Bélem, Brésil, aux portes de l'Amazonie. Plus de 50 000 personnes et près de 200 pays participent en ce moment-même à la COP30, le sommet mondial sur le climat. Dix ans après l'accord de Paris, le changement climatique s'accélère et les actions pour le ralentir restent insuffisantes. Dans ce contexte, que peut-on réellement attendre de cette COP ?
– Les acteurs clés dans les COP, ce sont les pays qu'on appelle les parties. Donc il y a des délégations qui sont souvent des diplomates du ministère des Affaires étrangères, du ministère de l'Environnement, qui discutent de beaucoup de points à l'agenda dans différentes petites salles.
– Je pense que c’est vraiment important pour nous, spécifiquement l’archipel de Tuvalu qui a une population de 10 000 habitants et qui est très isolé dans l’océan Pacifique, de pouvoir venir à ces gros événements et d’avoir une voix dans les négociations. Si on n'est pas là, personne ne parlera en notre nom.
– Ça reste mine de rien le seul forum qu'on a, même s'il est imparfait, où les petites voix comptent autant que les grosses. L'autorité morale, elle est du côté des petites îles en développement, des pays les moins avancés... Et c'est eux, quelque part, qui ont une vraie légitimité pour mettre des choses à l'agenda et on n'arrive pas à avancer sans eux. Ça, je pense que c'est hyper important et on n'a pas beaucoup d'endroits dans le multilatéralisme pour ça.
– Je suis très optimiste, même si l'Histoire n’a pas toujours été de notre côté. J’espère qu’à cette COP, les pays arriveront à travailler ensemble et à soumettre une proposition commune qui nous ramènera sous le seuil des 1,5 degré.
Ce seuil emblématique défini par l'accord de Paris en 2015 est déjà dépassé. Avec les ambitions politiques actuelles, la planète se dirige vers une augmentation des températures de + 2,8° d'ici la fin du siècle. L'enjeu de la COP30 : arriver par tous les moyens possibles à inverser cette tendance.
– On veut sortir de manière juste et ordonnée des énergies fossiles. Ce qui peut arriver de mieux à cette COP-là, c'est qu'on se dise comment on va le faire. C'est-à-dire qu'on dessine le chemin avec des jalons de sortie pour le charbon, le gaz, le pétrole et des sorties différenciées. Et qu'on mette réellement les moyens financiers pour réussir à mettre en œuvre une transition qui soit juste pour tous et toutes.
– On veut vraiment que les pays développés tiennent leurs engagements en termes de financement climatiques. On regarde de près le financement pour l’adaptation, le financement pour les pertes et dommages liés aux aléas climatiques, le Fond Vert pour le Climat.
On a l'ensemble des ingrédients pour avoir quelque chose d'ambitieux. Et il va falloir s'assurer que nos politiques - et là, c'est le rôle aussi de la société civile de mettre une certaine pression sur ses décideur.euses - pour s'assurer qu'ils gardent les aspects les plus ambitieux dans la construction de leur consensus à 194. Cette année, la COP a lieu en Amazonie, un choix hautement symbolique voulu par le président Luiz Inácio Lula da Silva Au Brésil, près de 40 % des émissions de gaz à effet de serre sont liées à la déforestation. Après 3 ans de COP dans des États autoritaires où les manifestations étaient interdites, la COP30 sonne le grand retour des mobilisations citoyennes. La COP des peuples, un sommet parallèle organisé à l'université fédérale du Pará, a été inaugurée en fanfare le 12 novembre lors d'une action fluviale dans la baie de Guajará. Son but ? Proposer des solutions alternatives et dénoncer les contradictions de l'événement officiel. Cette critique n'est malheureusement pas nouvelle. En plus d'une Agrizone presque entièrement dédiée aux grands noms de l'agriculture industrielle, cette année, l'association Kick Big Polluters Out a comptabilisé dans la COP près de 1 600 lobbyistes des énergies fossiles. Un record quand on ramène ce chiffre au nombre total de participants. Je comprends que ça choque d'avoir des représentants des énergies fossiles qui participent aux COP. Une chose à souligner : c'est qu'il y a les compagnies privées multinationales qui peuvent parfois jouer un rôle plus qu'ambigu parce qu'elles prennent des engagements, et on n'a pas toujours de clarté sur la réalité de des réalisations. Mais il faut aussi voir qu'une grande partie des ressources pétrole, gaz et charbon, aujourd'hui, elles sont aux mains des États. Et dans beaucoup de cas, les compagnies nationales d'énergie sont extrêmement liées aux intérêts fossiles. Bien sûr qu'il faut trouver une manière de rassembler ces visions-là. On pense réellement que ça doit passer par une transition juste qui se construit avec les travailleur.ses, qui se construit avec les citoyen.nes et qui se construit également avec l'industrie. Mais l'industrie ne peut pas avoir plus de place dans la conversation, ne peut pas être plus écoutée puisque en face, ce sont vraiment nos vies qui sont mises en danger. L'effet d'entraînement qui a fait craindre la sortie des États-Unis de l'accord de Paris n'a pas eu lieu. 194 pays sont, encore aujourd'hui, à la table des négociations. Cependant, une question se pose. Faut-il conserver les COP ou bien changer totalement de modèle ? Le problème, c'est qu'on n'a pas de politique de conflits d'intérêts. Donc quand on parle de réforme, de changer les COP, je pense que la première chose à faire, c'est de s'assurer de la qualité des participants. Et le deuxième point extrêmement important, ce sont les aspects d'inclusion. Il faut s'assurer que la société civile du monde entier puisse être présente notamment les sociétés du Sud. Ça veut dire du financement, ça veut dire des facilitations pour les visas. Je pense aussi que ce qui pourrait rendre les COP plus efficaces, c'est de renforcer des discussions régionales où chacun pourrait être invité et où on aurait des discussions peut-être plus concrètes parce qu'on parle de projets de coopération pour développer l'électrification au niveau régional, pour développer des technologies propres qui sont adaptées aux conditions météorologiques locales. En fait, on voit que toute l'activité qu'il y a dans le off des COP où sont les entreprises, les ONG, les scientifiques, c'est une chose que l'on pourrait répliquer à plus petite échelle avec un bilan carbone un peu moins important dans différentes régions du monde et avec peut-être encore plus d'impact. Donc moi, j'aimerais bien que ce genre de chose se généralise.