AU TABLEAU ! François Michel
Salzbourg, en Autriche, Salins-les-Bains, Lons-le-Saunier, j'insiste sur les mots, villes du sel. Il y en a beaucoup d'autres bien sûr, en Pologne, en Suisse, dans le sud de l'Allemagne, en particulier. Pourquoi des villes du sel ? Ben, parce qu'on y exploite le sel. Où se situe ce sel ? Quelle est l'origine de ce sel ? Comment cette roche s'est-elle déposée ? Et puis à quelle époque ? C'est ce que je vais essayer de – ce à quoi je vais essayer de répondre maintenant. Voilà. Alors si, eh bien on fait une petite coupe pour se dire où on se situe en profondeur dans la terre. Puisqu'ici il ne s'agit pas d'un paysage à la surface mais de couches en profondeur. Eh bien, on peut représenter ça de cette façon, un certain nombre comme ça de couches qui sont différentes les unes des autres, pouvant être les unes, du calcaire, les autres de l'argile, d'autres encore des couches de grès. Pour accéder comme ceci, eh bien, en profondeur, à une couche que je vais représenter ici en rouge et qui est la couche de sel gemme. Alors qu'est-ce que c'est que du sel gemme ? Eh bien, le sel gemme c'est le même que le sel de la mer, mais sous la terre. C'est-à-dire que sa formule chimique, eh bien, c'est du chlorure de sodium, NaCl. C'est du sel qui est consommable à condition d'y rajouter un petit peu d'iode pour notre santé, et qu'on exploite toujours en France à Varangéville, donc, dans la banlieue de Nancy – tout près de Nancy. Alors bien sûr, pour l'exploiter il faut aller le chercher en profondeur, c'est pour ça qu'on parle de mine de sel, où on va, avec des galeries, descendre en profondeur pour retrouver la roche et l'exploiter. On peut même sur ce schéma aller plus loin puisque, par exemple, à Varangéville en Lorraine, eh bien, on exploite la couche comme ceci après latéralement, et puis on remonte. Dans beaucoup d'autres cas on envoyait de l'eau aussi, pour dissoudre le sel, créer la saumure, récupérer la saumure, évaporer l'eau et récupérer le sel. Et le mot évaporer n'est pas sans importance puisqu'on va en reparler pour l'origine de la roche. Alors mettons-nous sur une petite carte pour comprendre, eh bien, un petit peu comment ce phénomène ou ces phénomènes ont pu se passer. Donc nous sommes ici en Europe. Pour localiser le nord de l'Europe, voilà donc la France, l'Angleterre. Nous sommes il y a un peu plus de 200 millions d'années en arrière, à une époque qu'on appelle le Trias. Pourquoi Trias ? Parce qu'elle est divisée en trois grandes époques importantes. D'où la raison de ce nom. Et puis, eh bien, du sel. Donc du sel en Lorraine, du sel dans le Juras, salins à Lons, du sel dans les Alpes, du sel en Suisse, du sel en Bavière, du sel en Pologne, du sel en Autriche. À cette époque-là, quel est le contexte de l'Europe ? Eh bien, l'Europe sort d'un grand événement. Pas seulement l'Europe mais toute la Pangée, tous les continents étaient regroupés 100 millions d'années auparavant, tout ça était avec des reliefs importants, tout a été usé. Et nous sommes à un tournant de l'histoire de la Terre. Ce tournant c'est qu'ici il y a un océan, quelque part pas très différent dans sa localisation de l'Océan Indien, mais qui va pénétrer, qui va s'ouvrir et qui va gagner du terrain et qui va progressivement séparer l'Europe de l'Afrique, donc casser, couper le continent Pangée en plusieurs morceaux. Et puis, eh bien, cet océan – non pas l'océan mais les eaux de l'océan vont venir submerger progressivement le continent. Parce que les niveaux marins montent, parce que les continents s'usent et s'affaissent. Et progressivement, on parle de transgression, la mer va gagner du terrain et va envahir, eh bien, progressivement tout l'espace européen actuel. Mais ça va pas se passer d'une seule façon comme ça d'un seul coup. Ça va naître de façon progressive avec des allers-retours de la mer. D'où la raison de ces flèches en recul. Et la mer vient, la mer s'en va, la mer vient, la mer s'en va, le faisant localement, à des périodes différentes, eh bien, laissant sur place de grandes lagunes, plus ou moins reliées avec la mer, plus ou moins séparées de la mer en fonction des époques. Alors maintenant, pour comprendre ce phénomène, il est plus intéressant de passer en coupe et de voir comment peut fonctionner ce type de lagune aujourd'hui encore, et comment fonctionnait ce type de lagunes hier, il y a plus de 200 millions d'années au Trias. Eh bien, sur une coupe on peut montrer de cette façon un relief, une île par exemple, puis une zone lagunaire, et puis un haut-fond, et puis des zones plus ou moins profondes. Et puis tracer comme ceci, eh bien, un niveau marin de cette façon. Alors de temps en temps, la mer envahit et le niveau est plus haut, de temps en temps régression (et non pas transgression) et le niveau marin est plus bas. Quand le niveau marin est plus bas, qu'est-ce qui va prédominer ? Eh bien, bien sûr, c'est l'évaporation. Donc je vais représenter le phénomène d'évaporation par des flèches comme ceci. On va mettre un petit soleil pour favoriser l'évaporation. Et de façon complémentaire, conséquence de cette évaporation, eh bien, progressivement vont se déposer au fond, eh bien des épaisseurs de sel, et puis aussi, en fonction des contextes, les épaisseurs d'une autre roche, qui provient aussi d'un phénomène d'évaporation et qu'on appelle le gypse, qui n'est pas du chlorure de sodium mais du sulfate de calcium. C'est ainsi, donc, comme cela se passe dans un marais salant aujourd'hui à petite échelle, on a ici à très grande échelle, dans d'immenses espaces – espaces, pardon – lagunaires, plus ou moins en relation, plus ou moins fermés, plus ou moins séparés de la mer, eh bien, des dépôts de couches de sel importants à cette époque du Trias. Et si on a pu faire le schéma et si on retrouve ces roches comme on l'a fait au début tout à l'heure de cette conversation, en profondeur, c'est que par la suite, au dessus de ces couches de sel, sont venues se déposer d'autres couches qui protègent ce sel naturellement de la dissolution et qui l'ont conservé jusqu'à nos jours. Jours où on peut toujours les exploiter, même si