C’est un résultat à la mesure de son spectaculaire objet d’étude, les baleines à fanons. En effet, les rorquals communs et les baleines bleues ou à bosse mangeraient tout simplement trois fois plus qu’on ne le pensait jusqu’à présent !
Il a fallu onze ans de recherches et d’analyses à une équipe internationale pour obtenir ces chiffres et ne plus se satisfaire de simples estimations.
L’équipe a tout d’abord utilisé des données recueillies sur 321 baleines de sept espèces vivant dans les océans Atlantique, Pacifique et Austral entre 2010 et 2019. Chacune de ces baleines était équipée d’une sorte de smartphone miniature, avec caméra, microphone, GPS et accéléromètre pour le suivi des mouvements. Des drones ont quant à eux permis de mesurer la longueur des cétacés et donc leur masse corporelle ainsi que le volume d’eau filtré à chaque bouchée. Enfin, de petits bateaux équipés d’échosondeurs ont évalué sur place la densité des essaims de krill, ce plancton formé de petits crustacés dont se nourrissent les baleines.
En combinant toutes ces données, les chercheurs ont pu estimer la quantité d’aliments ingérée par ces gigantesques mammifères. Ainsi, une baleine bleue du Pacifique Nord consomme quelque 16 tonnes de krill par jour, tandis qu’une baleine boréale en ingère 6 tonnes. Soit, en moyenne, une consommation quotidienne allant de 5 à 30 % de la masse corporelle de l’animal !
Pour aller plus loin, les chercheurs ont étudié la quantité de fer que les baleines, après l’avoir absorbé en se nourrissant, « recyclent » sous forme d’excréments près de la surface : 1 200 tonnes par an pour les seuls cétacés de l’océan Austral. Or le fer est essentiel au développement du phytoplancton, premier maillon de la chaîne alimentaire. Si bien que plus les baleines consomment du krill, plus le krill est abondant.
En augmentant la quantité de phytoplancton, la hausse des populations de baleines permettrait même, selon l’étude, d’accroître les volumes de dioxyde de carbone absorbés par l’océan. Il faudra sans doute de nouvelles études pour confirmer cette hypothèse, mais pour l’équipe, pas d’hésitation : le métabolisme des géants des mers offre bel et bien une « solution climatique naturelle » !
Source : “Baleen whale prey consumption based on high-resolution foraging measurements”, Nature, 3 novembre 2021