À l'orée du XXIe siècle, notre dépendance aux minéraux semble totale. Le monde des technologies modernes accroît nos besoins en terres et métaux rares, mais aussi en métaux connus depuis l'Antiquité. La mise en réseau des villes et la création de nouveaux systèmes électriques nécessitent un besoin exponentiel de cuivre. Nos réserves exploitables et accessibles de fer, de nickel et d'étain s'amenuisent. Notre planète semble désormais trop petite pour contenir l'expansion de l'économie mondiale. Est-il seulement possible d'envisager une croissance infinie dans un monde fini ? Depuis la découverte des métaux, rares sont les territoires qui n'ont pas encore été explorés et cartographiés par l'espèce humaine. Tandis que certains individus s'intéressent aux fonds marins, d'autres se sont mis en tête de relancer la conquête de l'espace, ce territoire inexploré, riche en ressources et matières premières. À l'heure actuelle, l'Espace n'appartient à personne. Depuis la rédaction du Traité de L'Espace en 1967, la plupart des nations se sont accordées pour garantir une liberté d'accès et d'exploration à tous. Celle-ci doit se faire pour des raisons pacifiques, sans appropriation possible d'un corps céleste ni de ce qu'il contient. Il est donc théoriquement impossible d'aller forer un astéroïde pour y récupérer le métal qu'il recèle. Mais au début des années 2010, plusieurs décrets vont changer la donne. Le Space Act, voté par les Etats-Unis en 2015, autorise désormais les citoyens américains à s'approprier les ressources de l'Espace pour leur seul profit. Plusieurs pays promulguent alors des décrets similaires et les sociétés privées d'exploration spatiale commencent à voir le jour. Environ 5 % des astéroïdes auraient des richesses métalliques insoupçonnées. Leur sol contiendrait notamment des ressources indispensables aux nouvelles technologies : platine, cobalt, nickel, titane. Psyché, cet astéroïde gigantesque de plus de 200 km de diamètre, serait composé à plus de 50 % de métaux. Le contenu de ce corps céleste pourrait ainsi couvrir les besoins en minéraux de l'humanité pour des milliers d'années. La valeur de Psyché est estimée à 700 quintillions de dollars, soit près de 2 millions de fois le PIB mondial. Un chiffre insensé qui attire toutes les convoitises. Mais exploiter du minerai sur un astéroïde est un procédé extrêmement complexe. Pour récupérer les métaux qu'il contient, il faudrait purifier le fer et le nickel sur place, dans des hauts fourneaux, à plusieurs milliers de degrés. Aucune étude produite à ce jour ne permet d'envisager la mise en oeuvre concrète de cette prouesse à des milliers de kilomètres de la Terre. Nul ne peut savoir s'il s'agit d'une prédiction visionnaire, d'un autre Eldorado ou d'une énième chimère. La course au progrès ne semble pas connaître de limites et l'imagination humaine encore moins. Dans une société matériellement fondée sur les minéraux, la raréfaction attendue de plusieurs d'entre eux devrait pourtant commencer à soulever plus de questions. Certains spécimens existent encore en quantité dans la croûte terrestre, comme l'argile, matériau de base permettant la construction de maisons, le gypse, grâce auquel on fabrique du plâtre ou le quartz, avec lequel on produit du verre. S'il paraît difficile d'envisager un futur basé sur l'exploitation de ces seules ressources, elles nous interrogent sur nos besoins essentiels. À l'heure où l'on pousse toujours plus loin la quête de gisements, ne faudrait-il pas repenser notre rapport aux minéraux et réfléchir à nos besoins de consommation, comme on commence à peine à le faire pour les végétaux ou les animaux ? Les minéraux nous ont permis de faire évoluer la technologie, la médecine et même d'explorer l'espace. L'humanité jouit aujourd'hui pleinement de ces évolutions, mais en mesure-t-elle véritablement le prix ? Il semble aujourd'hui plus que nécessaire de redéfinir notre rapport au monde et notre dépendance à la croissance, si l'on veut rompre avec un modèle de plus en plus destructeur. L'exploitation des minéraux se pose à ce jour comme une question cruciale pour l'humanité. Vers quelle destinée voulons-nous tendre et nous projeter ?
Réalisation :
Théo Jollet, Thomas Trichet, Martin Maire
Production :
Les Films Invisibles, Arte G.E.I.E., en partenariat avec Universcience
Année de production :
2024
Durée :
7min52
Accessibilité :
sous-titres français