"2101, sciences et fiction"
"La cryoconservation"
Thierry Joly, cryobiologiste.
-Pour reconstituer un corps, il faut repartir d'une cellule unique avec un patrimoine génétique unique qui se divise.
On a un stade indifférencié au début et, à partir de ce stade, on a trois couches de cellules qui se mettent en place.
L'ectoderme, c'est tout ce qui va être lié à la vie de relations extérieures, donc le système nerveux, la peau.
L'endoderme, c'est tout ce qui touche à la fonction de digestion, donc tube digestif, appareil respiratoire et foie.
En couche intermédiaire, on a le mésoderme qui est tout ce qui touche à la fonction liée au mouvement, qui donne à chaque individu une autonomie de déplacement.
Donc, c'est tout ce qui va être muscles et l'appareil circulatoire, qui va être nécessaire pour distribuer l'énergie dans le corps.
Voilà les 3 types de cellules qui se mettent en place.
Donc, conserver des cellules de foie, du muscle ou du cœur, aucun intérêt.
Il vaut mieux conserver la cellule souche originelle.
À partir d'un fragment de peau, on peut refaire une cellule souche, et à partir de cette cellule souche, on peut faire tous les types de tissus.
Les cellules IPS sont obtenues à partir d'un fragment de peau, donc pas de problème éthique, alors que les cellules souches embryonnaires sont obtenues à partir d'un embryon, qu'on a produit et tué à cette fin.
D'où les problèmes éthiques, parce que produire des embryons humains pour les tuer, c'est pas accepté, en tout cas en France.
Qui irait sur cette exoplanète ?
Comment ferait-on l'échantillonnage ici-bas ?
Ça, c'est une question de génétique.
Après, on sait qu'à partir d'une...
On peut dire qu'en variabilité génétique, il faudrait une dizaine d'hommes et une vingtaine de femmes, non peut-être 30 femmes fécondes, non apparentées, pour recréer une population sans trop de problèmes génétiques après.
C'est la taille minimale qu'on utilise pour conserver la diversité génétique des populations sélectionnées.
Donc, des mâles issus de 10 familles non apparentées accouplés avec, au minimum, 20 femelles non apparentées.
On sait qu'à partir de cette taille minimum, on a la variabilité génétique, pour les lapins.
Et 20 générations de lapins, c'est 10 ans.
Et 20 générations humaines, c'est 500 ans.
On sait qu'avec 10 hommes, 20 femmes qui montent sur l'exoplanète, on crée une population sans problèmes génétiques.
Ou à la limite on peut monter...
On peut expédier juste les femmes avec une banque de sperme à côté, et puis ça suffira aussi.
"2101" Dans mon domaine, la cryoconservation des ressources génétiques animales, je sais que, dans un siècle, si les cellules sont toujours conservées dans l'azote liquide, on pourra les décongeler et recréer les populations qui ont été conservées aujourd'hui.
Donc ça, c'est intéressant.
Ensuite, je pense qu'il y aura une évolution des techniques.
C'est-à-dire que, dans les techniques actuelles, la cryoconservation consiste à arrêter de façon réversible le métabolisme des cellules.
Donc ça, c'est le point principal.
Le deuxième point, c'est d'essayer de conserver, au cours de la conservation, l'intégrité des cellules.
Et autour des cellules, il y a des membranes, donc quand la température descend, des cristaux de glace se forment qui lysent ou cassent les membranes plasmiques des cellules.
Cela crée des dégâts au niveau des membranes.
L'idée, c'est de faire sortir l'eau de l'intérieur des cellules et de les piéger avec des cryoprotecteurs pour éviter ces cristaux de glace.
Les deux objectifs de la cryoconservation sont arrêter le métabolisme de façon réversible et conserver l'intégrité des membranes cellulaires.
Actuellement, toutes les méthodes de congélation doivent respecter ces deux principes.
Une vraie rupture, ce serait de travailler avec la déshydratation.
Donc, ce serait d'enlever complètement l'eau des cellules et de conserver, notamment, les spermatozoïdes sous forme déshydratée.
Les premiers travaux sont menés actuellement sur les animaux domestiques.
On prend des éjaculats, on déshydrate les spermatozoïdes, puis on essaie de voir s'ils sont fécondants ou pas.
Un peu comme pour les levures.
On conserve les micro-organismes sous forme déshydratée.
L'idée, ce serait de faire pareil pour les animaux, et pourquoi pas pour l'homme.
Peut-être que dans une centaine d'années, ce serait jouable.
La cryoconservation des organes, c'est un travail mené par des collègues dans le domaine médical, notamment pour conserver des greffons, sur des cadavres.
Actuellement, quelques tissus peuvent être prélevés et sont transférés en frais.
On pourrait envisager de les congeler avant de trouver des receveurs compatibles.
Ça pourrait se faire.
Ça permettrait de contrecarrer le trafic d'organes sur Internet.
On va clairement dans des pays, notamment pour des reins, qui sont vendus ou prélevés comme ça, par des réseaux mafieux, et qui sont revendus à des pays solvables.
Là, effectivement, la cryoconservation des pièces permettrait d'éviter ce trafic.
Après, sur Internet, on trouve de tout, même dans le domaine de la reproduction.
Aujourd'hui, pour l'homme, vous achetez des spermatozoïdes dans une banque de sperme humain, vous trouvez une donneuse d'ovocytes sur catalogue, puis vous faites une fécondation in vitro, vous payez une mère porteuse, et vous avez un enfant qui est tout fait.
Actuellement, ça se fait.
En toute légalité.
Il y a même des tarifs pour vendre les ovocytes.
Une femme peut gagner 1 500€ en vendant ses ovocytes.
Le don de sperme, c'est pareil, c'est rémunéré.
Mais là, par contre, on tombe dans l'eugénisme.
Alors, ce n'est pas un eugénisme direct, mais je sais que, à Barcelone, il y a une banque de sperme où il est dit : "95 % de nos donneurs de sperme type hispanique sont issus des meilleures universités espagnoles."
On ne dit pas que ce sont les meilleurs, mais ça veut dire qu'il y a un QI qui est au-dessus de la moyenne.
Les donneuses d'ovocytes, c'est pareil.
On fait des tests.
Elles n'ont pas de problèmes génétiques, elles ont déjà eu des enfants, elles ont tel morphotype qui vous plaît, donc elles vendent leurs ovocytes à tant.
Il suffit de faire son marché d'ovocytes et de spermatozoïdes, on fait l'embryon, on peut même trouver une mère porteuse, et pour 100 000€, on a un bébé qui est tout fait.
Et ça, ça fait peur.
Par contre, ces techniques sont utilisées régulièrement dans le domaine bovin.
Dans le domaine de la reproduction et de la sélection bovines, l'éleveur, lui, a un catalogue de taureaux, il les sélectionne sur catalogue, achète les semences, sélectionne les ovocytes ou les femmes donneuses d'embryons sur catalogue, et il oriente sa sélection.
Mais on parle de sélection.
Il améliore le niveau génétique de son troupeau.
Ces techniques, qui sont routinières chez les bovins, on peut les appliquer chez l'homme.
En France, c'est interdit, mais pas à l'étranger.
"SF"
"Jurassic Park"
Ça pond des œufs, les dinosaures.
Ça fait partie des sauropsidés, comme les poules.
Donc, si on a un milieu suffisamment riche en protéines, l'équivalent du jaune d'œuf, les glycoprotéines, lipoprotéines, etc., mettre des cellules de dinosaures...
S'ils ont tout ce qu'il faut pour se développer dans un pseudo-œuf recréé ou dans un magma, ce n'est pas impossible de recréer des individus sauropsidés, donc dinosaures ou volailles.
Les oiseaux, c'est pareil, ce sont des sauropsidés, des animaux qui pondent des œufs.
Et dans l'œuf, il y a tout ce qu'il faut pour le développement du poussin.
Donc, pourquoi pas pour le dinosaure.
Par contre, pour le mammouth, il faudrait trouver une femelle receveuse.
Donc, ça supposerait d'utiliser des techniques de clonage, de trouver des ovocytes receveurs, et voir si, avec les éléphants, il y aurait des possibilités...
Mais redévelopper un placenta, c'est compliqué.
C'est beaucoup plus compliqué, là.
Les mammifères, c'est beaucoup plus dur.
Pour moi, la science-fiction, c'est un espace de liberté irrationnel, où on ne se met pas de limites.
On peut envisager tout ce qu'on veut.
Le seul bémol que je mettrais, c'est par rapport au respect de la dignité humaine.
Tant qu'on la respecte, on peut envisager tout ce qu'on veut.
Mais c'est un vrai espace de liberté, la science-fiction.
On peut dire ce qu'on veut, on est sûrs de ne pas être contredits.
2101, sciences et fiction
Conception et réalisation : Patrick Chiuzzi
Avec la voix de Johanna Rousset
Avec la participation de Thierry Joly, cryobiologiste
Images bande dessinée 2101 : Guillaume Chaudieu
Développeur : Thomas Goguelin
Image et son : Patrick Chiuzzi et Robin Chiuzzi
Enregistrement voix : Studio Ghümes
Musique : Ludovic Sagnier
Montage : Yann Brigant
Chromatiques
Producteur : Patrick Chiuzzi
Assistante réalisateur : Cécile Taillandier
Assistante de production : Élodie Henry
Images additionnelles
Shutterstock
Universcience
Rédaction en chef : Isabelle Bousquet
Production : Isabelle Péricard
Responsable des programmes : Alain Labouze
Avec la participation d’Amcsti
Remerciements : Eloïse Bertrand, Alice Chiuzzi, Agate Chiuzzi, Delphine Boju, Romain Mascagni, Mathieu Gayon
Avec le soutien d’Investissements d’Avenir et la participation du Centre National de la Cinématographie et de l’image animée
© C Productions Chromatiques / Universcience / Centre de recherche astrophysique de Lyon / 2016