Comme chaque été, des incendies se sont déclarés partout à travers l’hémisphère nord. Et comme chaque été, ils se distinguent par leur violence et leur intensité. En cause : des périodes de sécheresse prolongées, liées au réchauffement climatique, qui leur fournit le carburant nécessaire pour s’étendre dans des proportions toujours plus inquiétantes. Face à ce risque accru, la compréhension et la prévention des incendies sont plus capitales que jamais. Et pour guider pompiers, forestiers, politiques... c’est la science qui est sollicitée.
- Les incendies sont une problématique qui est traitée dans le domaine scientifique depuis au moins les années 1940. Elle est abordée sous divers angles, que ce soit du point de vue de l’aménagement du territoire, de la lutte, de la compréhension des incendies, c’est-à-dire des mises à feu, ce qui a aussi un caractère social, et également de l’impact écologique des feux. En France, il y a plusieurs zones de défense. Il y a la zone de défense Sud, qui concerne plutôt les départements qui vont des Pyrénées-Orientales jusqu’aux Alpes-Maritimes. Et après, il y a une autre zone de défense qui concerne plutôt les départements qui ont été le plus impactés en 2022, notamment la Gironde, par exemple. C’est une gestion interservices, c’est-à-dire que sous l’égide du préfet, des plans sont mis en place, par exemple en Corse, c’est tous les 10 ans. Ce sont des plans de protection des forêts et des espaces naturels contre les incendies, et pour mettre en place ces plans, plusieurs services sont réunis : les services de la préfecture, de la direction régionale de l’agriculture et de la forêt, les services d’incendie et de secours... Sont aussi associées les chambres d’agriculture, les directions départementales des territoires et puis aussi les universités. Nous, par exemple, faisons partie de ce groupe. Ces plans sont donc mis en place tous les 10 ans, qui consistent à essayer de mieux comprendre les feux, d’une part, réduire le nombre d’incendies, ça, c’est une des priorités, et de réduire leur surface. Météo France calcule régulièrement ce qu’on appelle l’IFM, l’Indice Forêt Météo, et cet IFM permet de qualifier en fonction de plusieurs paramètres, qui dépendent à la fois des pluies passées, de l’humidité dans le sol, de l’humidité dans les végétaux, mais également des conditions atmosphériques des jours, c’est-à-dire un vent fort par exemple, ou une canicule, un niveau de risque plus ou moins élevé. Et en fonction de cet indice de risque, une adaptation est par la suite faite par les services départementaux, pour accompagner cet indice de risque de mesures sur le terrain. Le préfet peut très bien demander la fermeture d’un massif forestier. C’est-à-dire qu’on va interdire que les personnes puissent se déplacer dans ce massif, ou bien, si le risque est moindre, on suit simplement les recommandations de Météo France, qui consistent à dire que les personnes peuvent aller sur ce massif de telle heure à telle heure. Sur les territoires avec un relief pas très accidenté il y a des tours mises en place pour que les personnels puissent surveiller les départs de feu. Dans d’autres territoires, il y a un maillage plus resserré des vigies, qui sont positionnées à différents points d’observation. Par exemple dans les milieux montagneux, comme c’est le cas en Corse, les moyens de lutte, auxquels sont associés les forestiers-sapeurs, sont pré-positionnés sur le terrain. Et en fonction du niveau d’alerte, qui peut varier suivant les conditions météorologiques, ces vigies sont renforcées et augmentées en nombre. C’est donc beaucoup basé sur la détection visuelle. Pour l’aspect prévention lié aux interventions, ce qui est utilisé en France, c’est essayer d’intervenir le plus rapidement possible, dans les 10 minutes qui suivent la détection du départ, parce qu’on considère que c’est l’intervalle de temps qui permettra d’éteindre le feu et de ne pas avoir de problème. Pour les feux qui échapperaient à cette stratégie d’attaque des feux naissants, s’il y a par exemple 15 feux qui se développent en même temps et qu’on n’est pas en capacité de tous les arrêter, il y en a peut-être un ou deux qui vont échapper aux opérationnels, du coup ces feux qui vont se propager, il faut arriver à les circonscrire sur le territoire. Donc cette stratégie de compartimentage du territoire va consister à mettre en place sur les territoires qui ont déjà eu des incendies, et pour lesquels ont connaît l’historique des feux, des zones de coupure de combustible pour réduire la puissance de l’incendie et éviter qu’il se déplace. Il faut voir ça comme un ensemble : attaque des feux naissants et compartimentage du territoire, qui a fait ses preuves, puisque dans les années 1990, il y avait à peu près 30 000 hectares de forêts parcourues dans le sud-est de la France. Puis on est passé à 16 000 dans les années 2000 à 2010, et après dans les années 2010 à 2020, à l’exception de l’année 2022, on est tombés à 8000 hectares de forêts parcourues. Donc on a pratiquement divisé par 2 tous les dix ans la superficie parcourue par les incendies, donc c’est une stratégie qui fait ses preuves.