LA ROUGEOLE
1. Histoire
Rhazès, grand savant persan du Xème siècle est le premier à décrire précisément un cas de rougeole, jusqu’alors confondue avec la variole.
A cette époque médiévale, la rougeole est un fléau qui par vagues d’épidémies successives, frappe cruellement l’Europe.
En 1757, un médecin écossais, Francis Home, recourt à l’inoculation pour se protéger de la rougeole. Cette technique, sorte de vaccination avant l’heure, consiste à introduire l’agent pathogène dans l’organisme d’un malade volontaire. Les chinois de la Chine Ancienne étaient déjà rompus à ce procédé pour lutter contre la variole, toute aussi funeste. Mais les travaux de Home laisse la communauté scientifique de son époque indifférente.
Au XIXème siècle, l’Europe colonisatrice exporte sans le savoir le virus de la rougeole vers des terres encore épargnées. Le virus en profite pour redoubler d'énergie. En 1851, la rougeole atteint les îles Féroé proches du Groenland. Les 4 000 habitants des îles contractent la maladie en six semaines. Seules cinq personnes en réchappent.
La recherche fait un grand bond au milieu du XXème siècle, aux Etats-Unis. En 1954, le biologiste et prix Nobel américain John Enders parvient à isoler le virus. Cette découverte permet aux scientifiques de mettre le virus en culture et de progresser vers le développement d'un vaccin. A partir de la souche Edmonston B du virus, Enders et ses collaborateurs élaborent en 1963 le premier vaccin, le Rubeovax.
En 1971, l’Attenuvax, une combinaison des virus atténués de rougeole, des oreillons et de rubéole est le premier vaccin injectable en une dose. Toutefois, en 1989, les scientifiques reconnaissent qu’une deuxième injection est nécessaire.
Par la suite, chaque état développera ses politiques de vaccination et ses propres vaccins. En France, le vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéole) est mis sur le marché en 1966 et en 1983, son usage est généralisée dans la population française.
Le vaccin a contribué à faire baisser radicalement le nombre de morts. En 1980, alors que la vaccination n’était pas encore répandue, la rougeole faisait 2,6 millions de morts par an dans le monde. En 2013, la rougeole a tué 147 000 personnes.
2. La géographie
En 2013, chaque jour, plus de 400 personnes mourraient de la rougeole. L'immense majorité de ces décès concerne les enfants de moins de 5 ans vivant dans les pays pauvres. Les systèmes de soins y sont peu développés : pas assez d’hôpitaux, trop éloignés, mal équipés. En 2013, La République démocratique du Congo, le Nigeria et la Chine sont les trois pays les plus touchés par la maladie.
Pour lutter contre cette maladie très contagieuse, le vaccin est l’arme la plus efficace. En 2013, 84% des enfants dans le monde ont été vaccinés. Ce pourcentage est encore plus élevé en Europe, sur le continent américain ou dans le Pacifique. En Afrique et en Asie du Sud Est, par contre, moins de 80% des enfants sont immunisés contre la rougeole.
Mais rien n’est jamais acquis. En France, la rougeole est en pleine recrudescence depuis la fin des années 2000. En 2011, la France connaît même une véritable épidémie avec 15 000 cas déclarés. On soupçonne qu'un relâchement dans les efforts de vaccination en est le responsable. Alors que le taux de vaccination était en augmentation constante jusqu'en 2007, il stagne voire régresse aujourd'hui.
Toutefois, depuis les années 2000, les campagnes de vaccination dans le monde se sont intensifiées, notamment à travers le Plan d’action mondial pour les vaccins de l’Organisation mondiale de la santé. Ce plan a pour ambition d’augmenter la couverture vaccinale des pays touchés par la rougeole. En treize ans, le nombre de décès dans le monde a chuté de 75%.
Mais si les progrès dans le monde sont nets, la couverture a stagné dans certains pays d’Afrique où depuis 2009, on assiste à de véritables flambées épidémiques.
La guerre favorise la maladie. Lors d’un conflit, les campagnes de vaccination cessent, les systèmes de santé s’effondrent, les populations civiles fuient les combats... Cocktail idéal pour déclencher des épidémies de toutes sortes. En 2011, en Syrie où la rougeole était presque éliminée, la guerre civile a provoqué en moins de deux ans une épidémie de 7000 malades.
3. Le corps
Le virus de la rougeole est un membre de la famille des morbilli virus, proche du virus de la peste porcine et bovine. Mais contrairement à de nombreux virus du même type, celui de la rougeole ne mute pas : il a gardé la même structure depuis des décennies.
Grâce à cette propriété génétique du virus, les vaccins développés depuis les années 60 sont toujours efficaces.
La maladie se transmet par la toux, la salive ou encore les sécrétions nasales. Le virus libéré à l’air libre reste dangereux deux heures environ.
Pendant dix à quatorze jours après l’infection, la maladie est dans sa phase « silencieuse », sans symptôme. Suivant un plan d'attaque redoutable, le virus se loge d'abord dans les voies respiratoires, se réplique puis passe par le sang pour atteindre des organes plus éloignés comme la rate, le tissu lymphatique, les poumons, le foie...
C'est alors que les symptômes se manifestent : une forte fièvre, un nez qui coule, de la toux, une conjonctivite et parfois des diarrhées. C'est à ce moment qu'un enfant infecté est le plus contagieux. Il présente aussi un signe bien distinctif, appelé signe de Köplick : de petites tâches à l'intérieur de la bouche.
Vient alors l'éruption. En quatre jours, de petites plaques apparaissent sur la peau, d'abord sur le visage, avant de s'étendre au reste du corps.
Arrive enfin la desquamation, c'est-à-dire la perte des couches superficielles de la peau. L'enfant malade est fatigué pendant une dizaine de jours avant de se remettre… dans le scénario optimiste. Des complications comme otite, pneumonie ou autres infections respiratoires surviennent dans 10 à 40% des cas.
Les enfants de moins de cinq ans, qui vivent dans des conditions de promiscuité, mais aussi les enfants malnutris ou séropositifs risquent de contracter une rougeole sévère, voire mortelle.
Plus rare, mais plus dangereuse, l'encéphalite, une inflammation du cerveau qui survient dans environ un cas sur mille. Ce sont les complications qui provoquent les décès, surtout chez l’enfant de moins de 5 ans et l’adulte de plus de 20 ans. Dans les pays pauvres, la mortalité liée à la rougeole oscille généralement autour de 3 à 6% des cas, mais ce taux peut monter à 30% dans les camps de réfugiés ou dans les communautés isolées.
4. Le Soin
Il n’existe pas de traitement spécifique du virus : l'essentiel des soins consiste à éviter les complications et soigner les symptômes. Paracétamol pour les maux de tête et pommades ophtalmiques pour les infections oculaires... Les antibiotiques ne sont nécessaires qu’en cas de surinfections bactériennes comme la pneumonie ou l’otite.
SOPHIE ALLOT
INFIRMIERE
On a des patients qui arrivent de très très loin, d’environ 8O km qui viennent en vélo, et il y en a qui sont référés en moto donc grâce à MSF
où on va justement dans les centres de santé pour donner l’information qu’on est là et les ramener en moto, donc les mamans arrivent avec leur petit sur la moto
La rougeole frappe plus fortement les enfants malnutris. Pour éviter toute complication grave, le médecin doit s’assurer que les malades reçoivent une bonne alimentation et des compléments en vitamine A.
Lorsqu’un enfant souffre aussi de diarrhées et de vomissements, la réhydratation est essentielle, par voie orale, et si elle est trop sévère, par perfusion.
La rougeole est une maladie extrêmement contagieuse. 1 personne qui a la rougeole va la transmettre à 20 personnes non immunisées autour d’elle.
Les humanitaires ont l’habitude de dire : dans un camp de réfugiés, un cas de rougeole égale une épidémie. L’isolement doit être aussi efficace que les ressources le permettent.
Pour éviter l'apparition de la maladie, on utilise le même vaccin depuis 40 ans. Il fait partie des vaccins vivants atténués, et contrairement aux vaccins inactifs, il est efficace sur le long terme. De plus, il coûte moins d’un euro la dose. Mais comme tout vaccin constitué de microorganismes vivants, il doit être maintenu au froid et sa conservation est contraignante.
Les enfants ont besoin de deux doses de vaccin pour être correctement protégés. La première, donnée à partir de 9 mois et la deuxième avant leurs 5 ans. Dans les situations extrêmes (épidémie, réfugiés, enfants malnutris, séropositifs…), une troisième dose supplémentaire est administrée à partir de l'âge de 6 mois.
La meilleure façon de combattre la rougeole, c’est donc le vaccin. Pour prévenir toute épidémie, il faut que la couverture vaccinale, la vaccination d’une population à un moment donné, soit supérieure à 90%. La couverture vaccinale diminue ou élimine le nombre de porteurs et stoppe la transmission : on atteint alors ce qu’on appelle l’immunité collective.
5. Le Futur
Dr Frédéric Tangy, Institut Pasteur
Le vaccin contre la rougeole c'est un des meilleurs vaccins dont on dispose actuellement il était développé dans les années soixante et mis sur le marché vraiment couramment dans les années soixante quinze. C'est un vaccin vivant atténué ça veut dire que c'est le virus lui-même qui est vivant, qui pousse, c'est de l'agriculture biologie dans le sens où on le cultive sur des cellules, on le purifie et ensuite c'est lui qu'on injecte. Il est extrêmement efficace, c'est à dire qu'une seule injection d'une toute petite dose chez un enfant de un an induit la protection pour toute la vie contre la rougeole il y a pas besoin de revenir. On sait le faire partout, il y a des usines un peu dans le monde entier. Il faut l'acheminer avec une chaîne de froid parce qu'il faut le protéger, mais si on a ces protections, on a là un outil de santé absolument merveilleux.
Donc nous avons décidé de transformer ce virus pour en faire d'autres vaccins. Le virus de la rougeole je vous le montre comme ça c'est un espace de ballon un peu difforme dans lequel il y a son matériel génétique - on a pris le matériel génétique, on l'a recopié, ça s'appelle le cloner et ensuite on le coupe en morceaux et dedans on rajoute des morceaux du SIDA ou des morceaux de la dengue et on referme tout ça et on refait pousser de nouveau virus ainsi quand on injecte le virus au patient ou au volontaire ils sont immunisés non seulement contre la rougeole mais aussi contre les antigènes du SIDA ou de la dengue qui sont incorporés dans ce vaccin. Alors ces produits, on a actuellement des essais cliniques en cours avec le chikungunya, avec le SIDA, et avec la dengue pour faire des nouveaux vaccins basés sur ce véhicule on va dire ce vecteur de vaccination.
On s'est aperçu dans les années soixante dix que des enfants qui avaient des lymphomes, maladie dit de Hodgkin ... par exemple avec un œil gros comme ça, quand il faisait la rougeole, la tumeur disparaissait et il a ensuite été observé que effectivement le virus lui-même de la rougeole s'attaque aux cellules tumorales; il aime particulièrement répliquer dans ses cellules et les tue par le même occasion. Donc là aussi on a décidé d'utiliser le vaccin de la rougeole pour traiter des cancers.
Nous, nous allons tester l'efficacité sur le mésothéliome pleurale malin qui est le cancer de l'amiante ... de la plèvre et là on va mettre dans un grand volume, une grosse dose directement dans la plèvre d'un patient qui a une tumeur dans la plèvre et on va attendre que la tumeur soit détruite. Donc nous on démarre des essais d'ici deux ans si c'est efficace ça peut effectivement être sur le marché pour la médecine d'ici 5 ou 7 ans.