Ici, l’ennemi numéro 1, c’est la poussière. C’est pourquoi tous les chercheurs qui pénètrent dans les 3 000 m2 de salle blanche du Centre de nanosciences et de nanotechnologies de Saclay doivent enfiler combinaison, masque, gants et surchausses. Il y a une partie de la pollution qui peut être engendrée par les personnes qui entrent en salle blanche. L’épiderme de la peau, les fines particules de maquillage, les fines particules rejetées par un fumeur qui rentre dans une salle immédiatement après avoir fumé une cigarette, sont des facteurs qui peuvent entraîner de la contamination particulaire dans les salles, et effectivement, il faut veiller à ça pour accéder à ces structures. Si la poussière est tant redoutée, tout comme les vibrations et les champs magnétiques, c’est que les scientifiques travaillent ici à des échelles microscopiques voire nanoscopiques soit le millionième de millimètre. Ce pacemaker nouvelle génération par exemple va être introduit à l’intérieur même du cœur. Et pour ce faire, il doit être équipé d’un minuscule système d’alimentation capable de récupérer une fraction de l’énergie des battements du cœur et de la transformer en électricité. On voit ici deux éléments du microsystème : une partie avec des doigts fixes, et une partie au-dessus avec des doigts mobiles. Et sous l’effet des battements cardiaques, les doigts mobiles vont bouger par rapport aux doigts fixes. Et de ce fait là, un phénomène de capacité variable va être exploité pour transduire l’énergie mécanique en énergie électrique. Toute la difficulté, c’est d’avoir des éléments mobiles sur des grands déplacements, avec des précisions de déplacement extrêmes. Pour vous donner un ordre de grandeur, on espère avoir des déplacements parfaitement guidés sur plus de 500 microns avec un espace entre les parties mobiles et les parties fixes inférieur à 4 microns. Donc il y a un côté assez délicat, et c’est grâce à la précision d’usinage des nanotechnologies qu’on arrive à atteindre des performances de cet ordre-là. Pour réaliser de tels exploits, il est indispensable de disposer d’instruments extrêmement sophistiqués et d’un environnement très contrôlé. Plusieurs systèmes de filtres s’activent ainsi 24h sur 24, renouvelant l’air trente fois par heure. Il y a un certain nombre de centrales de traitement de l’air qui captent l’air de l’extérieur et une batterie de filtres de plus en plus fins qui vont retenir les particules en fonction de leur taille, des plus grosses aux plus petites. Et ces centrales permettent d’ajuster la température, l’humidité et vont induire une pression dans les salles pour éviter que les poussières ne rentrent. Les poussières de notre environnement de tous les jours ont toutes les tailles. Et celles qui vont nous gêner, c’est celles qui font à partir de 1 micron. De 1 micron à plusieurs de dizaines de microns, c’est ça qui va nous embêter. Dans cette salle blanche, la probabilité d’avoir une poussière qui se pose au cours d’une étape est extrêmement faible. Et parmi les endroits les plus propres du C2N se trouve la salle de photolithogravure. Une pièce stratégique dans la conception des micro ou nanostructures puisque c’est en dessinant puis en gravant à même la matière que l’on fait apparaître les différents composants des capteurs, comme ici les détecteurs du téléscope Qubic. On ne peut pas se permettre d’avoir de la poussière qui arrive sur les pistes, mais aussi sur le détecteur lui-même. Si l’absorbeur n’est pas constitué normalement, l’absorption du rayonnement ne se fera pas. Le niveau de propreté est fondamental pour arriver à ces technologies-là. Le télescope Qubic a en effet pour mission d’observer le rayonnement fossile de l’Univers, une lumière très peu énergétique qui nécessite des détecteurs de température ultra-sensibles. On dépose des couches métalliques pour fabriquer le thermomètre et les connexions. Chaque petit point va être un thermomètre d’un pixel. Sur cette plaque de silicium, on vient graver les détecteurs. Ce sont les mêmes détecteurs qui sont reproduits les uns à côté des autres pour que l’on puisse faire une image du ciel. Et donc chaque petit capteur, qui fait 3 mm par 3 mm, possède un absorbeur, qui va s’échauffer sous l’effet des photons du rayonnement fossile, et le thermomètre supraconducteur, qui est au centre, qui permet de mesurer l’échauffement grâce à l’électronique de lecture qui est derrière. La salle du C2N est dédiée à la recherche appliquée, mais aussi à l’industrie, à l’enseignement et à la recherche fondamentale. Les matériaux piézoélectriques, des matériaux qui se déforment sous l’effet de l’électricité, sont par exemple ici revisités. Nous ce qu’on cherche à faire, c’est de remplacer la commande électrique par une commande optique, ce qui va nous permettre de développer des dispositifs que l’on commande à distance, rapidement et avec une plus faible consommation d’énergie que des dispositifs classiques. Le modèle qu’on utilise dans un premier temps, c’est le modèle du micro-plongeoir qui agit comme un actionneur. Donc habituellement on l’excite électriquement et il se défléchit et nous on regarde en l’éclairant ce qu’il se passe. Pour concevoir ce modèle, les chercheurs vont déposer plusieurs couches minces de différents matériaux sans défaut, dans lesquels les atomes sont parfaitement alignés. Puis ils vont venir sculpter la matière pour mettre au jour leurs micro-plongeoirs. Et la dernière étape, ça va être de graver le support, qui là est du silicium, pour aller libérer ces petites poutres que l’on va pouvoir actionner électriquement ou optiquement. Le C2N se place à la pointe des domaines de la nanophotonique, de la spintronique et des technologies quantiques. C’est d’ailleurs au C2N que le « Plan Quantique », qui espère pouvoir donner naissance aux premiers ordinateurs quantiques, a été lancé en France en janvier 2021.