Ebola
1. L’Histoire
Comme la fièvre jaune, la dengue, Marburg… Ebola fait partie de la grande famille des fièvres hémorragiques.
En 1967 à Marburg en Allemagne, des chercheurs travaillent sur des cellules rénales de singes en provenance d’Ouganda… Trente et un laborantins sont contaminés par un mystérieux virus. Sept d'entre eux trouvent la mort.
Le virus dit de Marburg se fait oublier une dizaine d'années pour resurgir en 1975 et tuer un voyageur Australien en provenance du Zimbabwe.
L'année suivante, en 1976, une religieuse belge tombe malade à Yambuku, au Zaïre, actuelle République démocratique du Congo. Un échantillon de son sang est envoyé dans un laboratoire d'Anvers, transporté par un voyageur... dans un simple thermos. Les chercheurs qui manipulent l'échantillon sans protection, découvrent un virus géant qui ressemble à un ver, proche du virus de Marburg. L'Organisation mondiale de la santé demande de cesser toute recherche sur ce virus extrêmement dangereux. Mais à la demande des autorités belges, l'un des membres de l'équipe d'Anvers, Peter Piot, se rend à Yambuku. Il remarque que dans leur hôpital les religieuses se servent de la même seringue pour plusieurs personnes. Il constate aussi que ceux qui participent aux rites funéraires de ces morts mystérieux tombent malades à leur tour. Lors de cette épidémie, 318 personnes sont contaminées et 280 meurent dans les villages de la région.
Le virus inconnu est baptisé du nom d'une rivière des environs, Ebola.
La même année, une autre souche du virus Ebola frappe le Soudan: 284 morts.
En 1995, à Kikwit au Zaïre, 254 morts.
Puis la maladie disparaît pour resurgir, au début du XXIème siècle en Afrique centrale, en RDC, au Gabon et au Congo Brazzaville. Les épidémies restent limitées à de petits foyers.
Jusqu'en 2014, où une épidémie d'une ampleur inconnue, partie de Guinée Forestière, gagne en quelques mois les capitales de Guinée Conakry, du Libéria et du Sierra Leone...
2. La géographie
En 1976, le virus Ebola apparaît pour la première fois au Zaïre, devenu depuis « République Démocratique du Congo ».
Le « Zaïre » d’autrefois donnera son nom à l’une des souches les plus virulentes du virus. La souche Zaïre tue entre 30 et 90% des malades. Depuis presque quarante ans, 25 épidémies de fièvre Ebola ont touché l’Afrique. Aujourd’hui, on estime que le virus circule en permanence dans la forêt équatoriale. Presque chaque année, des cas de fièvres hémorragiques se déclarent dans des villages isolés dans le centre de l’Afrique, au Congo, en Ouganda, au Soudan et au Gabon.
En mars 2014, Ebola apparaît en dans la zone forestière de Guinée. L’épidémie se propage très rapidement en Sierra Leone, en Guinée et au Liberia. En mars 2015, Ebola tue plus de 10.000 personnes sur près de 25.000 malades.
Cette dernière épidémie est bien plus meurtrière que toutes les autres épidémies réunies.
En juillet 2014, une nouvelle épidémie d’Ebola se déclare dans la forêt équatoriale au Nord de la République Démocratique du Congo. Sans rapport avec celle qui sévit en Afrique de l’Ouest, elle est endiguée en moins de deux mois.
Depuis le début de l'épidémie, une poignée de malades rapatriés d’Afrique de l’Ouest sont soignés hors du continent africain. Sur 6 malades soignés sur le sol américain, cinq en réchappent. En Espagne deux missionnaires rapatriés meurent et contaminent leur aide-soignante, qui survit. En Allemagne, on guérit deux malades; en Norvège, une; en France, deux. Dans la majorité des cas, les médecins ont pu guérir ces rapatriés grâce à des traitements expérimentaux.
Les trois pays les plus touchés par Ebola font partie des quatorze nations les plus pauvres de la planète. La Guinée a un médecin pour 10 000 habitants, le Liberia 1,4 et la Sierra Leone deux. Dans ces trois pays, une personne infectée sur 10 fait partie du personnel soignant. L’épidémie a logiquement mis à mal les systèmes de santé.
Même si mouvements et densité de population urbaine peuvent expliquer l’ampleur de l’épidémie actuelle, les scientifiques ont encore beaucoup de questions sans réponse .
3. Le corps
Machupo, Lassa, Junin, Crimée-Congo, Ebola, Marbourg : autant de noms de fièvres hémorragiques que de virus.
Ebola et Marburg appartiennent à la même famille de virus, les filoviridae : des filaments allongés aux formes parfois étranges. On les dit de classe 4. Classe 4 qui regroupe les micro-organismes les plus mortels au monde que l’on manipule sous haute protection. Micro-organismes contre lesquels il n’existe encore ni vaccin, ni traitement.
Comme pour d’autres virus, certains animaux sont porteurs d’Ebola. Les preuves ne sont pas définitives, mais il semble que le virus se réplique très lentement dans certains organes de chauves-souris.
On pense que les chauves-souris contaminent d’abord des singes, chimpanzés et gorilles qui chassés pour leur viande, contaminent les hommes à leur tour. Une transmission directe de la chauve-souris à l’homme est également possible au moment du dépeçage. Mais pour l’épidémie actuelle, aucune preuve scientifique n’a encore confirmé que ces « viandes de brousse » soient à l’origine de la contamination.
Le virus, présent dans le sang ou les sécrétions corporelles de la personne infectée se propage par contact direct. Pour être contaminé, il suffit que les liquides infectés pénètrent la barrière de la peau par les muqueuses ou une plaie ouverte.
Une fois dans le sang, le virus attaque nos cellules immunitaires. Il bloque la libération d'interféron, une protéine qui aide à lutter contre l’envahisseur. Le virus se sert des cellules immunitaires désactivées comme moyen de transport pour contaminer des organes comme le foie, le thymus et la rate.
En parallèle, les cellules immunitaires envahies libèrent des protéines qui créent des petits caillots de sang ; caillots qui bloquent le flux sanguin vers les organes vitaux. Privé d’oxygène, l’organe vital se nécrose et des hémorragies internes ou externes se déclenchent.
Quelques jours après l’infection, le malade présente ses premiers symptômes (douleurs musculaires, migraines, mal de gorge). Puis viennent vomissements, diarrhées, éruption cutanée…et pour certains, des hémorragies internes et externes, des gencives qui saignent ou des selles sanglantes. Dans 25 à 90% des cas, l'effondrement de la pression sanguine et la défaillance de nombreux organes entraineront la mort.
4. Les soins
Un malade « Ebola » n’est contagieux qu’à partir du moment où il présente des symptômes. Plus l'infection progresse, plus elle risque de transmettre le virus... Les corps des personnes décédées d'Ebola sont extrêmement dangereux, en particulier quand la famille les manipule pour les rites funéraires.
Dès l’apparition des symptômes de la maladie, un test diagnostique s’impose. On utilise la PCR, technique qui amplifie le matériel génétique d’un éventuel agent infectieux. Le virus est détectable entre deux et dix jours après l’apparition des symptômes.
Le virus ne résiste ni au soleil, ni au vent, ni au chlore ni au savon.
Les mesures d’hygiènes (la suspension des rites funéraires, l’isolement des malades, la désinfection de leurs effets personnels...) suffisent généralement à endiguer l’épidémie.
PERSONNEL MÉDICAL EN DANGER (Synthé)
Les soignants sont en première ligne. En plus des mesures d’hygiène universelles, ils doivent revêtir tout un arsenal de défense: combinaison isolante, tablier, masque, cagoule, lunettes, gants. C’est lorsque le soignant ôte ses protections que le risque de se contaminer est le plus grand.
Il n’existe pas encore de traitement ni de vaccin contre Ebola. Les médecins doivent se contenter de réhydrater leurs patients voire de transfuser leurs malades et de prescrire antibiotiques et antidouleurs.
BEATRICE (Synthé)
J’avais très peur parce que mes deux fils sont morts dans le centre de soins.
Quand ensuite j’ai été conduite à mon tour au centre … j’étais terrorisée.
J’étais enseignante. Une de mes angoisses, avant de retourner en classe, était de retourner au centre Ebola et de vivre ensuite la stigmatisation des gens.
J’avais peur que les parents d’élèves se plaignent que quelqu’un sortant du centre Ebola, enseigne à leurs enfants.
Beaucoup de gens n’auraient plus envoyé leurs enfants à l’école. Alors pour éviter tout ça, j’ai décidé de rester seule, à la maison.
Confrontée à la virulence de l'épidémie, l'O M S a autorisé 2 stratégies d’urgence : l’usage, sur place, des cocktails de médicaments dont avaient bénéficié les occidentaux infectés en Afrique de l’Ouest et l’utilisation de huit traitements expérimentaux.
5. Le futur
Pr Rodolphe Thiébaut, Inserm
La particularité d’Ebola, la première, c’est que c’est la première fois qu’on doit aller aussi vite en termes de développement de vaccins, quelque chose qui prend plusieurs années on nous demande de faire ça presque en quelques mois.
On est parti finalement de données chez l’animal, et on a accéléré le développement et on est entrain de faire tout ces essais cliniques actuellement. L’autre particularité c’est qu’on a démarré avec trois prétendants vaccins potentiels qui existaient, proposés par trois compagnies pharmaceutiques différentes, et en fait, ces développements se font actuellement en partenariat entre les industries pharmaceutiques et des académiques comme nous, par exemple, à l’Inserm.
Un certain nombre de vaccins, en particulier celui que nous développons nous même en partenariat avec un industriel à l’Inserm, c’est un vaccin dans lequel on peut retrouver d’autres éléments que le virus Ebola, d’autres virus de fièvres hémorragiques, notamment Marburg, par exemple et donc ce que l’on peut espérer c’est que le développement de ces vaccins là puissent à la fois prévenir Ebola mais aussi d’autres virus.
Il y a bien sur, qu’est ce que l’on fait par rapport aux patients qui sont infectés par Ebola, comment on peut aider à les guérir et à augmenter leurs chances de survie puisqu’au départ c’est un virus qui est extrêmement mortel.
Une de ces stratégies est d’utiliser un traitement antiviral. Un traitement antiviral qui en fait a été évalué par des collègues de l’Inserm, dans le cadre d’un essai clinique qu’ils ont mis en œuvre en Guinée, chez des patients qui donc contractaient la maladie.
On en est pas à une réponse immédiate, absolue que oui, ce traitement est efficace mais on a des éléments pour penser que 1) il n’est pas mal toléré, il ne fait pas de mal par lui-même et il aurait des chances de véritablement aider à la guérison des patients. Le premier essai est terminé, il a été arrêté, les résultats ont été présentés en conférence internationale et maintenant on en est dans l’évaluation de nouvelles stratégies de traitement avec cet antiviral mais aussi d’autres approches tel que des anticorps que l’on va utiliser pour le traitement de la maladie.