Depuis plus d'un siècle, les trous noirs fascinent l'humanité inspirant chercheurs, artistes et philosophes. Alors la question se pose : serait-il possible de créer un trou noir en laboratoire ? Pour étudier de près, dans un environnement contrôlé, ces objets fascinants. Autrement dit, pourrait-on avoir sous la main un cobaye de trou noir ? - Les astronomes braquent leurs télescopes vers des objets lointains comme les trous noirs, hors d'atteindre pour nous, simples mortels. Ils observent la lumière émise par la matière échauffée qui plonge dans le puits gravitationnel. Ces images sont malheureusement celles d'une réalité qui n'est d'ores et déjà plus la même, puisque la lumière a traversé tout l'univers avant de nous parvenir. Je n'ai pas la patience de ces arpenteurs de l'éther. "Pour que nous percevions les choses, il faut que nous les vivions", disait Maurice Merleau-Ponty. Je plonge donc dans des trous noirs artificiels tous les jours au laboratoire, des trous noirs hydrauliques. Alors comment reproduire en laboratoire un trou noir artificiel ? Donc ici, on est face à un canal de laboratoire, un canal à surface libre, c'est une sorte de rivière de laboratoire. Donc ce qui va se passer, c'est qu'on va avoir une vitesse qui va être uniforme à l'entrée du canal. Ensuite, cette vitesse va être accélérée par un obstacle de fond, ici c'est une sorte de bosse qui est transparente. Et donc le niveau d'eau va varier de telle manière qu'on va avoir l'équivalent d'une chute d'eau. Et c'est cette chute d'eau qui va jouer le rôle de trou noir analogue. Pour fabriquer un trou noir de la taille d'une souris, il faudrait une masse dix fois supérieure à celle de la Terre. Pas facile... Alors, les physiciens préfèrent étudier des systèmes plus simples mais qui possèdent quelques similitudes avec les véritables trous noirs : on parle de systèmes analogues. - La relativité d'Einstein décrit comment la lumière se propage dans un espace-temps courbé par la matière. Or, ces équations sont mathématiquement similaires à celles qui dictent la propagation des ondes mécaniques, comme le son ou les vagues, dans un fluide en mouvement. Si la vitesse du fluide augmente et atteint celle des ondes mécaniques, qui imitent la lumière, un horizon se forme. Comme dans un véritable trou noir. L'horizon d'un trou noir marque le point de non-retour, le lieu duquel rien ne peut s'échapper, pas même la lumière. Dans un courant d'eau en accélération, on peut également définir un horizon, un horizon pour les ondes mécaniques, telles que les vagues se propageant à la surface de l'eau. Cet horizon correspond à l'endroit où la vitesse du courant devient plus grande que la vitesse des vagues. Si une onde mécanique se forme en amont de l'horizon, elle peut remonter le courant mais si elle se forme en aval, elle ne pourra pas franchir l'horizon, et sera aspirée en arrière. Le courant d'eau devient alors un piège pour ses ondes, à l'instar d'un trou noir avalant la lumière. - L'horizon est une frontière qui sépare deux zones : l'une où la perturbation mécanique est libre d'aller en tous sens, l'autre où elle est piégée. Comme dans ce fort en Inde, le trou noir de Calcutta, où l'on enfermait les prisonniers dans l'obscurité. Ceux-ci y mourraient de suffocation et d'écrasement car ils n'avaient point d'échappatoire. Destin singulier et inévitable futur, qui donne si mauvaise réputation aux trous noirs astrophysiques, geôles éternelles d'où l'on ne s'échappe pas...en théorie. Or, je sais comment m'échapper d'un trou noir analogue. Je connais trois moyens : passer par le trou de la serrure, percer un tunnel, ou faire sauter la prison. L'horizon est comme une porte qu'on ne peut franchir que dans un seul sens : rien ne peut s'échapper d'un trou noir astrophysique, pas même la lumière mais dans un trou noir hydrodynamique, je peux tricher, et raccourcir les ondes comme un accordéon que l'on comprime. Lorsque leur taille est de l'ordre de la goutte de rosée, les ondes deviennent ultra-véloces et arrivent à remonter le siphon. Par analogie, cela reviendrait à dépasser la vitesse de la lumière. Les orthodoxes diront que je n'ai pas le droit. D'accord. Mais c'est possible, dans un système analogue. Quid de l'astrophysique ? Sinon, on peut choisir le scénario de "La Grande Evasion". On emprunte un tunnel, au fond du gouffre, les fameux trous de ver, reliant les trous noirs avec leur renversés temporels, que l'on appelle les fontaines blanches. En astrophysique, ces tunnels spatio-temporels seraient instables en théorie mais la mécanique des fluides permet de stabiliser les trous de ver hydrodynamiques. Donc ici on aurait une zone type "trou noir" donc une chute d'eau. Maintenant, du fait que la largeur du canal est petite, il y a beaucoup de frottements. Et donc ce frottement va refaire transiter l'écoulement qui est très rapide vers un écoulement lent, et donc ici on avait un horizon noir avec un trou noir et ici on va avoir un horizon blanc avec une fontaine blanche. Donc voilà ce que serait le voyage interstellaire direct si un cosmonaute rentrait dans le trou noir puis sortait de la fontaine blanche. Un mouvement lent - zone sous-critique-, un mouvement rapide dans la zone super-critique, puis un ralentissement - mouvement lent- dans la zone sous-critique. Dernière méthode : faire disparaître l'horizon. Comment ? En gavant le trou noir hydraulique et en l'obligeant à vomir. Celui-ci régurgite une onde non-linéaire, un peu comme un mascaret qui remonte les fleuves avec la marée de matière, contrairement à l'onde linéaire qui sera entraînée par le contrecourant. Ce qui se passe dans un trou noir hydrodynamique n'a pas forcément d'équivalent en astrophysique mais les systèmes analogues restent de formidables outils de compréhension, à la portée de main des expérimentateurs qui se laissent guider par la possibilité d'une similitude.