« Des fourmis bien orientées » Voix off : Ces fourmis, qui vont et viennent, sont à la recherche de nourriture. Elles sont un peu comme des têtes chercheuses qui explorent de nombreux chemins dans tous le sens puis retournent vers leur colonie. A première vue, tout cela semble très désordonné. Mais, en vérité, ces fourmis communiquent ensemble de façon très intelligente afin d’optimiser leurs déplacements. Ces méthodes d’optimisation ne pourraient-elles pas être utiles à nos propres déplacements ? Chercheur 1 : Chez les fourmis, il y a une division des tâches, et donc il y a que certaines fourmis qui vont participer à la recherche de nourriture. Et ces fourmis qui sortent à l’extérieur du nid, on les appelle des fourageuses. Vous pouvez tout à fait tomber sur une fourmi toute seule qui va partir dans différentes directions. On a l’impression qu’elle ne sait pas où elle va. Et c’est vrai, Elle ne sait pas où elle va. Elle est en train de chercher de la nourriture. Mais, si elle trouve de la nourriture, elle peut repartir en suivant le chemin qu’elle a suivi au départ, et là elle va poser sur le sol des phéromones. Alors les phéromones sont des substances chimiques qui servent à la communication entre les individus. Et ça sert également à recruter des congénères dans la colonie pour qu’elles sachent où se trouve la source de nourriture. Si l’on prend deux chemins, un long et un court, il est clair qu’une fourmi va mettre plus de temps à faire le trajet le plus long. Donc, si l’on prend un laps de temps donné, il est clair que le chemin le plus court aura vu beaucoup plus de passages de fourmis que le chemin le plus long. Et comme, à chaque fois, la fourmi va marquer la piste, et bien, au bout d’un certain temps, il y aura beaucoup plus de marques chimiques sur le chemin le plus court que le chemin le plus long. Alors là, on va parler d’intelligence collective parce que, typiquement, quand elle prend la piste, elle ne sait pas que c’est le chemin le plus court. Elle, tout ce qu’elle sait, c’est que c’est le chemin qui sent le plus fort parce qu’il y a le plus de phéromones sur la piste. Voix off : Cette intelligence collective qui permet à la colonie de fourmis d’accéder plus rapidement à une source de nourriture est aussi appelée intelligence en essaim. Chercheur 2 : Et bien, les chercheurs, à la fois informaticiens et mathématiciens, ont commencé à s’intéresser aux comportements collectifs des fourmis dans les années 90, essentiellement en étudiant leur comportement pour en tirer des algorithmes d’optimisation. Un algorithme d’optimisation n’est pas une équation mathématique, c’est un ensemble de règles que l’on va donner à un ordinateur pour qu’il exécute toute une série de tâches pour aboutir à trouver une solution optimale. L’algorithme de colonies de fourmis fonctionne sur une imitation du comportement des fourmis. Ces algorithmes d’optimisation ont d’abord été utilisés pour résoudre ce que l’on appelle des problèmes de chemins optimaux dans un graphe, c’est à dire trouver le chemin le plus court qui relie des points entre eux. Ce type d’algorithmes est utilisé lorsque le nombre de possibilités est astronomique et qu’il serait hors de question de les tester une par une. Voix off : Parmi les applications très élaborées de cet algorithme, il y en a une que de nombreuses personnes utilisent quotidiennement sans le savoir : c’est le GPS. C’est donc grâce aux fourmis que nous arrivons à nous déplacer de façon optimale ! Chercheur 2 : Nous avons tout d’abord commencé à travailler dans tout ce qui concerne l’optimisation de routage en général, c’est à dire de chemins les plus courts pour organiser soit la collecte de déchets soit la distribution du courrier. Sur une tournée de collectes de déchets où, par exemple, il est nécessaire de faire cent tournées, nous prenons en compte toutes les contraintes de collecte monolatérale, bilatérale, d’utilisation de types de camions différents, de nécessité d’aller vider le camion quand celui-ci est plein, pour être mises dans le logiciel et ensuite être optimisées par rapport à un certain nombre de critères qui sont essentiellement la durée de la collecte et le nombre de kilomètres parcourus. Et bien, grâce à l’utilisation de notre logiciel d’optimisation et de ce type d’algorithmes, on peut économiser entre dix et vingt tournées, c’est à dire dix ou vingt équipes et dix ou vingt camions. Ce gain économique s’accompagne de plus d’un gain écologique. Nous avons donc un impact à la fois sur la consommation de carburant, mais également sur le taux d’émission des gaz à effets de serre qui diminue grandement par le moindre nombre de camions et le moindre nombre de kilomètres parcourus. Ce qui bien évidemment est non négligeable quand il s’agit d’optimiser les choses comme pour une collectivité locale par exemple. Voix off : Les sociétés d’insectes ont une capacité à résoudre, d’une manière très souple, des problèmes quotidiens très variés et nombreux. Les abeilles et les termites fournissent d’autres modèles d’intelligence collective pour concevoir des algorithmes d’optimisation. Et, on peut même s’inspirer du fonctionnement des organismes biologiques pour mettre au point des algorithmes biomimétiques.