matériel génétique injecté, « les cellules qui sont au site de l’injection vont se mettre à produire, de façon transitoire, une des protéines du virus, en l’occurrence la protéine S, la protéine de spicule », a expliqué à l’AFP Christophe D’Enfert, directeur scientifique de l’Institut Pasteur.

Coup d’accélérateur

L’avantage est qu’avec cette méthode, il est inutile de cultiver un pathogène en laboratoire, c’est l’organisme qui fait le travail. C’est pour cette raison que ces vaccins sont plus rapides à mettre au point. Pas besoin de cellules ni d’œufs de poules (comme pour les vaccins contre la grippe) pour fabriquer ce vaccin. « Les vaccins ARN ont pour particularité intéressante de pouvoir être produits très facilement en très grande quantité », résume Daniel Floret, vice-président de la commission technique des vaccinations, à la Haute Autorité de Santé.

À noter qu’il n’est pas possible à l’ARN de s’intégrer dans un génome humain, constitué d’ADN. « L’ARN, pour pouvoir s’intégrer dans le génome, doit être transcrit de façon inverse [en ADN] – on dit rétrotranscrit – et ça, ça ne se fait pas spontanément dans les cellules », explique Christophe D’Enfert. Quant à la protéine du coronavirus, elle « ne va pas être produite en permanence, ça va s’arrêter », car comme pour tout vaccin, le système immunitaire va détruire les cellules qui produisent la protéine virale. « Le processus va donc s’éteindre de lui-même », explique Bruno Pitard (Inserm/université de Nantes), à la tête d’une start-up qui travaille sur ce type de vaccins.

L’inconvénient de ces derniers : ils doivent être stockés à très basse température. Le gouvernement américain met depuis plusieurs mois en place la logistique nécessaire. Ce n’est en revanche pas le cas des vaccins à ADN, qui peuvent être conservés à température ambiante.

A l’heure actuelle, aucun vaccin à ADN ou ARN n’a été approuvé pour l’Homme. Des vaccins à ADN existent en revanche à usage vétérinaire : chevaux, chiens, saumons…

Mais la Covid-19 a donné un énorme coup d’accélérateur aux recherches, en particulier grâce à des financements publics. Le gouvernement américain, sous l’impulsion du président Donald Trump, a signé un contrat de 1,95 milliard de dollars avec Pfizer pour la livraison de 100 millions de doses, si jamais le vaccin était approuvé. Moderna, plus petite société de biotechnologie américaine, a de son côté été subventionnée à hauteur de 2,5 milliards de dollars pour développer le vaccin et produire 100 millions de doses.

Toutes ces doses seront livrées aux Etats-Unis, qui espèrent commencer à vacciner les personnes vulnérables avant la fin de l’année.

Si la technologie était prouvée, cela pourrait ouvrir la voie à de nombreux autres vaccins : Moderna développe ainsi depuis des années des vaccins à l’ARN messager contre Zika, la grippe, le virus d’Epstein-Barr (mononucléose), le virus respiratoire syncytial (bronchiolite…), le cytomégalovirus (souvent sans gravité mais parfois risqué chez le fœtus), voire contre des cancers.