Pierre-Henri Gouyon, Biologiste Muséum national d'histoire naturelle
-Concernant les humains, on a un problème de perspective, car on regarde le monde depuis notre position d'humains.
Tout individu voit le monde comme étant autour de lui et lui est au centre, bien sûr.
Quand je regarde le monde, il est autour de moi.
Mais tout ne tourne pas autour de moi, c'est une question de perception.
Les humains regardent le buisson depuis leur branche à eux.
Et ils ont tendance à vouloir identifier cette branche, lui donner une particularité, vu que c'est la leur. C'est intéressant.
Des gens croient dire des choses compatibles avec la théorie de l'évolution et disent : "L'évolution a produit de nombreuses espèces et l'homme vient à la fin." Or l'homme est loin d'être la dernière espèce apparue dans le buisson.
La dernière espèce est le moustique du métro londonien.
Pas de quoi en faire un fromage !
Alors, l'homme se situe dans la partie du buisson des singes, dans les mammifères placentaires, je ne vais pas vous faire toute la liste, puis dans les singes, et parmi les singes, dans les grands singes.
Et dans les grands singes, il y a une lignée qui se séparera d'un côté et donnera naissance à l'orang-outan, puis de l'autre, une autre lignée qui donnera naissance à un branchement d'où partira le gorille.
En fait, c'est une lignée qui va devenir le gorille.
Et il reste une lignée, de l'autre côté, qui se séparera en 2 : la lignée des humains, et la lignée séparée entre bonobo et chimpanzé.
Donc, l'homme n'est même pas la dernière lignée qui se soit séparée des autres dans ce buisson.
Les derniers séparés sont les bonobos et les chimpanzés.
L'homme, donc, est le plus proche parent du groupe bonobo-chimpanzé.
Du point de vue de l'évolution, un chimpanzé est plus proche d'un homme que d'un gorille.
Et si je regarde le génome d'un chimpanzé, il a plus de ressemblances avec celui de l'humain qu'avec celui du gorille.
C'est difficile à comprendre : la filiation des formes vivantes se traduit concrètement par des ressemblances en termes de génome.
À d'autres échelles, on retrouve cela.
Des poissons avec des cartilages ont donné la lignée des requins et des raies.
De là sont sortis des poissons qui ont fabriqué des arêtes osseuses.
Et de ces poissons osseux, sont apparus des animaux qui sont sortis de l'eau, les tétrapodes.
Ensuite, on arrive à la lignée humaine.
Cela veut dire que la carpe et l'humain sont restés ensemble, au moment où ils se séparaient du requin.
Cela veut dire qu'une carpe est plus proche d'un humain que d'un requin, sur le plan de la filiation et sur le plan de son ADN aujourd'hui.
On retrouve ça en regardant le génome.
Donc, l'humain est dans le buisson.
Il est une des lignées.
On peut dire qu'il a évolué morphologiquement assez vite, quand il s'est séparé des grands singes.
Il a vite acquis une grosse tête, la station debout.
Ceci dit, les bonobos vivent beaucoup debout.
Mais à part ça, il est en plein dans le buisson et on ne peut l'individualiser autrement qu'en disant que c'est nous.