Ces petites bêtes, vous les connaissez forcément. Elles ont envahi tous les médias depuis quelques temps. Ce sont les punaises de lit. Que ce soit Paris, Marseille, Nice ou d'autres grandes villes. Dans des hôtels, des transports en commun ou des salles de cinéma, tous subissent depuis quelques années la réapparition de cette terrible nuisible. Fléau disparu de l'Héxagone depuis près de 70 ans, les punaises de lit font-elles leur grand come-back ? Pour le savoir, rendez-vous à Parasitec, le salon annuel des biotechnologies de contrôle des espèces nuisibles parasites, pour rencontrer deux entomologues de l'INELP, un organisme réunissant des chercheurs et des professionnels du secteur, spécialistes de ces petits cousins du vampire.
- La punaise de lit ou "cimex lectularius" effectivement le nom latin. C'est un parasite de l'Homme. Un des rares parasites de l'Homme puisque on n'en a pas beaucoup. On a le pou, de corps, de tête le pou pubis, la galle et la punaise de lit.
- Quand on dit punaises de lit, ça représente deux insectes. Un premier insecte qui s'appelle "cimex lectularius" qui est l'insecte plutôt en zone tempérée. Et sa grande cousine qui est "cimex hemipterus" qui est plutôt en zone tropicale. Elle serait d'origine plutôt de la chauve-souris. On parle en dizaines, voire centaines de milliers d'années. On cohabite avec elles et les chauves-souris nous les auraient transmises. Il existe encore des très rares foyers de chauves-souris en Europe de l'Est qui ont la vraie espèce "punaise de lit". Elle s'est adaptée à nous et elle a perdu plein de capacités parce que ce n'est pas trop dur de nous détecter. Il faut du gaz carbonique, de la chaleur et de l'odeur. Elle a centré toute son odeur, tout son gaz carbonique sur nous. Contrairement aux autres punaises qui doivent détecter plein de choses dans la nature, elle s'est super spécialisée sur nous, les Hommes. Le monde des punaises ou des hétéroptères est très vaste. On en compte pas moins de 45 000 espèces qui en majorité, piquent les plantes. On parle alors de phytophage ou les insectes, les insectivores. Il n'en existe finalement que deux attirées par l'Homme.
- C'est un insecte hématophage qui va se nourrir de sang exclusivement dès qu'il va sortir de l'œuf. On a affaire à un hétérométabole, un insecte qui ressemble déjà à l'adulte lorsqu'il sort de l'œuf. Il va se nourrir de notre sang en priorité, même s'il peut un peu se sustenter sur votre chat, votre chien, etc. Comme son nom l'indique : punaise de lit, elle vit au plus proche de nous, de nos lieux de repos, le lit, le canapé, le fauteuil TV éventuellement. Fidèle compagnon de l'Homme depuis la Préhistoire, ce parasite suceur de sang a pourtant bien failli disparaître il y a 70 ans.
- Après guerre, il y a eu le DDT qui a été un formidable insecticide, très rémanent, très toxique aussi. C'est pour ça qu'il a été interdit en 1972 par l'OMS. Il y a eu des progrès dans l'hygiène. Apparition de la machine à laver, de l'aspirateur. Les conditions d'hygiène se sont améliorées et cela a certainement contribué un petit peu à la disparition de la punaise de lit. Elle était toujours là. Puisqu'il y a des scientifiques qui travaillaient dessus. On avait encore des foyers qui étaient connus, assez rares, c'est sûr. Elle est revenue dans les années 1990. À contribué beaucoup l'apparition d'internet. On voyage plus facilement. On achète plus facilement à l'étranger, etc. D'occasion aussi, le marché de l'occasion. La population mondiale a grossi aussi, il ne faut pas l'oublier. En 1950, on était 2 milliards et demi. Actuellement on est presque 8 milliards. Tout ça est très favorable à la punaise de lit et a contribué aussi à sa réapparition. Maintenant elle est effectivement bien implantée.
- Alors une fois qu'elles sont revenues chez nous, c'est un système de multiplication en mode exponentiel. Tout le monde pique papa, maman et les enfants. Quand tout le monde pique, ça monte de façon exponentielle. Pendant deux mois, vous n'allez pas voir grand chose. Au bout de deux mois, elles vont se mettre à beaucoup se multiplier. Comme ça fait maintenant près de 15 ans ou 20 ans qu'elles sont venues en France, plutôt revenues dans les années 2005-2010, ça monte... Maintenant, on est en 2023-2024 et elles sont très présentes partout.
- Je me réfère souvent à l'activité de mes collègues désinsectiseurs, des tests contrôles et des 3D et ceux qui font de la détection canine. Là, c'est net. D'après leurs chiffres, ils ont une augmentation de leur activité. Comme je le dis tout le temps, on est toujours en progression, on n'a pas encore atteint le plateau. Si on ne prend pas un petit peu les devants, on va certainement avoir encore de la progression. À l'hôpital Avicenne de Bobigny, on a bien conscience de l'importance de la recherche pour faire face à cette recrudescence des punaises de lit causée par leur résistance aux insecticides. Dans son unité dédiée. Le Dr Izri étudie ainsi depuis plus de 30 ans ce parasite.
- La recherche évolue très vite en ce qui concerne les punaises de lit. Le génome, de notre côté au laboratoire, on travaille beaucoup sur des parties du génome, des gènes de résistance, par exemple. On a démontré en France qu'il y a des mutations au niveau du gène KDR, qui confèrent la résistance des punaises de lit aux insecticides. C'est clairement démontré. On travaille également sur la phylogénie des punaises de lit. En étudiant les gènes des punaises de lit, on démontre qu'il existe plusieurs populations de punaises de lit. Il y a des punaises de lit qui sont plutôt américaines, des punaises de lit qui sont plutôt africaines, mais c'est toujours la même espèce. On avance un peu dans la connaissance. Est-ce que ça apporte quelque chose au niveau de la lutte ? Pour l'instant, pas encore. Nous travaillons également au niveau de la biologie moléculaire. Nous travaillons également sur la recherche d'agents pathogènes. C'est-à-dire de bactéries ou de champignons, potentiellement transmissibles par les punaises de lit. Pour l'instant honnêtement, les punaises de lit ne nous transmettent pas de maladie. On sait que la chaleur les tue. Nous avons travaillé le froid, la congélation à -20 pendant 2 h. Seulement 2 h, ça suffit. La chaleur : 60 degrés dans une pièce, ça tue les punaises de lit. Le lavage à 60 degrés, ça tue les punaises de lit. Le sèche-linge ! Vous mettez vos tissus dans un sèche-linge avec un bon cycle qui chauffe bien, c'est réglé. Il y a plus de punaises de lit. Est-ce qu'il y a maintenant génétiquement quelque chose qu'on peut faire pour tuer les punaises de lit ? Pas encore à ma connaissance. Pour contrer les punaises de lit, les scientifiques peuvent également se focaliser sur la lutte mécanique. Un nouvel espoir proviendrait ainsi d'une certaine catégorie de produits détachants, habituellement utilisés dans le nettoyage domestique. On est en train de faire une étude sur ce qu'on appelait vulgairement les poudres blanches pour les insectes. Ça va être la terre de diatomée, le dioxyde de silicium, le talc. Terre de Sommières, c'est quelque chose de nouveau, qui n'était pas connu. Qui est un produit qu'on utilise pour nettoyer les tâches. Une sorte d'argile pour vulgariser un petit peu, qui va avoir un pouvoir absorbant énorme comme le dioxyde de silicium. Quand vous mettez du dioxyde de silicium sur la punaise de lit ça va absorber d'abord les graisses qu'elle a en surface, mais aussi un petit peu l'hémolymphe qui la compose. Chez les insectes, les organes baignent dans du liquide. Ils n'ont pas de vaisseaux sanguins. Ce liquide on l'appelle l'hémolymphe. Cette substance à la surface de la cuticule va absorber cette hémolymphe et provoquer un assèchement très rapide de l'insecte. C'est totalement inoffensif et ça marche mieux que la terre de diatomée. La lutte contre les punaises de lit se poursuit donc avec un certain succès. Mais que l'on ne s'y trompe pas. Elle étaient déjà là à l'origine de l'Homme et semblent bien déterminées à l'accompagner, jusqu'à la fin des temps.