En France, les plans blancs se multiplient dans les hôpitaux. En cause, l’épidémie de grippe, entraînant un nombre particulièrement élevé d'hospitalisations. Alors pourquoi ce virus de l’hiver est-il si redoutable en ce début d’année ?
Dr Benjamin Davido
Infectiologue - Hôpital Raymond Poicaré de Garches - AP-HP
La grippe de cette année, en réalité, elle est d'une intensité extraordinaire, s'il fallait la qualifier. Pourquoi? Parce que quand on regarde dans le rétroviseur, avant la pandémie, de 2015 à 2020, on a jamais atteint, notamment en ambulatoire, une quantité de tests positifs à ce niveau là. La particularité cette année, c'est qu'on a trois types de souches qui circulent en même temps. On a la grippe H1N1, la grippe H3N2, qui donne des formes particulièrement sévères chez les personnes âgées, et on a aussi pour le reste de la grippe B. Et normalement dans les saisons de grippe, on a plutôt un étalement de ces différents variants, de ces différents types de grippe tout au long de la saison. Et là, on commence avec une forme très sévère, très importante, avec un nombre important de cas. Et malheureusement, ce qu'on observe, c'est une résurgence de ces souches de H1N1 qui créent des formes symptomatiques, y compris chez des enfants jeunes. On sait qu'il y a un tiers des personnes hospitalisées qui ont moins de 65 ans et pas forcément de maladie générale, et que la grippe, elle, a cette particularité, qu'elle peut se surinfecter. Et c'est ça qui est piégeux parce qu'on peut se retrouver avec une forme très grave chez quelqu'un de très jeune, sans comorbidité.
En cause, un nombre insuffisant de personnes vaccinées. En 2023, par exemple, la France était classée seulement 25e parmi les pays de l’OCDE pour la vaccination contre la grippe.
Aujourd'hui, malheureusement, on voit que, après cinq ans de pandémie de Covid-19, on a peu de gens qui poursuivent la vaccination. D'une manière générale, on n'a pas réussi à arriver aux objectifs de vaccination des personnes à risque fixés par l'OMS, qui est de plus de 75 %. On est plutôt autour de 55 % dans les personnes à risque. Et on sait malheureusement que lorsqu'on n'est pas vacciné, on a plus de risque de se retrouver en service d'hospitalisation, voire de réanimation. Pourquoi? Je pense qu'il y a plein d'éléments. D'abord, il y a le rappel à la piqûre, d’une façon générale. Finalement, les gens qui ont le plus la meilleure indication à cette vaccination grippale, notamment les plus 65 ans, sont également éligibles à d'autres vaccins. Le vaccin de la Covid-19, le vaccin des infections respiratoires par exemple, plus récemment celui du virus de la bronchiolite et donc finalement la multiplication de ces vaccins, la multiplication également des rappels avec les épidémies qu'on a vécues, y compris de la coqueluche, fait qu'il y a un ras le bol vaccinal. Probablement aussi une dilution de l'information qui fait qu'on est plus dans une attitude où on se dit on attend qu'il y ait des premiers cas pour se vacciner et pas une attitude de prévention, ce qui est le propre de la vaccination. Il est toujours recommandé à ce stade de l'épidémie de se faire vacciner pour plusieurs raisons. La première, d'abord, c'est qu'on ne sait pas quand est ce que l'épidémie va s'arrêter et que, quand bien même le pic arriverait demain, à la date où vous voyez cette vidéo, et bien il va falloir redescendre de ce pic épidémique pour arriver jusqu'à un nombre de cas proche de zéro. Plus on est monté haut, et aujourd'hui on est monté extrêmement haut, donc ça va prendre beaucoup de temps. Et à l'extrême, si on se veut pessimiste, ça peut aller jusqu'au 31 mars. Et donc on voit bien que 2025, on voit bien qu'on a encore le temps de se vacciner.
Depuis 2023, la Haute Autorité de santé recommande même le vaccin pour les enfants de 2 à 17 ans sans comorbidité.
Quand on est jeune, on a tout à fait le droit de se faire vacciner. Après, le vaccin ne sera pas pris en charge à 100 %, C'est la seule limite, contrairement à celle de la Covid-19. Et donc il faut finalement encourager, dans une stratégie qu'on pourrait presque caractériser de cocooning, c'est à dire d'entourage. Tout le monde connaît quelqu'un qui a des maladies générales, que ce soit des parents, des gens plus âgés par définition. Et donc il y a un bénéfice également collectif. Pourquoi? Parce qu'au-delà de l'efficacité vaccinale qui reste modeste face à la protection du risque d'infection symptomatique, donc totalement pour des gens jeunes. Si on divise par deux cette probabilité, on va diviser par deux la circulation du virus. Sans dire dans un monde idéal où tout le monde serait vacciné. Mais ça, c'est un but sur la circulation et sur la transmission.
Et à l’avenir, de nouveaux vaccins pourraient voir le jour, permettant de combattre plusieurs virus à la fois.
Il y a d'autres pistes intéressantes. Peut être pas pour la saison tout de suite, mais dans les années à venir, qui sont à la fois des vaccins combinés. Ça veut dire quoi? Ça veut dire des vaccins où avec une seule injection on peut faire la grippe, le covid par exemple, et autre chose. C’est pas de la science fiction, c'est tout à fait faisable, notamment grâce à l'ARN messager, et ça permettra évidemment d'augmenter l'adhésion vaccinale et même de simplifier le calendrier vaccinal. Plutôt que d'avoir deux rendez vous par exemple, et bien vous aurez une seule injection qui vous protège et donc artificiellement ou réellement, ça permettra d'augmenter l'adhésion vaccinale et peut être de réduire l'hésitation vaccinale.