Les tiques représentent le premier vecteur de maladies pour les animaux, et le deuxième pour les humains. La plus connue, la maladie de Lyme, est causée par une bactérie, Borrelia, portée et transmise par les tiques. Malgré de nombreuses recherches à l’heure actuelle, aucun vaccin contre cette maladie n’est disponible. Si les laboratoires Moderna et Pfizer/Valneva mènent des essais cliniques sur des vaccins ciblant la bactérie, l’INRAE en collaboration avec l’Anses et l’École nationale vétérinaire d’Alfort, ont une tout autre approche. Leur vaccin dit anti-microbiote, vise directement la tique et plus précisément son microbiote en l’empêchant de transmettre la bactérie Borrelia. Explications
- Quel est le principe du vaccin ?
Il s’agit d’un nouveau domaine de recherche qui a été développé par notre groupe pour la première fois au monde dans les années 2020. Le concept rompt avec les concepts classiques de la vaccination qui viennent de Louis Pasteur et de Jenner.L’intention n’est pas de développer une réponse spécifique contre un pathogène, mais de développer une réponse spécifique contre le microbiote du vecteur.Le vaccin est composé d’une bactérie à l’intérieur du vecteur. Nous vaccinons donc avec cette bactérie. Nous développons une réponse à base d’anticorps contre cette bactérie. Ainsi, le vecteur hématophage aspire le sang du patient et les anticorps contre la bactérie de son microbiote.Ces anticorps tuent les bactéries du microbiote, modulent le microbiote du vecteur et empêchent le pathogène transmis par le vecteur de se développer. Le concept est innovant. Ce que nous avons démontré, c’est que ce concept est valable pour prévenir des maladies aussi importantes que la maladie de Lyme.
- Quelles sont les étapes de l’expérience ?
La première partie de cette expérience consiste à identifier la bactérie que nous allons utiliser pour fabriquer le vaccin.La bactérie Escherichia est plus importante que d’autres bactéries dans le microbiote de la tique et en utilisant Escherichia coli, nous induisons des anticorps contre l’Escherichia qui se trouve à l’intérieur de la tique (…) des anticorps qui tuent les bactéries Escherichia qui se trouvent à l’intérieur de la tique et qui sont importantes pour son développement, pour la stabilité de la communauté microbienne à l'intérieur de la tique.Dans un deuxième temps, on sélectionne les bactéries, on immunise les animaux : les hôtes peuvent être des animaux pour l’expérimentation ou des humains à l’avenir, c’est-à-dire une immunisation où l’on induit des anticorps contre cette bactérie spécifique, puis on place des vecteurs qui se nourrissent de ces animaux, soit des tiques, soit des moustiques ou un autre vecteur, afin qu’ils acquièrent ces anticorps.En même temps, dans le modèle que nous utilisons, les animaux sont donc infectés par le modèle pathogène que nous étudions et les vecteurs acquièrent des anticorps contre les bactéries de leur microbiote et le pathogène. Ensuite, nous prenons le vecteur et nous mesurons et quantifions les quantités de pathogène dans le vecteur.Voilà donc les trois phases importantes.
- À quand un vaccin pour l’Homme ?
Cela peut prendre de cinq à dix ans. Nous pensons que l’application la plus précoce peut être chez les animaux et les animaux de compagnie, et même plus tôt chez les animaux de production, parce que les vecteurs, par exemple, en particulier les tiques, transmettent des maladies très importantes aux animaux., comme la babésiose, la téléose, l’anaplasmose. Dans ce secteur particulier des animaux, nous pourrions mettre en œuvre un vaccin anti-microbiote qui réduirait la transmission de l’agent pathogène dans les élevages. Cela permettrait de valider le concept et sa sécurité et pourrait servir de base pour le présenter comme une stratégie de vaccination chez l’humain.Je pense que l’approche peut être utilisée, mais nous aurons besoin de temps et de plus de recherches pour l’utiliser chez l’humain.
La tique n’est pas le seul vecteur de maladie. Le moustique en transmet également un grand nombre comme la dengue, Zika, ou le paludisme. Une expérience récente de l’équipe sur des moustiques vecteurs du plasmodium a également confirmé le concept du vaccin anti-microbiote. Il pourrait alors représenter dans le futur une opportunité pour développer des vaccins efficaces contre tous les pathogènes à transmission vectorielle.