La vie a besoin de la mort, comme la terre du fumier,
puisque c’est de la mort qu’elle tire chaque jour,
à toute heure, son renouveau de jeunesse.
Octave Mirbeau
Ce n’est peut-être pas une mauvaise chose, mais on n’a pas toujours en tête que le pourrissement est fondamental pour l’équilibre écologique.
Le pourrissement, c'est pourtant le grand recyclage de la matière vivante, celui qui permet la formation d'un élément essentiel au renouvellement de la vie : l’humus. Les paysages des régions tempérées sont alimentés par l’humus, cette terre végétale, vivante, humide et brune, riche de microorganismes indispensables à l’écosystème.
Dans les quelques centimètres d’épaisseur de l’humus du sol, on trouve 80% de la biomasse vivante de la Terre et un nombre plus grand d’êtres vivants que sur le reste de la planète - à l’exclusion du monde sous marin. Un monde qui ne se voit pas, ne coûte rien mais sur lequel pèse un énorme tabou : celui des microbes… Extrêmement mal vus dans nos sociétés, source centrale de maladie et de mort, identifiés depuis Pasteur, les microbes sont fondamentaux pour la vie.
L’humus est constitué de débris végétaux et animaux. Et pour rendre ces débris consommables, les microorganismes démontent les organismes plus grands qu’eux - et le plus souvent morts – qui s'y trouvent. Chaque microorganisme intervient suivant sa spécialité, sur un type de molécule en succédant à un autre. C’est ainsi, molécule après molécule, qu’ils assainissent l’environnement et qu'ils nourrissent l'écosystème.
L’homme aussi, en Monsieur Jourdain de la pourriture, a appris à se servir de ce processus. Avant l’invention des phosphates, on épandait du fumier sur les champs pour nourrir la terre cultivée. Et pour faire du fumier et du compost, il suffit d’entasser la litière des animaux et les restes végétaux dans un lieu clos. Les microorganismes et les animaux, comme les vers de terre, qui aèrent et mélangent les différentes couches du sol, se chargent du reste. Ce qui a été mangé ou rejeté, ainsi devenu matériau absorbable, revient alors au paysage.
Les gens pressés que nous sommes désormais utilisent les vers de terre en faisant eux-mêmes leur compost, simulent l’humidité tropicale en l’arrosant, ajoutent des solutions chargées de bactéries, le protègent de la lumière ou du dessèchement en le bâchant, et recréent un univers clos dans lequel toutes les transformations s’accélèrent. Mais, du point de vue biochimique, le processus est toujours le même : on a besoin du pourrissement pour maintenir la vie !