Bioplastique : solution partielle à une pollution globale Un plastique soutenable ? Drôle de promesse… pourtant réalisable. Si presque tous les plastiques proviennent du pétrole, ici dans cette unité de recherche à Lorient, la chercheuse Carole Lainé en produit à partir du vivant. "On utilise une bactérie marine. Ici, c'est une bactérie qui a été trouvée en mer d'Iroise, près de Brest. En une nuit, dans un incubateur, elle a grossi. Et puis, à un moment, elle n'avait plus assez à manger. Donc elle avait une carence et elle s'est mise à produire du PHA dans ces cellules. Parce que pour la bactérie, le PHA, ce plastique, c'est son stock d'énergie. C’est son gras." Un précieux gras récupéré à la pipette… Dedans de grosses molécules à la structure répétitive nommées polymères, ce sont elles qui structurent les plastiques. Et plus ce liquide est visqueux plus il en regorge… Après séchage, ce gras de bactérie se fige en un film plastique aux propriétés modulables. "Selon ce qu'on donne à manger à la bactérie, et ce qu'on ne lui donne pas à manger. On obtient des PHA différents des totalement transparents, totalement opaques, du cassant, du plus flexible." L'enjeu, c'est de comprendre et d'étudier ce couple bactérie/substrat pour maîtriser le plastique obtenu à la fin. Or pour que le plastique soit vraiment bio, le sucre consommé par ces bactéries doit aussi être vertueux pour environnement. "La nouveauté du projet européen Nénu2phar, sur lequel je travaille, c'est d'utiliser des algues comme substrat et donc on n'utiliserait pas les terres arables pour ne pas rentrer donc en compétition avec l'agro-alimentaire pour produire ce sucre qui est utile à la production, donc du polymère PHA." Un plastique à 100 % d’origine naturelle et ici biodégradable… mais est-il exploitable ? Direction la salle des tests mécaniques pour une mesure d’élasticité… ici Carole Lainé place un échantillon de son bioplastique dans cet étau. Les capteurs vont mesurer sa résistance à la déformation… « ça ne s’allonge pas des masses ! / On voit la rupture, il n’y a pas eu beaucoup de déformation. » Un résultat peu surprenant. "Notre PHA, tout seul, ça ne va pas donner grand-chose. Il faut le formuler, mettre différents additifs. Des anti-UV si l'objet va aller dehors. Bien sûr des pigments si on veut avoir des plastiques colorés" Modifier la structure des polymères n’est parfois pas suffisant. "Nous, on travaille aussi beaucoup sur des charges, alors les charges c'est un petit peu des renforts qui sont ajoutés au plastique. Ça peut être sous forme de poudre ou sous forme de fibre. Ça coûte moins cher que du plastique ça va souvent le rendre peut-être moins cassant, un peu plus flexibles." Ici les matériaux choisis pour être mélangés aux polymères sont aussi d’origine naturelle et facilement biodégradable… cela permet de certifier un bioplastique vertueux… ce qui n’est pas forcément le cas de tous les bioplastiques. "Bioplastique, c'est vraiment le terme le plus confus, parce qu'en fait, il peut désigner à la fois un plastique biosourcé et/ou biodégradable. On peut trouver des bioplastiques qui sont biosourcés mais sans être biodégradables… On peut trouver des bioplastiques qui sont biodégradables mais sans être biosourcés, c'est à dire obtenus à partir de ressources pétrochimiques. Et on trouve une troisième catégorie qui, pour moi, est un petit peu le must de cette famille-là. C'est à dire des plastiques qui vont être à la fois biosourcés et biodégradables." Des plastiques environnementalement vertueux mais qui présentent quelques limites. Ils sont souvent mélangés à du plastique conventionnel comme dans les sacs de fruits et légumes. Si certains se dégradent dans un composte domestique, d’autres nécessitent des conditions élevées d’humidité et de température. Pourtant cette alternative au pétrole reste marginale. "La technologie est là incontestablement. Le frein sur les plastiques biosourcés, ça reste effectivement les capacités de production, les rendements et les coûts associés. On est sur une industrie, sur une filière qui est relativement jeune, en fait à peine une dizaine d'années. Donc forcément, on a des coûts qui sont liés aux investissements initiaux. On a des coûts de fonctionnement qui sont élevés, on a des parts de marché aujourd'hui qui sont plutôt assez restreintes et donc forcément tout ça est cher." Un plastique classique coûte jusqu’à cinq fois moins cher… mais présente une ardoise environnementale salée. En 2019, la production et l’incinération du plastique au niveau mondiale ont rejeté 850 millions de tonnes de gaz à effet de serre, soit davantage que les émissions annuelles réunies de l’Allemagne et la Belgique. Alors, Stéphane Bruzaud estime que ces bioplastiques-là ont une place à prendre. "Oui, des plastiques biodégradables ont leur place en alternative des plastiques utilisés jusqu'alors, notamment des applications qui pourront néanmoins conduire à une collecte de ces plastiques-là pour pouvoir le composter via des filières de compostage industriel ou de compostage domestique. Mais il y a aussi toutes les utilisations au contact direct de l'environnement. Ça peut être le secteur de la pêche, le secteur de l'ostréiculture, de l'agriculture, le secteur du textile où chaque cycle de machines à laver rejette des milliers de fibres textiles dans les eaux usées." En France, l’obligation de collecter les biodéchets, dont les bioplastiques, est prévue en 2024… et celle pour les machines à laver neuve de retenir les microplastiques, en 2025. Des efforts qui devront se conjuguer avec la nécessité de réduire drastiquement notre consommation de plastique…qu’il soit bio ou non.