FILM : « Le verre des diatomées » Voix off : Depuis deux à trois cents millions d'années, des algues microscopiques abondent dans le plancton marin. On les appelle les diatomées, ce sont des micro-organismes unicellulaires. Elles jouent un rôle fondamental dans la photosynthèse en fixant 25% du C02 de la planète et en générant un quart de l’oxygène sur terre. Leurs multiples propriétés nous permettent aussi d’envisager de nouveaux matériaux. Chercheur : En tant que scientifique travaillant dans le domaine des matériaux verres et céramiques, ce qui m’a le plus particulièrement intéressé, c’est que ces organismes unicellulaires se protègent du milieu extérieur en s’entourant d’une coque et cette coque est en verre. Il y a, à peu prés, 100000 espèces de diatomées différentes et, ce qui est remarquable, c’est que chacune d’entre elles élabore une coque dont la morphologie, la forme, est originale, génétiquement contrôlée d’ailleurs, et c’est tout à fait surprenant. Alors, la diatomée fabrique cette coquille de verre en prenant la silice qui est dissoute dans l’eau. Alors la silice dissoute dans l’eau provient simplement du fait que la roche terrestre, à 80, 90 %, ce sont des silicates. Lorsqu’il pleut, ils se dissolvent légèrement et la silice dissoute est entrainée par les rivières et jusqu’à la mer, les lacs, les étangs. Ce qui est remarquable, c’est que les diatomées arrivent à faire du verre dans l’eau à température ambiante, alors qu’on sait bien que nous, les êtres humains, faisons du verre à partir du sable fondu au dessus de 1000 degrés. Les diatomées le font dans des conditions naturelles biologiques et, par conséquent, c’est ce qu’on appelle de la chimie douce dans laquelle l’eau remplace le feu. Avec les travaux récents, on est maintenant capable de fabriquer du verre dans les mêmes conditions que les diatomées. La réaction chimique est relativement simple, c’est exactement celle que l’on utilise pour faire des polymères, des matières plastiques. On prend une molécule, ici c’est l’acide silicique, et on lie les molécules les unes aux autres pour aboutir à un solide. C’est une réaction de polymérisation. La solution, qui est fluide, devient de plus en plus visqueuse. Elle forme ce qu’on appelle un gel et puis finalement cela donne une poudre qui est un verre d’où le nom du procédé industriel qui s’appelle le procédé sol gel. Voix off : L’avantage de ces procédés industriels, réalisés à température ambiante, est qu’ils engendrent, par conséquent, des gains d’énergie très importants. Chercheur : Pour l’industriel, c’est la possibilité de mettre en forme le verre. Alors, je m’explique, par exemple de faire des revêtements, des films minces sur des vitrages de bâtiment, pour qu’ils ne laissent passer qu’une partie de la lumière, pour qu’ils ne soient pas réfléchissants. Et bien, on trempe simplement le vitrage dans la solution et elle se dépose directement. Quand le gel est plus visqueux, on obtient des fibres. On peut aussi vaporiser sous forme de petites gouttelettes et on obtient des nanoparticules. Le deuxième avantage, c’est qu’on peut faire ce qu’on appelle des matériaux hybrides où les parties minérales et organiques sont mélangées comme dans un matériau composite, mais à l’échelle moléculaire. Alors là, on obtient une gamme très variée de matériaux qui peuvent avoir, là encore, des applications importantes. Par exemple, je vais en citer deux. Une de prestige, c’est le toit du théâtre national de Pékin qui est un vitrage autonettoyant. Une deuxième application banale, ce sont les semelles de fer à repasser que vous utilisez où la partie organique va permettre au fer à repasser de glisser facilement sur le linge. Ce qui est peut être encore plus intéressant, c’est qu’on peut faire des petites billes de verres micrométriques mêmes inférieures au micron. On va pouvoir piéger dans ces petites billes de verre des cellules vivantes, par exemple des bactéries, et vous allez pouvoir utiliser le métabolisme de ces bactéries pour faire des capteurs : détecter par exemple de pesticides dans l’eau pour la dépollution de l’eau. Ce qui est remarquable dans les matériaux élaborés pour le vivant, c’est qu’avec un seul matériau le vivant arrive à remplir plusieurs fonctions. Ce qui n’est pas du tout le cas de l’homme. Voix off : Les diatomées, que l’on trouve aussi dans les étangs, les lacs ou les rivières, sont un incroyable exemple de la fonctionnalité de la nature à une échelle infiniment petite. Elles n’ont pas fini d’inspirer l’homme, notamment en ce qui concerne les cristaux photoniques.