- Hop ! C'est par ici que ça se passe. Sur cette paroi, on a plusieurs séries de sillons. Il y en a une demi-dizaine, voire une dizaine. On a également un petit quadrillage ici qui est assez altéré, dont on ne voit plus que deux lignes horizontales. On arrive quand même à cerner plusieurs groupes qui correspondent à autant de petits épisodes de gravure. Des sillons gravés par centaines, des quadrillages énigmatiques. Nous sommes quelque part sous la forêt de Fontainebleau. Pour mieux comprendre le mystère des grottes ornées, une nouvelle campagne de fouilles dirigée par des préhistoriens, a eu lieu durant l'été 2023. Le massif de Fontainebleau est connu pour sa forêt et ses blocs de grès qui font la joie des grimpeurs et des randonneurs. Il est difficile d'imaginer qu'il a quelques milliers d'années au Mésolithique, entre 9500 et 5300 ans avant Jésus-Christ, nos ancêtres chasseurs-cueilleurs trouvaient ici de quoi se nourrir et s'abriter. Des abris dans lesquels ils nous ont laissé des gravures que les scientifiques ont encore du mal à interpréter. - La manifestation rupestre de ces symboles est vraiment propre à Fontainebleau. C'est ça aussi qui a laissé dubitatifs pas mal de temps les préhistoriens. On constatait l'arrêt de l'art pariétal, paléolithique. Le fait qu'on ait de nouveau une manifestation graphique au Mésolithique a demandé pas mal de batailles et d'argumentaires, d'argumentations dont nos recherches ici sont un peu la clef de voûte. On compte plus de 2000 grottes ornées entre Étampes, Nemours et Fontainebleau. Ces gravures étonnantes par leur aspect répétitif et non figuratif, n'ont pas livré tous leurs secrets. L'archéologie nous apprend qu'il s'agissait d'une pratique intense et courante, mais dont le rôle est encore mal connu. - Ce qu'on peut dire, c'est que le côté monotone de cet art rupestre se prêterait bien effectivement à l'une des caractéristiques des rituels qui est une forme canonique. Qui ne change pas dans le temps et dans l'espace. Pourquoi on a cette forme très monotone et répétitive ? Est-ce que c'était une aide à un contexte rituel bien particulier ? On pense que ce qu'il y a d'important dans cet art rupestre, c'est plus le geste que le résultat final de la gravure. En plus des relevés de l'étude des gravures présentes sur les parois, les recherches s'orientent également vers la collecte des objets témoignant d'une occupation humaine durant le Mésolithique. - À l'origine, c'était une lame qui a été retouchée pour avoir un segment beaucoup plus fin. On le reconnaît grâce à des petites stigmates de retouches sur le bord. - 47-79, un petit 86.018. - Chaque pièce a un numéro. On va les relever avec le topo. On enregistre et ça va nous donner les coordonnées X, Y, Z. On va reprendre ici le Z pour enregistrer, avoir le niveau à plat sur le sol. Ça permet de rentrer dans une base de données et d'avoir tous les points en 3D. - Ça va être le 41-89. - Il semblerait que ce soit la première partie du Mésolithique qui soit concernée. Cette datation, elle est permise par la typologie des objets qui ont servi à graver. Notre but, c'est justement d'affiner cette datation. Savoir si c'est que le huitième millénaire ou une période plus large du Mésolithique. C'est par les morceaux de charbon, par exemple, qui vont pouvoir se balader autour de ces outils de gravure, qu'on va pouvoir dater par carbone 14. C'est Jacques Hinout un archéologue amateur, qui commença à fouiller ce site dans les années 80. Ces fouilles ont permis de mettre en évidence que la grotte et ses abords contenaient de nombreuses traces d'occupation humaine. Cette seconde phase de fouilles se situe à l'entrée de la grotte, là où nos chasseurs-cueilleurs ont laissé les résidus de leur vie quotidienne. En creusant dans le sable, les chercheurs remontent le temps jusqu'aux couches correspondantes au Mésolithique. Des couches encore inexplorées révèlent des objets et des morceaux de charbon, qui pourront être datés précisément. - On sait que le site, au-delà des activités rupestres, a servi de lieu d'habitat pour les populations de chasseurs cueilleurs du Mésolithique. On le sait parce qu'ils ont laissé de nombreux vestiges de leur vie quotidienne. On est face à des populations nomades qui circulaient dans un territoire de quelques dizaines de kilomètres et allaient chercher les ressources disponibles dans ce territoire. La chance qu'on a, c'est que les populations Mésolithiques ont également abandonné les outils qui ont servi à faire les gravures. Tout l'enjeu de cette opération, c'est de mener une fouille de l'ensemble des niveaux archéologiques et de voir dans quel niveau archéologique on retrouve ces outils qui ont servi à faire les gravures. Parmi ces objets, on retrouve énormément de morceaux de silex très émoussés. Pour mieux les étudier, Colas Guéret apporte ses découvertes à la Maison de l'archéologie à l'Université de Nanterre. - Pour cette année, c'est près de 2000 pièces qui ont été découvertes, principalement des silex taillés et dont l'étude va permettre de fournir des informations sur leur datation et sur les activités auxquelles ces vestiges renvoient. Ce qui nous intéresse sur la fouille, c'est qu'au milieu de ces vestiges assez classiques pour la période, on va découvrir les pièces qu'on appelle les gravoirs qui servent à graver les parois de grès. On va pouvoir les repérer d'une part à l'oeil nu, quand les traces d'utilisation sont très développées. Sinon on va utiliser une loupe qui va permettre de reconnaître un nombre beaucoup plus important. Ces objets sont reconnus notamment sur la présence d'émoussés plus ou moins développés et de stries qui vont indiquer le contact avec les grains de sable qui sont présents dans le grès. Une troisième phase de fouilles aura lieu l'année prochaine. Le mystère des grottes ornées n'est toujours pas entièrement dissipé. Les gravures présentes dans les grottes souffrent de l'érosion naturelle des parois. Mais c'est surtout le l'homotouristicus qui provoque le plus de dégâts. Certaines gravures sont définitivement perdues. Des graffitis historiques et ceux d'aujourd'hui, viennent chevaucher des gravures vieilles de plusieurs millénaires. Si vous entrez dans ces grottes, dites-vous que ce patrimoine est fragile et que nous en sommes tous les gardiens.