A Pessac, près de Bordeaux, dans un bâtiment ultra-moderne se concocte de drôles de peinture... "Vous êtes ici sur le site d'Olikrom, à savoir sur un site industriel et Olikrom travaille sur ce qu'on appelle l'intelligence des couleurs, à savoir comment on est capable de programmer un changement de couleur dans un matériau. Donc là, vous êtes dans l'enceinte des laboratoires. Il y a un premier laboratoire qui va synthétiser les pigments, créer des pigments qui vont satisfaire le besoin du partenaire industriel." "Alors, on va commencer par l'humidité. Donc là on a effectivement un dépôt d'encre qui est à humidité ambiante, l'humidité relative. donc on voit qu'on est à 60 %. et ici, au sec, le même dépôt d'encre qui se trouve à 30 % d'humidité relative. Si on sort le dépôt et qu'on le laisse quelques minutes dans l'air ambiant, on va voir que le bleu, progressivement va revenir à cette forme rouge-rose. Il va transiter vers la coloration rose qui correspond à cet état d'humidité." "L'application, il y en a plusieurs. D'une part dans l'industrie pour aller détecter des fissures, des fuites, l'évolution anormale de bâtiments, d'infrastructures comme des ponts ou l'insalubrité des logements." Les pigments peuvent réagir à l'humidité, à la lumière... "Vous avez une couleur qu'on excite avec une longueur d'onde. Nous avons la couleur bleue sur celle-ci. Ces changements de couleurs qui peuvent être utilisés sur tout ce qui est vitre, protection de la lumière, voilà, les lunettes qu'on a 'habitude de porter." Sous forme de peintures, plastiques ou encre, elles sont ultra-sensibles. "Cette encre va réagir à la présence d'un gaz. Voilà donc là, déjà, en deux minutes, on peut voir qu'on arrive à avoir une coloration sensiblement différente, pour pouvoir alerter dans le cas d'une fuite par exemple d'hydrogène. On est sur des concentrations assez faibles, de l'ordre de 1% , voire même on a fait des tests à 0 1% donc le jour où on a une fuite d'hydrogène pur, cela se verra d'autant plus." Mais ce n'est pas tout ! "Là, nous avons deux encres. Ces encres sont composées de pigments à thermochrome. Je chauffe à 70°. On va observer un changement de couleur, et lorsque je vais arrêter de chauffer, ça va revenir à la couleur initiale. Et donc là, au contraire, ça va être des pigments irréversibles. Je vais chauffer, on va voir un changement de couleur apparaître, Ces pigments ne vont pas revenir à leur couleur initiale et vont rester de couleur jaune en l’occurrence." "Imaginez un four, imaginez une plaque chauffante imaginez un grille-pain qui est capable de changer de couleur pour avertir la personne âgée, les enfants, de ne pas le toucher parce que là, c'est chaud. Un industriel va peut-être nous demander justement de faire un contrôle en dynamique pour savoir si par exemple une cuve est en train de se remplir d'un fluide chaud et puis, dans un autre cas, il va avoir peut-être un besoin de savoir : est-ce que sa canalisation, son matériau a dépassé telle température parce qu'il va y avoir une dégradation. Ou même, dans les réacteurs de moteurs pour être capable de cartographier les élévations de température. C'est des revêtements qui peuvent être déposés très facilement sur les petits supports sans électronique, sans rien, et qui permettent de pouvoir avertir s'il y a une anomalie. Tous ces matériaux à changement de couleur ont beaucoup, comme enjeu, la sécurité industrielle. Et donc il est essentiel que le changement de couleur soit vraiment maîtrisé, programmé et surtout bien certifié." "Nous allons nous assurer que ces propriétés optiques sont correctes, sont bien présentes, donc on a un spectromètre UV visibles qui va nous permettre de caractériser dans le domaine de l'UV, du visible et de l'infrarouge. Également un spectrofluorimètre, qui va permettre de déterminer les propriétés de luminescence de nos pigments. Donc lors du développement du pigment, puis une fois que c'est formulé et est ensuite avant d'envoyer aux clients pour un contrôle qualité." Comment ça marche ? "Alors derrière ce changement de couleur programmé, et bien en fait on est en train d'utiliser ce qui est naturel et qui est le phénomène de transition de phase. Dans la nature, il y a énormément de minéraux, de matériaux qui, a une certaine température, certaine pression, en présence de certains matériaux, vont changer de couleur. Eh bien on exploite cette connaissance depuis les pigments jusqu'au produit fini pour programmer, soit réversiblement, soit irréversiblement le changement de couleur." Température, gaz, ondes lumineuses, parmi toute la gamme de sensibilité des produits conçus par le laboratoire, il en est une qui tient une place particulière : la photoluminescence. "Dans cette manip, on va mélanger deux phases, donc là, on peut voir le pigment se précipiter. Donc c'est ce pigment qu'on va extraire pour ensuite le mettre en peinture et lui donner la luminescence qu'on veut." "On génère la luminescence par l'addition des matériaux. Il y a eu création d'énergie qui amène au système cette capacité d'émettre de la lumière et c'est ce qui permet à cette peinture de capter la lumière la journée et d'émettre la nuit, toute la nuit, pour sécuriser des pistes cyclables, des cheminements de piétons et sécuriser des lieux qui sont aujourd'hui dépourvus d'éclairage public. Cette peinture permet de rassurer et de se guider dans la nuit dans les zones obscures, sans éclairage public, comme ici, sur cette plage." Génial ! mais ce n'est pas un peu radioactif ? "Non ! le principe qui est utilisé, c'est de la photoluminescence. Par photoluminescence, on entend les phénomènes de fluorescence, de phosphorescence mais aussi de tous les phénomènes naturels qui sont capables de capter la lumière la journée et de l'émettre à la nuit comme la bioluminescence. donc rien de radioactif, je vous rassure. Alors au contraire, cette peinture quelque part, eh bien elle est capable de se charger la journée, d'émettre cette lumière la nuit sans aucune consommation d'électricité ni émission de CO2. Donc on est, en terme d'environnement, sur un modèle complètement naturel. Pour équiper à peu près 1 km de pistes cyclables avec cette peinture luminescente, aujourd'hui il faut compter à peu près 4000 euros au kilomètre. Eh bien pour équiper ce même km avec de l'éclairage public, le coût de l'installation serait entre 200 000 à 400 000 euros. donc on voit que pour une collectivité, il y a un gain de sécurité, économique, et y a également un enjeu d'écologie. Depuis quelques mois, on a une véritable accélération du déploiement. Donc cette aventure qui est partie en Aquitaine dans un laboratoire et une innovation made in France, elle est en train de conquérir les villes par rapport à l'enjeu du vélo, mais elle est aussi en train de s'exporter." Ce produit fait son chemin... un chemin lumineux.