Des textes de l'Antiquité décrivent déjà le symptôme le plus spectaculaire de l'hépatite : la jaunisse. On ne sait encore rien de cette jaunisse, si ce n'est que durant des siècles, elle fera partie du paquetage des armées en campagne qui vivent dans des conditions d'hygiène exécrables. Au milieu du XIXème siècle, le tchèque Karel Rokitansky décrit pour la première fois le virus hépatique. Peu de temps après, la guerre de sécession embrase les Etats-Unis. L'hépatite décime les troupes : en quatre ans, plus de 50 000 cas sont dénombrés. Les progrès arrivent au XXème siècle. Pendant la Première Guerre mondiale, on découvre que les matières fécales sont liées à la transmission de la maladie. Au milieu du siècle, la première ponction du foie permet d'observer les dégâts. En pleine Seconde Guerre mondiale, les médecins du Reich se servent de cobayes allemands pour prouver que les hépatites peuvent être d'origine virale. Au début des années 70, les virus de l'hépatite A et B sont formellement identifiés. Quelques années plus tard, les scientifiques s'aperçoivent qu'à la suite de transfusions de sang, certains patients sont infectés par une nouvelle hépatite, ni A, ni B. Les scientifiques, sans grand effort d'originalité baptisent le virus mystère : "non A non B". En avril 1989, "Non A non B" est identifié. Il s'appelle désormais virus de l'hépatite C, ou VHC. On sait qu'il voyage dans le sang et peut donc se transmettre lors d'une transfusion. Vers la fin des années 90, les produits sanguins sont enfin mieux contrôlés. Mais le nombre de personnes infectées continue d'augmenter. Premier coupable : la réutilisation de seringues contaminées par les toxicomanes. Depuis les années 90, l'hépatite C se soigne avec une combinaison d'une protéine, l'interféron et d'un antiviral, la ribavirine. Mais le taux de guérison n'excède pas les 50% et les effets indésirables sont fréquents et handicapants. L'arrivée fin 2013 d'une nouvelle génération de traitements, baptisés AAD pour antiviraux d'action directe, est une petite révolution. Mais cette révolution a un prix exorbitant. En juin 2014, la France lance une offensive avec 14 autres pays européens pour obtenir une baisse du coût du traitement auprès du laboratoire privé. La France obtient une petite ristourne de 8% environ. Dans la littérature des grandes maladies tueuses, les hépatites occupent le devant de la scène : un million et demi de morts par an. La maladie a différents visages A, B, C, D, E et G... Mais toutes ses formes ne sont pas aussi graves, ni aussi répandues. Les hépatites B et C sont les plus meurtrières : près de 400 millions de personnes sont porteurs chroniques de l'un de ces deux virus. On trouve la B essentiellement en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud Est, et la C, en Afrique du Nord, dans le sous-continent indien et également en Asie du Sud Est. Le virus de l'hépatite C qui se transmet par le sang tue environ 500 000 personnes par an. Pas de vaccin et des traitements difficiles à obtenir. Avec plus de 5 millions de malades, l'Egypte, le Pakistan, la Chine, le Myanmar, anciennement la Birmanie, et le Nigéria sont les 5 pays les plus touchés. L'Egypte est un cas d'école : dans les années 60, la schistosomiase, une maladie causée par des vers parasitaires, fait des ravages dans le pays. A l'époque, les médecins la soignent par injection. Le matériel, réutilisé, n'est pas correctement stérilisé. 7 millions d'Egyptiens reçoivent ce traitement en trente ans. Hélas, certains reçoivent également le virus de l'hépatite C. Il se propage ensuite dans le reste de la population et aujourd'hui, 1 Egyptien sur 10 est infecté. Fin 2013, un médicament révolutionnaire, le Sofosbuvir, arrive sur le marché. Son coût de production est d'une centaine d'euros facturé aux Etats-Unis 68 000 euros et en France, 41 000 euros. Pour soigner les malades français avec ce médicament, il faudrait dépenser l'équivalent du budget des hôpitaux parisiens. En Egypte, le Sofosbuvir coûte 1600 euros. Soigner l'ensemble des malades égyptiens reviendrait à dépenser cinq fois le budget annuel de la santé. En somme, ce médicament miracle est un produit de luxe. Si son prix n'est pas revu à la baisse seuls quelques privilégiés pourront se l'offrir. Virus, trouble du système immunitaire, médicaments, alcools... Quelle qu'en soit sa cause, une hépatite est une inflammation du foie. Hépatite A, B, C, D et E : les cinq virus responsables de la maladie ont chacun leurs caractéristiques et leurs effets. Le virus de l'hépatite C ou VHC, redoutable tueur, est le plus difficile à contrecarrer. Il se propage dans l'organisme par son moyen de transport préféré, le sang, lors de transfusions ou d'injections de drogues. Les scientifiques croient également possible que le virus passe de la mère à l'enfant pendant la grossesse ou se transmette lors d'un rapport sexuel. Une fois dans le corps, le virus se dirige vers le foie, l'organe chargé de filtrer notre sang. Arrivé dans le foie, le VHC s'installe à l'intérieur des lobules, les unités qui permettent à l'organe de fonctionner. Comme tout virus, le VHC a besoin de s'introduire au sein d'une cellule pour survivre et se reproduire. Alerté par cette intrusion, l'organisme envoie sa première ligne de défense : les cellules immunitaires. Mais pour éliminer le virus, elles détruisent en même temps, les cellules qui l'hébergent. Heureusement, dans 20 à 40% des cas, la défense immunitaire de l'organisme se débarrasse des intrus en moins de six mois. Mais la plupart du temps, les cellules immunitaires ne parviennent pas à leur fin. Au bout de six mois, l'infection entre dans la phase dite "chronique". Les symptômes de la maladie apparaissent : fièvre, fatigue, baisse de l'appétit, coloration en jaune de la peau et du blanc des yeux, coloration foncée des urines, nausées, vomissements... A l'intérieur de notre corps le virus continue de se reproduire et infecte de nouveaux lobules, détruits à leur tour par les cellules immunitaires. Les lobules détruits sont remplacés par ce que l'on appelle du tissu cicatriciel. Le tissu cicatriciel augmente et finit par altérer le bon fonctionnement du foie. Ce processus de cicatrisation du foie est une fibrose. Le foie atteint de fibrose rétrécit et durcit. Ses vaisseaux sanguins du foie s'aplatissent forçant le sang à contourner l'organe malade. L'excès de pression sanguine autour du foie provoque alors œdèmes et varices de l'œsophage. Puis vient la cirrhose qui peut évoluer vers un cancer du foie et coûter la vie au malade. Où qu'il soit, dans un pays pauvre ou riche, si le médecin soupçonne une hépatite, il pratique d'abord une prise de sang, un test sérologique pour savoir si la personne a été en contact avec le virus de l'hépatite C. Si le résultat est positif, un deuxième test est impératif pour savoir si le patient a du virus "actif". Si le test est encore positif, le patient souffre d'une hépatite C active. Le médecin doit alors déterminer la nature et l'étendue des dommages causés au foie. Un dernier test permet de déterminer le génotype du virus, c'est à dire la famille à laquelle il appartient. Le virus de l'hépatite C peut prendre six formes différentes, et toutes ne se soignent pas de la même façon. Le traitement d'hépatite C était à base de peginterféron, qui est donc un traitement injectable, donc assez contraignant, une injection toutes les semaines, de durée assez longue, ça variait en fonction du génotype, de 6 mois à 12 mois de traitement et en plus de ça, assez mal toléré, en tous cas, qui nécessitait un suivi vraiment rapproché du patient et en plus de ça, ces traitements étaient assez peu efficaces, il pouvait n'y avoir que 50% d'éradication du virus. Maintenant les traitements se sont beaucoup simplifiés, sont beaucoup plus simples à prendre, sans effets secondaires, et surtout très efficaces puisqu'ils éradiquent le virus de l'hépatite C, en gros dans 95% des cas, que les traitements sont courts, 3 mois en général, très bien tolérés et donc, ça change complètement la donne maintenant... sur le traitement de l'hépatite C dans les pays du nord. Sérieux bémol à cette mini-révolution thérapeutique, le coût de ces nouveaux traitements est exorbitant... Par contre pour les pays du sud, l'Afrique, l'Asie, l'Asie centrale, dans beaucoup de pays où il y a quand même une prévalence assez conséquente de l'hépatite C, c'est quasiment pas possible de s'offrir ces traitements. Le traitement de l'hépatite C connaît aujourd'hui une révolution. Il y a 5 ans, on traitait les patients pendant un an avec une association interferon pégylé-ribavirine, le traitement coûtait 25 000 euros, il était pénible, l'interféron avait beaucoup d'effets indésirables, et le taux de guérison n'était qu'à 50%. Depuis 3 ans, on a des traitements, de nouvelles molécules antivirales qui ont complètement changé la donne. On traite en 12 semaines, on a 95 % de guérison, et quasiment pas d'effets indésirables. Mon rêve, c'est de me dire que dans 5 ans, on aura la possibilité de dépister des patients en routine, dans une clinique, dans un check-up, on vous fait votre bilan, et on vous dit : "Tiens, vous êtes infecté par le virus de l'hépatite C !", on va vous donner un traitement qui va durer 12 semaines comme une antibiothérapie un peu longue, mais là on traite un virus, et vous n'aurez quasiment pas d'effets indésirables et on vérifiera 3 mois plus tard, avec une prise de sang, que vous êtes bien guéri. Et ça, on y est presque. La deuxiême chose qu'il nous faut après, c'est évidemment faire baisser les coûts du traitement. Aujourd'hui, les traitements avec les nouveaux antiviraux coûtent 100 000 euros, c'est énorme. Dans les pays à bas revenu, en Afrique et en Asie, on arrive avec des traitements génériques produits en Inde, à réduire de 100 fois ce coût, on passe à 1000 euros, mais 1000 euros, ça reste encore considérable. Qui en Afrique, quel gouvernement, quel individu peut se payer un traitement à 1000 euros ? Donc là, il faut continuer à faire des efforts pour rendre ce traitement plus abordable. Peut-être faudra-t-il que des grandes fondations comme le Fonds mondial, qui finance déjà les traitements du SIDA, du paludisme et de la tuberculose, acceptent aussi de subventionner les traitements de l'hépatite C, mais on peut y croire, et il faut aller dans cette direction. La perspective sur le long terme, c'est celle de l'élimination. On peut en effet imaginer, notamment dans les pays industrialisés, où la transmission aujourd'hui est essentiellement confinée dans le milieu des toxicomanes qui s'injectent les drogues par voies intraveineuse et qui en échangeant des aiguilles, s'infectent puisque c'est un virus transmis par le sang. Que si on a auprès de ces toxicomanes une politique de prévention et de traitement très volontariste, on puisse finir par éliminer le virus et de fait la transmission, dans les pays dits industrialisés. Je rêve peut-être, mais des pays comme l'Australie, y pensent très sérieusement dès aujourd'hui. Et dans les pays du Sud, où la transmission se fait plutôt dans les lieux de soins, par des aiguilles contaminées, la chirurgie, toujours un virus transmis par le sang, de meilleures mesures de prévention, associées à des traitements beaucoup plus abordables, devraient permettre à terme, là encore, de réduire considérablement le niveau de transmission et de présence de ce virus dans les populations, et pourquoi pas dans certaines régions du monde, un jour de l'éliminer.