L’Histoire de notre satellite vient d’être réécrite. Une récente étude parue dans la prestigieuse revue Nature propose le premier modèle cohérent de formation de la Lune, et résout au passage l’énigme de son âge. On sait que la Lune s’est formée à la suite de l’impact d’une protoplanète baptisée Théïa sur la Terre primitive. Mais son âge fait encore débat, car les datations divergent. D’un côté, quasiment tous les échantillons de roche lunaire rapportés par les missions Apollo remontent à 4,35 milliards d’années : c’est alors que le magma lunaire a refroidi et s’est cristallisé en roche. De l’autre, les rares cristaux de zircon trouvés dans ces roches, un minéral quasiment indestructible, indiquent un âge nettement plus ancien : autour de 4,5 milliards d’années, soit très peu de temps après la formation de la Terre.
- Notre étude démarre d’une idée : l’idée qu’on pouvait réconcilier les datations lunaires proposées par différents auteurs, dans un scénario où la Lune se forme relativement tôt, 50 millions d’années après le début du Système solaire, c’est-à-dire il y a 4 milliards 500 millions d’années, mais elle refond partiellement plus tard, il y a 4 milliards 350 millions d’années.
Une activité volcanique intense aurait pu refondre les roches lunaires, et ainsi remettre leur horloge géologique à zéro, tout en laissant intacts les zircons, qui résistent à de très hautes températures. Mais reste à comprendre pourquoi la Lune aurait refondu ? Car d’après les lois de la mécanique céleste, en s’éloignant progressivement de la Terre, la Lune aurait connu un changement d’orbite brutal :
- La Lune, il y a 4 milliards 350 millions d’années, est arrivée à une distance critique de la Terre où l’influence du Soleil commence à devenir importante. Du coup l’orbite de la Lune, qui avant était sur le plan équatorial terrestre, commence à sentir la perturbation du Soleil, qui lui se trouve sur le plan de l’orbite de la Terre autour du Soleil. Ce sont deux plans inclinés l’un par rapport à l’autre de 23 degrés. Dans cette transition, l’orbite de la Lune devient un peu folle, elle est inclinée mais aussi excentrique : ça veut dire que la distance de la Lune à la Terre n’est plus constante sur le mouvement orbital lunaire, mais la Lune s’approche de la Terre en accélérant et ensuite s’éloigne en ralentissant. Cette phase chaotique aurait soumis la Lune à d’intenses forces de marée, induites par des forces de gravitation très inégales à sa surface. - La Lune est tordue par ces forces de gravité exercées par la Terre. Évidemment quand on prend une roche qu’on la comprime, on la tord, on la déforme, ceci crée une friction interne qui dissipe de l’énergie, de la chaleur, et fait finalement fondre partiellement l’objet.
Ce volcanisme lunaire permet aussi de répondre à une autre question brûlante :
- pourquoi la Lune a « si peu » de cratères, entre guillemets, parce que la Lune est criblée de cratères, et même des très gros cratères, qu’on appelle les bassins d’impact (des structures supérieures à 300 kms). Il y a 50 bassins d’impact à la surface de la Lune, mais si la Lune se forme tôt, il y a 4 milliards 500 millions d’années, il devrait y en avoir 200, donc 4 fois plus. La lave provenant des entrailles de la Lune aurait rempli les plus vieux bassins d'impact et effacé toute trace des premiers bombardements.
- C’est une théorie qui permet de résoudre une grande tension et de réconcilier ces différentes datations, faites par des scientifiques tous très sérieux, avec des méthodologies très robustes, mais qui, en datant des éléments différents de la Lune ont trouvé des âges différents. Ce modèle montre que personne n’avait raison, personne n’avait tort. En fait, tout le monde avait raison dans son secteur. Il fallait juste interpréter toutes ces mesures dans un cadre cohérent. Et donc je dirais que c’est un pas en avant pour comprendre l’origine et l’évolution de notre satellite et donc de notre planète aussi.