FILM : « Météosensible comme la pomme de pin » Voix off : Nous avons tous fait l'expérience de ramasser une pomme de pin en forêt ou dans un jardin et constater qu'elle s'ouvrait dans un environnement sec et chaud, puis qu'elle se refermait quand le temps était plus humide. Quels phénomènes physiques ou chimiques se cachent derrière ce mouvement naturel et pour quelles raisons des scientifiques cherchent à s'en inspirer ? Chercheur : Le mécanisme d'ouverture de la pomme de pin a pour objectif simplement de disséminer les graines. On va avoir une ouverture dans les conditions sèches, une fermeture dans les conditions humides pour protéger les graines. Au moment opportun, la pomme de pin s'ouvre et libère les graines. Dans la démarche de biomimétisme, premier point à mettre en place, on observe, observe pour comprendre. Ensuite on regarde, on analyse, on détruit. On regarde comment s'est fichu et on utilise les outils les plus performants qu'on puisse avoir à l'heure actuelle pour observer à différentes échelles comment est organisé l'intérieur de l'écaille de la pomme de pin. Dans une écaille de pomme de pin, on a une zone charnière qui est accrochée au rachis donc au tronc. Quand on va avoir des variations d'humidité et de température, on va avoir les écailles qui vont se courber. Et, on voit par exemple sur une écaille de pomme de pin, on a deux types de tissus. On a des fibres schlérenchymes et on a des sclérides. Si on fait l'analogie, par exemple avec une main, les fibres schlérenchymes ce seraient les os qui sont très rigides, et on va avoir les sclérides qui seraient on vad dire le tissu, la peau quoi, qui, elle, est beaucoup plus souple et qui, elle, a une hydroexpansion, c'est à dire une expansion liée à l'humidité qui est beaucoup plus importante. Sur la notion de la composition chimique, biochimique d'une écaille de pomme pin, on va avoir différentes familles de polysaccharides : des celluloses, des hemicelluloses, des pectines et des lignines. Ca fait quatre briques. Donc on avoir notamment beaucoup plus de pectines et de celluloses, celles qui sont sensibles à l'humidité, dans la partie charnière et, plus on va vers le bout de l'écaille, plus on va aller vers des composés qui sont peu sensibles à l'humidité. Quand j'évoquais le fait qu'il y a deux types de tissus d'accord, les fibres schlérenchymes et les sclérides, chacune de ces fibres-là est constituée de parois, et chacune de ces parois là renferme les briques dont j'ai parlé juste avant. Quand on regarde au microscope pourquoi ca réagit, ces deux types de tissus qui n'ont pas les mêmes propriétés, hygroscopiques, qui gonflent différemment, étant donné qu'elles sont bien collées, on va en avoir une qui gonfle beaucoup et l'autre qui gonfle nettement moins. Vu qu'elles sont bien collées, lorsqu'on va avoir une variation d'humidité la réponse ce sera une courbure. Voix off : Une écaille de pomme de pin se courbe grâce à son architecture structurée de façon hétérogène à l'échelle du nanomètre. La connaissance de cette architecture permet de créer de nouveaux matériaux bio-composites qui reproduisent ce mécanisme. Pour quelles applications pourrait-on utiliser de tels matériaux météo-sensibles ? Chercheur : Les biocomposites que l'on développe, on les appelle des biocomposites hygromorphes. Hygro humidité, morphe, morphing, changement de forme. Ca veut dire qu'on a des matériaux avec des fibres végétales qui sont capables de changement de forme sous variation d'humidité. Comme une pomme de pin, je fais varier l'humidité et mon matériau va pouvoir se déployer. Aujourd'hui, ces matériaux sont développés à partir de fibres végétale, donc de fibres de lin. Donc différentes façons de procéder pour faire ces matériaux. La première, c'est la thermocompression, donc on vient prendre des feuilles de lin, d'accord, des feuilles de polymères, on vient faire un sandwich, et puis on vient thermocomprimer l'ensemble. C'est une technologie qui permet d'envisager que les matériaux que l'on développe soient potentiellement applicables directement par les industriels. Le domaine de production qui est en train, de grossir à l'heure actuelle, c'est la fabrication additive, notamment l'impression 3D et l'impression 4 D. Cette fabrication additive, elle, elle nous permet de manière beaucoup plus simple d'architecturer notre matériau. Il faut noter que le bâtiment que le bâtiment zéro énergie, le bâtiment de demain est vraiment très intéressé, parce que aujourd'hui on dépense une énergie phénoménale pour refroidir, pour gérer la qualité de l'air à l'intérieur du bâtiment. Avec des matériaux qui potentiellement peuvent se déployer de manière autonome, on pourrait réguler ca sans énergie. Première illustration d'application de ce genre de matériaux hygromorphes, c'est les travaux d'Achim Menges qui illustrent ca. La structure elle fonctionne de la même manière qu'une pomme de pin. Le diaphragme va s'ouvrir et se fermer en fonction de l'humidité et de manière autonome. Dans d'autres applications, le fait que ce soit autonome, ca peut poser problème. Si on souhaite contrôler le morphing d'une structure, c'est difficile de contrôler la météo. Donc ce qu'on a fait, c'est qu'on a modifié nos matériaux en rajoutant des particules conductrices. En injectant un courant, je vais chauffer, je réduis la teneur en humidité, si je réduis la teneure en humidité, je vais pouvoir finalement contrôler le morphing de mon matériau. Donc cela ouvre la voie à d'autres applications à plus haute valeur ajoutée notamment dans le domaine de l'aéronautique avec, pourquoi pas, des éléments d'avion qui peuvent bouger par rapport à un stimulus que nous on contrôlerait. Voix off : Ces matériaux innovants à base de lin sont de plus réalisés dans une démarche d'éco-conception. Associés à des polymères biosourcés, ils peuvent être parfaitement compostables et biodégradables en fin de vie comme tous les matériaux conçus par le vivant.