Je suis Valérie Chansigaud, je suis historienne des sciences et de l'environnement et j'aimerais vous parler de la bizarrerie que j'ai pu rencontrer dans mes recherches. La bizarrerie en question c'est que je me suis intéressée depuis très longtemps, à ce qui est moche, ce qui est laid, ce qui n'intéresse pas. Quand on s'intéresse à l'histoire de l'histoire naturelle, l'histoire de la zoologie, de la botanique. Certains organismes sont très valorisés parce qu'ils sont jugés beaux, utiles, d'autres le sont bien moins parce qu'ils sont jugés nuisibles, mais la plupart des êtres vivants ne sont absolument pas étudiés parce qu'ils ne suscitent absolument aucun intérêt, car les scientifiques comme le grand public ont des têtes d'affiche qu'ils aiment beaucoup et au contraire des espèces qui sont totalement délaissées et on est incapable aujourd'hui ou pratiquement incapable d'imaginer par exemple la protection des espèces parasites parce qu'on dispose de trop peu de connaissances de pas assez de connaissances pour savoir comment écologiquement protéger ces espèces alors qu'elles sont essentielles dans le fonctionnement du monde vivant. Certains parasitologues estiment qu'un animal sur deux est parasite, au moins durant une période de sa vie et que 75% des relations trophiques les relations trophiques, c'est qui mange qui, implique un parasite. On voit ça absolument omniprésent sauf que dans les politiques de protection de la nature il n'y a jamais de parasites. Dans le cas de la plupart des insectes, on ne dispose que d'un nom et d'un spécimen, parfois deux ou trois conservés dans un museum. Donc les connaissances réelles sur la biologie ou l'écologie de la quasi totalité des espèces, de 90% des espèces est largement inexistante et c'est ça un petit peu le but que je recherche c'est d'essayer de comprendre quel est le dynamisme qu'il y a dans la construction des sciences car les sciences c'est pas simplement que d'étudier le réel, c'est étudier le réel à travers en fait la grille que l'on a des préjugés. C'est pas forcément étudier le monde réel tel qu'il est mais aussi tel qu'on l'imagine et du coup s'intéresser à ce qui est mis de côté permet de renouveler le stock de questions que l'on a quand on interroge la pratique des scientifiques. L'une de mes propres bizarreries, c'est d'avoir le plus grand mal à trouver un animal moche. Je trouve que le monde naturel est absolument merveilleux, et je suis béate d'admiration devant n'importe quelle créature même celle qui paraît le plus infâme au regard d'autrui. Donc ça c'est ma propre bizarrerie qui explique la bizarrerie de mes recherches.
Réalisation :
Caroline Ando , Barbara Vignaux
Production :
Universcience
Année de production :
2019
Durée :
3min06
Accessibilité :
sous-titres français